Mort du réalisateur malien Souleymane Cissé, l'un des pères du cinéma sur le continent africain

Le réalisateur malien Souleymane Cisse lors du Tribeca Film Festival à New York, le 29 avril 2011. - Jemal Countess - AFP
L'emblématique réalisateur malien Souleymane Cissé, "un immense artiste" et l'un des pères du cinéma sur le continent africain dont l'œuvre a été plusieurs fois primée, est mort brutalement ce mercredi 19 février à l'âge de 84 ans.
Le célèbre cinéaste, qui aurait eu 85 ans en avril prochain, s'est éteint dans une clinique de Bamako. Ses obsèques auront lieu vendredi dans la capitale malienne, a indiqué sa fille Mariam Cissé.
"Papa est décédé aujourd'hui à Bamako. Nous sommes sous le choc. Toute sa vie il l'a consacrée à son pays, au cinéma et à l'art", avait annoncé à l'AFP sa fille.
"Vulgariser nos œuvres cinématographiques"
Souleymane Cissé est mort après avoir tenu une conférence de presse ce mercredi 19 février dans la matinée à Bamako.
"Que les autorités nous aident à vulgariser nos œuvres cinématographiques. Qu'elles comprennent que c'est le cinéma qui fait l'éclat du Nigeria ou du Ghana. Et c'est possible au Mali", avait-il plaidé lors de cet événement.
"Nous avons de jeunes cinéastes professionnels qui en sont pleinement capables. Il ne suffit pas de faire du cinéma, il faut que les œuvres soient aussi visibles (...) Que les autorités nous aident avec la construction de salles de cinémas. C'est l'appel que je leur lance avant ma mort si Dieu le veut", avait lancé le réalisateur.
Le réalisateur devait également participer à la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) prévu à partir du 22 février dans la capitale burkinabè.
Le Burkina, pays organisateur de cet évènement culturel, a salué "une figure emblématique du cinéma africain et un cinéaste engagé qui a consacré toute sa vie au 7e art africain", dans un communiqué publié mercredi soir. Il aurait dû présider le jury "fiction long métrage" pour la 29ème édition du Fespaco.
"Le monde de l'art est en deuil"
Souleymane Cissé avait reçu le Prix du jury au Festival de Cannes en 1987 pour l'un de ses chefs-d'œuvre, Yeelen (La Lumière), qui raconte le long parcours initiatique d'un jeune homme issu d'une illustre famille bambara.
En 2023, il avait été à nouveau primé à Cannes et reçu un Carrosse d'Or, une récompense spéciale décernée au cours de la Quinzaine des cinéastes.
"Je remercie les confrères de m'avoir choisi. Ce prix m'incite à faire de nouveaux films, à me réinventer et changer de vision", avait alors commenté le réalisateur dans un entretien avec l'AFP lors de sa venue à Cannes en 2023. Cette récompense avait été dérobée chez lui en 2024, avant d'être retrouvée.
Dans un communiqué publié mercredi soir, le ministre malien de la Culture Mamou Daffé a fait part de sa "tristesse" pour la disparition "de ce monument du cinéma africain", saluant aussi un "cinéaste admiré et respecté".
"J'ai appris la terrible nouvelle auprès de sa famille. C'était un immense artiste; le monde de l'art est en deuil", a ajouté auprès de l'AFP un universitaire malien et proche du défunt. Souleymane Cissé "devait prendre l'avion demain pour le Fespaco à Ouagadougou", a ajouté Oumar Diallo.
"Maître incontesté du cinéma africain"
"Cinéma malien en deuil, clap de fin pour le maestro Souleymane Cissé, a également commenté dans un message sur Facebook le célèbre réalisateur malien Boubacar Sidibé.
"Tes conseils ont fait de moi un réalisateur de renom, tu resteras à jamais une fierté pour moi", a-t-il écrit en hommage au réalisateur. "Souleymane Cissé mérite tout notre respect et notre admiration" pour tout ce travail "qu'il a fait pour montrer au public les richesses du patrimoine culturel malien et africain", a poursuivi Boubacar Sidibé.
La chanteuse malienne Oumou Sangaré a salué "un maître incontesté du cinéma africain" qui "a porté la voix du Mali jusqu'aux confins du monde avec talent et authenticité", sur les réseaux sociaux.
Une œuvre pionnière, politique, humaniste et sociale
Auteur d'une œuvre pionnière du cinéma africain, mais aussi politique, humaniste et sociale, Souleymane Cissé a réalisé de nombreux films qui ont marqué le 7ème art.
Den Musso (La Jeune Fille - 1975), premier long-métrage de fiction malien en langue bambara, raconte l'histoire d'une femme muette qui tombe enceinte après avoir été violée, drame qui la conduira à être rejetée par sa famille.
Le film Baara (Le Porteur - 1978) relate une révolte d'ouvriers maliens, tandis que Finyé (Le Vent - 1982) évoque les amours contrariées de deux jeunes Maliens sur fond de soulèvement étudiant.
Waati (Le Temps - 1995) suit le parcours d'une enfant noire qui va quitter l'Afrique du Sud pour parcourir le continent, de la Côte d'Ivoire au Mali et jusqu'à la Namibie. Dans un entretien avec l'AFP en 2023 à Cannes, le réalisateur malien avait critiqué la "censure" et le "mépris" qui empêchent selon lui la diffusion des films africains dans le monde.