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Frais des députés: un "projet illusoire" pour la déontologue de l'Assemblée

L'Assemblée nationale, photo d'illustration

L'Assemblée nationale, photo d'illustration - AFP

Les mesures concernant le contrôle des frais de mandat des députés sont assorties d'exceptions susceptibles de leur permettre de contourner la loi, dénonce la déontologue.

Moins d'une semaine après les annonces de François de Rugy sur l'encadrement des frais des députés, la déontologue de l'Assemblée ne cache pas son profond désaccord.

Parmi les annonces en question, figure le maintien d'une avance forfaitaire de 5373 euros aux députés pour leurs frais de mandats. Sur cette somme, 600 euros pourront être dépensés sans besoin de justificatif. La nouveauté, soulignait François de Rugy mercredi 29 novembre, réside en fait dans le contrôle de ces frais: ils seront effectués de façon aléatoire sur 120 députés par an, de façon à ce que l'ensemble des députés soient contrôlés sur l'ensemble de la législature.

La personne chargée d'effectuer ces contrôles est Agnès Roblot-Troizier, la déontologue de l'Assemblée. Et cette dernière est loin d'accepter ce nouveau rôle. Mercredi dernier, elle s'en est émue auprès du bureau de l'Assemblée, rapporte LCP. Devant ses collègues, elle a lu des extraits de son rapport - purement consultatif: onze pages dans lesquelles elle tire à boulets rouges sur les modalités de contrôle des dépenses des députés.

> Relevés bancaires contre justificatifs

Premier problème pointé par la déontologue: le fait que seuls les 120 députés tirés au sort seront sommés de présenter un justificatif pour leurs dépenses. "Le dispositif prévu ne semble envisager aucune vérification comptable des dépenses des députés qui n’auront pas été tirés au sort", écrit-elle. Les autres devront lui transmettre les relevés de leur compte bancaire dédié au mandat: insuffisant, pour Agnès Roblot-Troizier. "il serait plus conforme à l'esprit de la loi de prévoir a minima une vérification comptable (…)", écrit-elle.

> Un secret "protégé par la loi"

D'autre part, elle souligne le fait que les députés pourront refuser de lui fournir "des informations confidentielles couvertes par un secret protégé par la loi ou relatives à l'identité de tierces personnes". Agnès Roblot-Troizier s'interroge sur la nature de ce "secret"; d'autant que figurent dans la nouvelle liste des frais non-remboursés par l'Assemblée les dépenses liées à une activité professionnelle extérieure au mandat.

> Des "tierces personnes" pour contourner les règles?

Quant au secret lié à l'identité de tierces personnes, la déontologue craint que cette possibilité permette aux députés de contourner la loi: "il serait alors aidé d'imputer sur son avance mensuelle des dépenses liées à sa vie privée", écrit-elle. Et d'asséner que cette réserve "est tellement large qu'elle rend illusoire le contrôle de frais de mandat prescrit par la loi".

Du côté de François de Rugy, on rappelle que l'avis d'Agnès Roblot-Troizier a été donné à partir d'un "document de travail", amendé ensuite par le bureau de l'Assemblée pour tenir compte de ses remarques. Une "clause de rendez-vous" a notamment été ajoutée: elle implique de revoir le dispositif "au plus tard dans un an" pour "l'améliorer". "Des ajustements sont possibles, y compris sur les moyens mis à disposition de la déontologue", ajoute-t-on à la présidence de l'Assemblée, contactée par BFMTV.com.

Des moyens humains, mais pas seulement: l'Assemblée n'exclut pas d'avoir recours à un cabinet spécialisé pour traiter les contrôles des dépenses. Une forme de sous-traitance, réalisée "sous l'autorité de la déontologue".

Ariane Kujawski