Encore un (gros) effort, M. Bartolone !

Hervé Gattegno - -
En matière de financement de la vie publique, il faut se méfier des effets d’annonce. Pour le symbole, les mesures de Claude Bartolone vont dans le bon sens – celui du rétablissement de la confiance entre citoyens et élus. Pour améliorer leur crédit, les députés doivent surveiller leurs dépenses. Dans les faits, on est obligé de dire que la contribution de l’Assemblée à l’effort d’austérité nationale est encore bien modeste. Surtout, le vrai problème du train de vie du Parlement, c’est moins la prodigalité que l’opacité. Il y a quelques excès d’opulence mais on n’abuse pas… de la transparence.
La réduction (de 10%) de la fameuse « indemnité pour frais de mandat » des députés paraît-elle hors sujet ?
Plutôt démagogique : soit on considère que les députés n’ont pas besoin de tout cet argent pour exercer leur mandat et il faut le réduire bien plus que cela, soit c’est utile à leur activité et c’est ailleurs qu’il faut économiser. D’ailleurs ce n’est pas une vraie économie puisque la différence sera reversée au profit des assistants parlementaires. En attendant, le vrai problème reste l’impossibilité de contrôler ces dépenses : la quasi-totalité des députés refusent de détailler l’utilisation de cet argent (6000 €/mois). Autrefois ces fonds étaient versés en espèces. Maintenant, c’est un chèque… en blanc.
L’argument principal avancé par les parlementaires, c’est que l’élu doit pouvoir exercer librement son mandat et que la séparation des pouvoirs garantit cette liberté. Ce n'est pas le cas ?
La séparation des pouvoirs ne garantit pas l’opacité des dépenses. Elle garantit que le Parlement décide de son budget sans intervention de l’exécutif. Et que, dans le même esprit, l’Assemblée contrôle elle-même ses dépenses. C’est peu dire qu’elle ne le fait pas. Il existe une commission de vérification des comptes : elle ne se réunit qu’une fois par an et ne vérifie rien du tout (et comme par hasard, on en a écarté les députés les plus curieux, comme René Dosière et Charles de Courson). Il y a aussi un déontologue à l’Assemblée, mais il a été évincé avant l’été et n’est pas encore remplacé – du coup, les députés n’ont pas rempli les déclarations écrites que la loi leur impose pour prévenir les conflits d’intérêts… Un manque de transparence de plus.
Faudrait-il une transparence totale sur le budget des deux assemblées ?
Bien sûr. C’est le sens de l’histoire. Pas au nom d’une exigence moralisatrice malsaine mais parce que la publicité reste le meilleur moyen d’éviter les dérives dans l’usage de l’argent public – c’est même le seul domaine dans lequel la transparence absolue est légitime. Par exemple, Claude Bartolone veut limiter les voyages des députés : c’est bien mais il faudrait surtout en publier la liste exhaustive, avec leur coût et leur objet. Quant à la fameuse « réserve parlementaire », cette cagnotte qui permet aux députés de financer à discrétion des projets locaux, tout le monde sait que c’est la tirelire du clientélisme. Claude Bartolone veut codifier son utilisation ; il serait bien plus sain de la supprimer carrément – ça écarterait tous les soupçons. Si l’Assemblée veut rester une place forte, elle doit devenir une maison de verre.
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