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LA VÉRIF - Covid-19: 40% des non-vaccinés en France n'ont-ils vraiment pas accès au vaccin?

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Plusieurs personnalités politiques, notamment à gauche, comme Christiane Taubira et Jean-Luc Mélenchon, ont avancé ce chiffre en s'appuyant sur une étude de l'Inserm. En réalité, le chiffre a été relayé par un sociologue de l'institut, indépendamment de toute étude.

Au 21 janvier, plus de 52,4 millions de personnes ont désormais un schéma vaccinal complet en France. À l'inverse, 4,6 millions de personnes, parmi les personnes éligibles à la vaccination, n'ont reçu aucune dose à ce jour. Pour expliquer cette situation, depuis plusieurs jours, des personnalités politiques, dont des candidats à l'élection présidentielle, avancent un chiffre, qu'ils attribuent à une étude de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale): 40% des non-vaccinés ne le seraient pas car ils n'y ont pas accès.

Un chiffre repris par de nombreux politiques et médias

Invitée sur France Inter mardi, la dernière candidate déclarée, l'ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira l'a évoqué: "Le pass vaccinal de ne pose pas de problème (...) Ce qui me pose problème, c'est ce que dit l'Inserm, c'est les 40% de non-vaccinés qui n'ont pas accès au vaccin. La pandémie nous a montré qu'il n'y a pas de politique de santé publique". Et d'ajouter: "Le vaccin est la réponse qui nous protège et qui permet à nos hôpitaux de fonctionner."

Toujours à gauche, ce chiffre des 40% a largement été repris dans les rangs de la France Insoumise. Dans une interview accordée à Libération et publiée le 11 janvier, Jean-Luc Mélenchon a notamment été interrogé sur les anti-vaccins. Réfutant que ces derniers sont complotistes, le leader insoumis affirme qu'"on peut faire mieux que d'insulter les gens. Sinon que répondent-ils? Qu'ils ne le sont pas. Et on tourne en rond". "D'ailleurs 40 % d’entre eux n'ont pas choisi mais subi de ne pouvoir être vaccinés", a-t-il conclu.

Même discours du côté d'Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis et porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. "L'Inserm nous montre que, parmi les gens non-vaccinés, 40% des gens non-vaccinés ne le sont pas car éloignés de toute politique publique", a-t-il déclaré sur le plateau de LCP, le 10 janvier dernier.

Sur le plateau de BFMTV mardi, Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélechon avançait également ce chiffre, pour souligner qu'il fallait "faire en sorte que ces personnes aient accès à l'offre de soin". Des propos réitérés pas plus tard que ce samedi matin.

Une donnée basée sur aucune étude de l'Inserm

Or, cette étude de l'Inserm n'existe pas. En réalité, ce chiffre a été avancé par un sociologue de l'Inserm, Jérémy Ward, cité dans un article du Parisien, daté du 5 janvier dernier. Interrogé sur les non-vaccinés, ce dernier explique qu'"il faut insister sur le fait qu'il y en a probablement environ 40% qui ne sont pas vaccinés principalement par difficulté d'accès".

Seule une publication de l'Inserm évoque le profil des non-vaccinés: une note de six pages rédigée par Jérémy Ward quelques jours après avoir été cité dans le Parisien, mais qui n'évoque pas ce chiffre. Par raccourci, le chiffre des 40% de non-vaccinés par difficultés d'accès a donc été repris par plusieurs médias, dont BFMTV et des personnalités politiques, en citant l'Inserm.

"Les questions de ressources et d'accès aux soins semblent rester déterminantes" concernant le profil des non-vaccinés, écrit le sociologue dans sa note, mais ce dernier affirme qu'il est impossible de chiffrer avec certitude la part des personnes non-vaccinées car n'y ayant pas accès.

"À la louche, c'est probablement autour de 25%, 30%, 40% mais c'est impossible à chiffrer puisqu'on n'a pas de données précises. Il faut garder en tête que c'est beaucoup de personnes", a-t-il détaillé à notre micro.

Une estimation précise impossible

Pour avoir une estimation de ce chiffre, l'Inserm interroge "des acteurs de terrain". "On discute avec des personnes dans des services de réanimation, des acteurs de terrain, des associations, des services de santé, etc., qui ont accès à des publics très durs à toucher par questionnaires comme on le fait (...) Les remontées des acteurs du terrain ne sont pas un niveau de preuve élevé dans aucune discipline mais si c'est la seule chose que l'on a, il faut l'utiliser", a ajouté Jérémy Ward.

De son côté, la Direction générale de la Santé (DGS), contactée par BFMTV, explique qu'il est impossible d'avoir un chiffre sûr et vérifié sur cette question. Mais que "le nombre de personnes dans cette situation est probablement très faible: en effet, les opérations 'd'aller vers' continuent d'être menées vers les populations âgées, précaires et/ou isolées", a précisé la DGS, notamment via des courriers, des "vaccibus"...

La DGS concède toutefois que certaines catégories de personnes sont particulièrement difficiles à aller chercher. Jérémy Ward le résume: "On a par exemple les personnes âgées isolées (...) les personnes immigrées qui maîtrisent mal le français et sont précaires, les sans domicile fixe, des personnes en précarité sociale importantes comme des mères célibataires".

Céline Pitelet avec Fanny Rocher