Affaire Mohamed Amra: 22 personnes toujours en garde à vue, la procureure décrit des profils "extrêmement différents"

Mohamed Amra, lors de son interpellation à Bucarest en Roumanie, le 23 février 2025. - Daniel MIHAILESCU / AFP
Neuf mois d'"une enquête tentaculaire". C'est ainsi que Laure Beccuau, procureure de la République de Paris, décrit la traque de Mohamed Amra, aujourd'hui mis en examen pour meurtres en bande organisée, tentative de meurtres en bande organisée, évasion en bande organisée, vol en bande organisée, recel de vol en bande organisée et association de malfaiteurs. Il est désormais incarcéré à la prison de Condé-sur-Sarthe.
Invitée ce mercredi 26 février du plateau de C à vous, sur France 5, la magistrate est revenue en longueur sur l'arrestation du narcotrafiquant, dont l'évasion sanglante avait coûté la vie à deux agents pénitentiaires au péage d'Incarville, dans l'Eure, en mai dernier.
"Actuellement, il y a 22 personnes qui sont en garde à vue parce qu'il y a eu un certain nombre de remises en liberté tout au long de ces trois jours", a notifié la représentante du ministère public.
Parmi les suspects, on dénombre des profils "extrêmement différents". "Nous avons des gens qui sont connus, très connus des services de police et de justice. Il y en a qui le sont moins ou qui ne le sont pas", décrit Laure Beccuau.
L'apport "majeur" de témoins périphériques
Au fil des investigations, la justice a pu observer que Mohamed Amra avait construit autour de lui "une équipe de fidèles, qui eux-mêmes ont su recruter des gens qui avaient des spécialisations: qui savaient voler les véhicules, qui savaient les maquiller, qui savaient pratiquer de la téléphonie".
"Une partie des suspects" des meurtres des agents pénitentiaires sont actuellement entendus. On ignore à ce stade si les tueurs présumés ont été appréhendés.
Parmi les 22 individus arrêtés -dont deux mineurs-, certains sont soupçonnés d'être impliqués à des degrés différents dans l'évasion et ou dans la cavale du narcotrafiquant. Ceux qui ont été interpellés à l'étranger, un en Espagne, deux au Maroc, font l'objet d'une demande de remise ou d'extradition.
Véhicules, vidéoprotection, téléphonies, proches...
Pour identifier ces suspects, les services d'investigations ont agi par "cercles concentriques", rapporte Laure Beccuau. Ils ont ausculté les véhicules utilisés lors de l'évasion, épluché la vidéoprotection et la téléphonie, interrogé les proches Mohamed Amra, puis les proches des proches de Mohamed Amra, etc.
"L'enquête a aussi progressé grâce à un comportement citoyen d'un certain nombre de témoins, qui se sont manifestés auprès des services de gendarmerie et de police pour relater ce qu'ils avaient observé de suspect", salue la procureure de la République de Paris. "Et au moins dans un cas, ce témoignage a été particulièrement remarquable et a pu faire progresser l'enquête."
Il s'agit non pas de témoins de la scène de l'attaque du fourgon, mais plutôt "de témoins périphériques", développe encore Laure Beccuau, assurant que leur apport s'est révélé "majeur dans cette enquête",
"Je savais que le temps jouait pour les enquêteurs"
Au total, selon la magistrate, "il y a eu des dizaines, j'ai envie de dire des centaines de fils qui ont été tirés pendant ces neuf mois qui se sont écoulés".
Et si Mohamed Amra a été arrêté à Bucarest avec le concours de la police roumaine, "une partie du moment où [Mohamed Amra] se dissimulait, il était en France. Ça, on en a la certitude", dit-elle. Les investigations à venir devront notamment permettre de retracer le parcours du criminel dans le détail.
Laure Beccuau le reconnaît, l'arrestation de Mohamed Amra a été "un soulagement". "Une satisfaction de voir que toute cette mobilisation collective exceptionnelle, hors-norme, avait pu aboutir à ce résultat que nous attendions", prolonge-t-elle. Mais elle n'a jamais douté: "Je savais que le temps jouait pour les enquêteurs, jouait pour la justice".