Pénuries de médicaments: un rappel d'amoxicilline relance la crainte d'un hiver de galère

Un étal de pharmacie le 23 octobre 2023 à Riedisheim (Haut-Rhin) - SEBASTIEN BOZON / AFP
La question est quasi-systématiquement accueillie par des longs soupirs. Devons nous craindre une nouvelle pénurie d'amoxicilline à l'approche de l'hiver? Les souvenirs de longues semaines de galères subies l'an dernier ont été ravivés cette semaine.
La raison: un rappel "d'un très petit nombre de flacons" d'une version de l'antibiotique, une déclinaison utilisée pour soigner les enfants et les nourrissons. Mais dans cette situation, la dose ne fait pas le poison, en matière d'amoxicilline, le moindre cachet est bon à prendre, en témoignent les pharmaciens, médecins ou patients qui ont enchaîné les difficultés l'an passé.
"Il n'y a quasiment pas une journée sans un appel d'un pharmacien qui ne dispose pas de ce qu'on a prescrit", fait remarquer à BFMTV.com Jean-Christophe Nogrette, le secrétaire adjoint du syndicat des médecins généralistes, MG France. "Cela concerne l'amoxicilline, mais ces pénuries concernent aussi de nombreux autres médicaments".
Gélules, poudres, sirop...
Pourquoi ce produit est-il un nouvel or blanc? Car il est employé pour beaucoup d'infections banales, on parle d'un médicament utilisé en "premier recours". Sinusite, otite, angine, pneumonie, abcès dentaire... Les pathologies qui peuvent être traitées avec cet antibiotique sont nombreuses, tant chez l'adulte que chez l'enfant, notamment sous sa forme de sirop.
"Gélule, poudre, sirop... Ce sont les mêmes difficultés", souligne Jean-Christophe Nogrette.
Les difficultés d'approvisionnement sont la combinaison de deux facteurs: une consommation "trop" importante d'antibiotiques (700 prescriptions pour 1.000 habitants en 2022 selon les autorités sanitaires) et une production en principe actif trop mince.
"Malheureusement depuis des années les ruptures sont fréquentes pour beaucoup de médicaments. Nous sommes donc bien sûr préoccupés par ces situations, mais aujourd'hui je ne peux pas répondre sur la situation cet hiver", indique pour sa part Romain Basmaci, chef de service à l'AP-HP et secrétaire général de la Société Française de pédiatrie.
Un mince "filet d'eau" mais pas de rupture totale
Philippe Besset, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques, évoque un "rappel de lot qui ne fait pas plaisir dans une période de fragilité". Le représentant des pharmaciens français reconnaît la "crainte" d'une pénurie cet hiver. Mais pour l'heure, la situation n'est pas bloquée.
"Il y a un filet d'eau continu au robinet, on va dire. Des mesures ont été prises, notamment au niveau de la distribution, pour que l'ensemble des pharmacies soient approvisionnées par des grossistes répartiteurs", explique-t-il.
Au-delà des craintes, il affiche de la "confiance" dans les mécanismes de protection adoptés pour éviter le pire. Sur ce point, l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) rappelle à BFMTV.com le déploiement d'un plan hivernal, déjà mis en place en 2023 pour "anticiper et limiter les tensions sur certains médicaments majeurs de l’hiver et ainsi sécuriser la couverture des besoins pour les patients".
Reste que, sur sa page dédiée, l'ANSM affiche des difficultés sur certains dosages du médicament, notamment sous sa forme buvable. Des "tensions d'approvisionnement" sont en cours depuis au moins octobre 2022, "celles-ci concernent toute l'Europe", tempère l'agence de santé.
Depuis trois ans, la loi impose aux laboratoires de consolider de stocks de sécurité de 4 mois sur certains médicaments d'intérêt thérapeutique (dont cet antibiotique) s'ils ont récemment fait l'objet de ruptures. Un impératif faisant l'objet de nombreux manquements. Mardi, 11 laboratoires ont été sanctionnés d'un total de 8 millions d'euros d'amende pour avoir failli à ces obligations.