Affrontements, mairie investie, élus pris pour cible: que s'est-il passé à Val-de-Reuil?

D'une bagarre entre enfants autour d'un bac à sable à une dissolution engagée par le ministre de l'Intérieur. Le 5 septembre dernier, une bagarre éclate entre deux enfants de moins de dix ans, l'un d'origine kurde, l'autre d'origine africaine. Les parents s'en mêlent, leur communauté respective également. Une rixe survient alors et entraîne six blessés côté kurde, parmi lesquels le père d'un des deux enfants, gravement blessé et envoyé à l’hôpital selon nos confrères du Figaro. L'autre père est quant à lui interpellé.
· "Une querelle de bac à sable" et non un conflit communautaire
Le maire socialiste de Val-de-Reuil Marc-Antoine Jamet a assuré, lors d'une conférence de presse ce lundi, qu'il ne s'agissait nullement d'un conflit communautaire mais de l'escalade d'un conflit d'ordre privé. C'est "un différend entre enfants" devenu "un différend entre parents, puis entre familles, puis entre voisins et qui aboutit à quelque chose de fou, d'inconcevable, d'insupportable, qui est une rixe gigantesque entre 100, 150 personnes".
"C'est une bagarre de bac à sable, une bagarre entre enfants que deux mères viennent soutenir", a déploré l'élu. "L'une dans des proportions totalement démentielles, qui sont ensuite aidées par les pères. (...) Voilà, au départ c'est exclusivement ça qui se passe".
· Plusieurs manifestations organisées
L'affrontement, filmé et relayé sur les réseaux sociaux, avait fait réagir la classe politique et notamment Marine Le Pen, qui avait pointé des "affrontements intercommunaires". Des propos qualifiés de "provocation" lundi par le maire de Val-de-Reuil. "Ce n'est pas une zone de non-droit, c'est une zone où il y a eu un conflit entre deux familles", a-t-il répondu à l'adresse de la présidente du Rassemblement national, l'accusant de vouloir "mettre de l'huile sur le feu".
Mardi dernier, une manifestation avait été "organisée sans la moindre autorisation" à Val-de-Reuil par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ponctuée de "provocations racistes", selon une déclaration de Marc-Antoine Jamet, le maire de la commune.
La Ligue de défense noire africaine souhaitait elle-aussi organiser une action collective, mais le maire avait refusé au vu de possibles troubles à l'ordre public. Pour protester, un rassemblement avait tout de même été organisé samedi vers 11 heures dans le centre-ville.
· La mairie de Val-de-Reuil investie
Puis dans le cadre de ce rassemblement au début de l'après-midi, plusieurs dizaines d'individus rassemblés à l'appel de la Ligue de défense noire africaine ont envahit la mairie.
Jérôme Filippini, préfet de l'Eure, a déploré lundi "une manifestation de personnes qui aiment répandre la haine et des discours racistes", "qui ont perturbé une cérémonie républicaine. C'est le plus grave", avant de dénoncer les "propos haineux et racistes" de la LDNA, "qui contribuent au désordre public".
Fadilla Benamara, élue au conseil municipal, a reçu trois jours d'ITT après cette action. De son côté, la Ligue de défense noire africaine, dans un communiqué, réfute toute violence physique à l'égard de l'élue et estime dans un communiqué qu'il s’agit là de "diffamation".
"On a tenté de les empêcher d'entrer dans la salle du conseil, ils ont donc dégondé la porte de la salle du conseil, qu'ils ont complètement arrachée. Ils ont pénétré dans la salle où le maire célébrait un mariage", raconte l'adjointe à la mairie, "les enfants se sont mis à hurler, un enfant porteur d'un handicap était tétanisé, terrorisé [...] des femmes ont fait des malaises et se sont pratiquement évanouies sous nos yeux."
Fadilla Benamara raconte enfin avoir tenté avec une trentaine d'autres personnes présentes d'empêcher les individus d'entrer en force dans la salle du conseil: "demander audience au maire pendant qu'il célébrait un mariage, c'est ça leur méthode?", déplore-t-elle.
"Dans les visages en face de moi, ce ne sont pas des Rolivalois", affirme enfin l'adjointe, "ce sont des gens venus de Paris qui peut-être sont à l’affut chaque semaine de la rubrique faits-divers pour se demander sur quel coup ils vont pouvoir rebondir, faire du buzz sur notre dos et utiliser notre ville comme théâtre pour leurs actions et leurs revendications."
· Le maire de la commune enfariné
Peu après, lors de la sortie d'un couple tout juste marié de la mairie, le maire Marc-Antoine Jamet, a été enfariné. Sur son compte Facebook, la Ligue de défense noire africaine, qui a entièrement filmé la scène, évoque un enfarinage à l'esprit "bon enfant". Interviewée par BFMTV, la mariée présente lors de l'enfarinage évoque une cérémonie "gâchée".
"Je n'ai pas les photos souhaitées, ce n'est pas ma commune ça", raconte-t-elle, contrainte de rentrer dans la mairie "comme du bétail" pour sa sécurité et celle de ses proches.
· Une plainte et une procédure de dissolution
Le maire a indiqué au Figaro que la mairie allait porter plainte après le passage de la LDNA dans ses locaux. La procureure d'Evreux, Dominique Puechmaille, a indiqué à nos confrères de l'AFP que des poursuites seraient "bien sûr" engagées, une fois l'enquête terminée.
En réaction ce lundi, Gérald Darmanin a annoncé le déclenchement d'une procédure de dissolution à l'encontre de la Ligue de défense noire africaine. "J'ai décidé de lancer la procédure engageant la dissolution de la Ligue de Défense Noire Africaine. Les discours de cette structure raciste appellent à la haine et à la discrimination. Ses actions causent des troubles à l'ordre public, comme ce week-end à Val-de-Reuil", a expliqué le ministre de l'Intérieur sur Twitter. Selon nos informations, l'éventuelle dissolution de l'association était déjà envisagée mais s'est confirmée après les incidents qui ont eu lieu ces derniers jours.