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L'autonomie corse peut-elle s'inspirer d'autres statuts juridiques particuliers dans la République?

Jean-Guy Talamoni joint la parole au geste lors d'un discours à Corte, en 2013.

Jean-Guy Talamoni joint la parole au geste lors d'un discours à Corte, en 2013. - PASCAL POCHARD CASABIANCA / AFP

La France n'administre pas tous ses territoires à l'identique. Si, avec la percée du vote nationaliste aux dernières régionales, les instances corses réaffirment des volontés autonomistes, des territoires de la République bénéficient déjà d'un statut à part.

La question est sensible, car ce sont bien les principes fondamentaux d'indivisibilité de la République et de manière sous-jacente, de la souveraineté, qui sont soumis à la question. Quand Gilles Simeoni, nouveau président du Conseil exécutif corse, affirme que "la langue du peuple corse est le corse", Manuel Valls lui rétorque "qu'il n'y a qu'une seule langue (officielle) dans la République, le français". Pas de "co-officialité", ni pour la langue, ni pour la nation.

Invoquant la nécessité de ne pas causer un "déni de démocratie", les nationalistes corses voudraient pousser encore vers une autonomie qui reste selon eux, en grande partie, à inventer. Leurs revendications peuvent-elles s'appuyer sur des pratiques déjà entérinées ailleurs dans la République? Rien n'est moins sûr.

Un statut du même type que celui de Paris ou Lyon?

Depuis la loi du 7 août 2015 portant une nouvelle organisation territoriale de la République, la Corse devient "collectivité de Corse" et plus simple "collectivité territoriale". A partir du 1er janvier 2018, il est prévu que l'île devienne une "collectivité à statut particulier" au sens de l'article 72 de la Constitution.

Michel Lascombe, professeur de droit constitutionnel à Sciences Po Lille, a précisé à BFMTV.com la signification du texte constitutionnel. "En principe, les collectivités ont le même statut, sauf certaines qui possèdent un certain nombre de particularismes plus ou moins importants", explique-t-il. Certaines disposent de ce "statut particulier". Ainsi "Paris et Lyon qui sont à la fois des départements et des communes", expose-t-il.

Si les détails du changement de statut annoncé pour la Corse restent à régler, souligne le juriste, cela permettra cependant à une seule assemblée de "réunir les compétences de l'Assemblée de Corse et de celles des conseils départementaux". Ainsi les deux départements actuels (Haute-Corse et Corse-du-Sud) seraient fusionnés avec l'instance régionale dans cette nouvelle entité.

Le corse ou le tahitien pas près d'être officiels

Outre le statut juridique, la question de l'usage officiel et concomitant du français et du corse est au coeur des revendications. Il se pourrait que le Conseil d'Etat réitère la position qu'il avait adoptée dans un arrêt du 13 janvier 2013. Il avait alors proscrit l'usage du seul tahitien par le "vice-président" et "plusieurs orateurs" lors d'une séance de l'Assemblée de la Polynésie française.

Deux motifs étaient alors invoqués. En premier lieu, le fait qu'au terme de la loi organique de 2004, si "la langue tahitienne est un élément fondamental de l'identité culturelle"; le français reste "la langue officielle". En second lieu, l'usage de la langue locale est accusé "d’empêcher les tiers de prendre connaissance des motifs de leur adoption et de leur portée exacte, et de priver toute personne, y compris les membres de l’assemblée, des garanties d’accès et de compréhension indispensables au débat démocratique".

Pas sûr que le discours d'intronisation à l'Assemblée de Corse de Jean-Guy Talamoni, prononcé en décembre en langue corse, trouve un meilleur accueil de la part du juge administratif.

Le statut de "résident corse", une utopie?

Autre point d'achoppement avec le gouvernement, les nouveaux élus corses réclament un statut de "résident" corse. Cette forme de reconnaissance, non pas d'une citoyenneté à part entière, mais d'un entre-deux aux visées pratiques, ouvrirait la voie à "une préférence corse" pour lutter contre le chômage ou conditionnerait l'achat de biens immobiliers à une présence d'au moins cinq ans sur l'île.

On pourrait tenter ici un rapprochement avec la citoyenneté néo-calédonienne. Unique en son genre, elle relève d'une qualité juridique particulière au sein de la citoyenneté française et résulte de l'accord de Nouméa de 1998. Mais, rappelle Michel Lascombe, la Nouvelle-Calédonie se destine à "devenir un Etat indépendant". Un référendum d'autodétermination est prévu pour 2018 à ce sujet.

Ensuite, cette collectivité est dans une "situation de quasi-fédéralisme" avec la France, tant elle relève de "dispositions constitutionnelles qui lui sont consacrées". "La loi française ne s'y applique pas, même si les lois néo-calédoniennes sont soumises à l'examen du Conseil constitutionnel".