1,8 million d'euros légués sous conditions à Dunkerque: que dit la loi?

La mairie de Dunkerque (photo d'illustration). - PHILIPPE HUGUEN / AFP
Son nom restera sans doute dans l'histoire de la ville. Marcel Delhaye, mort le 8 mars alors qu'il n'avait aucun héritier, a fait don de l'ensemble de ses biens à sa commune, Dunkerque, comme l'ont rapporté plusieurs médias locaux. Au total, la municipalité hérite de 1,79 million d'euros, qu'elle devra utiliser selon les dernières volontés du vieil homme: pour servir à la construction d'une maison de retraite, et pour ériger une plaque à son effigie.
Les dons et legs à une commune sont autorisés par la loi. Et s'ils ne sont pas courants, l'exemple de Dunkerque n'est pour autant pas inédit. Début février, une nonagénaire a ainsi fait don de 1 million d'euros à la ville de Morlaix, demandant que cette somme soit utilisée uniquement pour des projets culturels. Comme le précise l'Association des maires de l'Isère sur son site, ce type de dons spontanés est "dans la plupart des cas" accompagné de conditions, une pratique autorisée elle aussi par la loi.
Pas n'importe quel genre de conditions
Comme le précise le Code général des collectivités territoriales, "les communes et leurs établissements publics peuvent percevoir le produit de dons et legs". C'est le conseil municipal qui est chargé de statuer sur leur acceptation. Mais dans le cas où ceux-ci sont faits sans mention d'aucune condition particulière, le maire peut être délégué par le conseil municipal pour les accepter ou les refuser.
Dans le cas où le don ou legs serait destiné à un hameau ou un quartier qui n'est pas une section de la commune, c'est aussi le conseil municipal qui décide de l'accepter ou non, et si la réponse est oui, c'est la commune qui gère le bien au nom du hameau ou du quartier, dans leur intérêt.
Le code civil fixe quant à lui des limites aux conditions posées à un don ou un legs. Si celles-ci sont "impossibles, contraires aux lois ou aux moeurs", elles sont "réputées non écrites", donc invalidées. Il peut aussi arriver que les conditions posées au moment d'un testament s'avèrent impossibles à tenir. Dans ce cas, sur décision de justice et au bout de 10 ans après la mort du donateur, le bénéficiaire du don peut faire demander la révision de ces conditions, si "par suite d'un changement de circonstances, l'exécution en est devenue soit extrêmement difficile, soit extrêmement dommageable". Le juge peut alors par exemple proposer d'utiliser la somme d'une manière qui soit "en rapport" avec la volonté de la personne qui a fait le don.
Appel à la prudence
A Dunkerque, le legs de 1,79 million d'euros pourrait poser quelques problèmes à la commune, qui l'a d'ores et déjà "mis en réserve". Comme l'explique Pascal Lequien, adjoint au maire de la ville en charge des finances cité par France 3 Hauts-de-France, la somme apparaît bien insuffisante pour construire une maison de retraite, dont le chantier peut atteindre les 10 millions d'euros. L'argent pourrait donc être utilisé pour rénover une maison de retraite existante, afin de ne pas obliger la ville à verser la somme complémentaire nécessaire à l'édification d'un nouvel établissement.
L'Association des maires de l'Isère conseille de refuser les dons ou legs dont les conditions seraient trop rigoureuses et floues, car une fois que le conseil municipal a statué, sa décision n'est pas révocable, et la commune est alors dans l'obligation de respecter les conditions posées.