Trois Français lauréats du prix Albert Londres 2015

Luc Mathieu, Cécile Allegra et Delphine Deloget ont reçu le prix Albert Londres à Bruxelles le 30 mai 2015. - Emmanuel Dunand - AFP
Les thématiques font la une de l'actualité ces derniers mois. Le prix Albert Londres 2015, plus prestigieuse récompense du journalisme francophone, a été décerné samedi à Bruxelles au reporter de Libération Luc Mathieu, pour des articles sur le jihad, et au duo Cécile Allegra-Delphine Deloget, auteures d'un reportage sur l'effroyable trafic d'êtres humains dont sont victimes des Erythréens.
Les trois lauréats sont donc français, bien que l'association du Prix Albert Londres ait choisi pour la première fois en 77 ans d'existence de décerner ses lauriers dans la capitale belge, afin notamment de souligner la portée internationale de la récompense.
Luc Mathieu, né en 1974 et grand reporter à Libération depuis 2011, après avoir étudié le journalisme à Lille, a été primé pour une série d'articles sur le jihad réalisés en Syrie, au Kurdistan et en Irak.
"Niveau de risque qui dépasse les limites du tolérable"
Les reportages et portraits de ce spécialiste du Proche-Orient et des mouvements islamistes, publiés dans le quotidien français de centre gauche, traitent à la fois de ceux qui sont victimes du jihad, de ceux qui le combattent et de ceux qui le mènent.
Choisi parmi 67 candidats, dont dix avaient été sélectionnés en finale, Luc Mathieu a été "remarqué depuis plusieurs années par la solidité de son travail sur des terrains périlleux de l'actualité", faisant preuve "d'un talent constant", a relevé le jury.
"Il ne faut pas oublier la Syrie, il ne faut pas laisser ce pays s'autodétruire sans le dire, il faut continuer à y aller", malgré un "niveau de risque qui dépasse les limites du tolérable" pour les journalistes, a lancé Luc Mathieu en recevant son prix dans le cadre prestigieux du Palais des Académies de Bruxelles.
"Voyage en barbarie"
Cécile Allegra et Delphine Deloget ont pour leur part remporté le 31e prix décerné dans la catégorie "audiovisuel" pour "Voyage en barbarie", une production Memento diffusée en France sur la chaîne Public Sénat le 18 octobre 2014 et qui sera rediffusé lundi.
"Albert Londres avait dénoncé le fléau de l'esclavage en son temps mais le scandale du trafic d'êtres humains existe encore au XXIe siècle. Delphine Deloget et Cécile Allegra révèlent le traitement inhumain dont sont victimes les Erythréens dans le Sinaï. Un reportage coup de poing empreint cependant de pudeur et de dignité", a estimé le jury.
"Des camps de torture"
"Avec Delphine, on a vu le mal absolu, difficile à restituer", a déclaré, visiblement émue, Cécile Allegra, en évoquant les "camps de torture qui se sont mis en place de l'autre côté de la Méditerranée".
Leur reportage raconte l'enfer vécu par les quelque 3 à 4.000 Erythréens qui, chaque mois, fuient leur pays vers le Soudan voisin. Une partie d'entre eux sont enlevés dans le désert, revendus et emmenés jusque dans le Sinaï égyptien, où ils subissent d'effroyables tortures "jusqu'à ce qu'ils meurent" ou que leurs proches paient des rançons exorbitantes, allant jusqu'à 50.000 dollars par personne.