L'heure de vérité pour Jérôme Kerviel

Le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement dans l'affaire Kerviel ce mardi. L'ancien trader de la Société générale, accusé d'avoir fait subir à sa banque une perte record de 5 milliards d'euros, risque 5 ans de prison et 375 000 euros d'amende. - -
Le tribunal correctionnel de Paris s'était donné 3 mois pour réfléchir à sa condamnation, après un procès de 3 semaines en juin. L'ancien trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, risque 5 ans de prison et 375 000 euros d'amende pour abus de confiance, faux et usage de faux, et introduction frauduleuse de données dans un système informatique. La Société Générale réclame également 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts.
Jérôme Kerviel : une « créature » de la Société Générale
Tout l’enjeu de ce procès était d’évaluer le degré de responsabilités retenu contre Kerviel. Sera-t-il reconnu comme l’unique responsable de cette perte record ? A-t-il abusé de la confiance de ses supérieurs ? Le tribunal retiendra-t-il tout de même une part de responsabilité de la banque dans cette affaire ?
Pendant les 3 semaines de son procès, le trader a affirmé que la banque l'avait laissé faire, et même encouragé à prendre d'aussi gros risques en espérant des gains financiers. Kerviel n'est qu'une « créature » de la Société Générale pour son avocat.
C'est peut-être dans le montant de l'amende et des dommages et intérêts infligés à Jérôme Kerviel qu'il faudra lire la conviction des magistrats. En demandant une somme très élevée au consultant informatique qui ne gagne plus que 2 300 euros pas mois, le tribunal disculpera complètement la banque. Dans le cas inverse, il penchera plutôt vers un partage des responsabilités. Le trader pourra faire appel d'une éventuelle condamnation.
« Peu de gens à la Société générale pour pleurer sur son sort »
Michel Marchet, délégué national CGT de la Société Générale, fait part des attentes des salariés de la Société générale par rapport à ce jugement : « On ne demande pas une peine particulière. On attend que le jugement affirme la responsabilité individuelle de Jérôme Kerviel, que ce jugement confirme qu’il a agi tout seul. Il a prétendu que tout le monde faisait comme lui. C’est faux et c’est inacceptable. Personne ne l’a jamais encouragé à prendre des positions aussi délirantes. Kerviel, c’est de la science fiction. S’il est condamné, vous trouverez peu de gens à la Société générale pour pleurer sur son sort. »
La négligence de La Société générale « n’est pas un motif d’exonération de responsabilités de Kerviel »
Maître Philippe Portier, avocat spécialisé dans le droit bancaire, explique qu’il est possible que le tribunal prenne en compte la part de responsabilité de la banque, allégeant ainsi la peine de Kerviel. Une possibilité qu’il estime choquante : « Le simple fait que l’employeur ait été négligent, incompétent, voire passif, n’est pas pour moi un motif d’exonération de responsabilités de Jérôme Kerviel. C’est ce qui va être intéressant à voir dans ce jugement. Va-t-on avoir une approche de complaisance de la part de l’employeur de nature à alléger la culpabilité de Jérôme Kerviel ? Ce qui ne devrait pas être le cas. Ce n’est pas parce que je ne suis pas bien contrôlé que je peux faire n’importe quoi. Ce serait un signal qui dirait ’’vos employés mal surveillés peuvent se comporter de manière totalement illicite, mais vous en prenez une part de la responsabilité’’. Ce serait extrêmement choquant ».
Ndlr : Contactés hier, lundi, les avocats de Jérôme Kerviel et de la Société générale n'ont pas souhaité répondre à nos questions.