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Nominations aux postes-clés de l'Union européenne: pourquoi ça coince

Sommet à Bruxelles le 30 juin.

Sommet à Bruxelles le 30 juin. - OLIVIER HOSLET / POOL / AFP

Présidence de la Commission européenne, du Conseil européen, de la diplomatie ou encore de la Banque centrale européenne: tels sont les quatre postes à pourvoir en priorité à la tête des institutions continentales. Quatre fonctions pour autant de casse-têtes.

La dernière fois, en 2014, il avait fallu attendre la fin du mois d'août et de multiples réunions pour avoir l'organigramme complet. Et les négociations pour renouveler les postes-clés chapeautant l'Union européenne après les récentes élections européennes paraissent tout aussi ardues cinq ans plus tard.

La nuit de tractations qui a tenu en éveil les dirigeants à Bruxelles de dimanche soir à ce lundi matin n'a pas suffi et tout reste encore à faire pour désigner le nouveau président de la Commission européenne, le président du Conseil européen, le patron de la diplomatie européenne et le président de la Banque centrale européenne. De nombreux facteurs expliquent ce blocage qui dure depuis une première réunion le 20 juin dernier. 

Faire plaisir à tout le monde 

A la différence du costume de président du Parlement européen, que l'on n'endosse qu'avec l'assentiment d'une majorité des députés, ces quatre fonctions de la discorde sont confiées à des lauréats non pas élus mais nommés par les dirigeants européens.

C'est ici que débute la quête de la quadrature du cercle. Tout d'abord, pour obtenir l'un ou l'autre de ces postes-clés, il faut rassembler sur son nom propre au moins 21 des 28 pays, par-delà leurs éventuelles divergences idéologiques, pour un cumul atteignant ou dépassant le seuil de 65% de la population européenne. Il s'agit aussi de faire plaisir à tout le monde, en dispersant les postes entre les différentes régions de l'Europe, en contentant les mastodontes sans oublier les nations à l'importance plus modeste. 

A ces premières contraintes se mêlent donc les desiderata des uns et des autres. Ainsi, Emmanuel Macron est arrivé à Bruxelles en rappelant la nécessité d'accorder l'un des postes-clés à une figure issue des pays de l'Est, et de réserver deux des quatre prestigieux emplois à des femmes.

La position française n'est pas pour autant exempte de calcul intéressé: la France lorgne aussi sur le présidence de la Banque centrale européenne dont elle aimerait tendre les rênes à Sylvie Goulard, éphémère ministre des Armées et sous-gouverneure de la Banque de France, ou à Danièle Nouy, présidente du conseil de supervision de la Banque centrale européenne. 

Bisbille entre Merkel et les conservateurs 

L'équation se complique encore par le jeu des conservateurs réunis au sein du Parti populaire européen et la petite fronde qui s'y déclare contre l'Allemagne, qui domine pourtant le PPE depuis de nombreuses années.

Pour comprendre ce conflit larvé paralysant plus largement les négociations, il faut en revenir au projet initial. A l'origine, le PPE voulait voir son chef actuel, Manfred Weber, devenir président de la Commission européenne en lieu et place de Jean-Claude Juncker. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes conservateurs d'autant plus que Manfred Weber était l'homme d'Angela Merkel. Mais loin de faire l'unanimité, et retoquée notamment par la France, la candidature de Manfred Weber a volé en éclats et si l'on parle encore de lui, ce n'est plus que pour un éventuel mandat de président du Parlement européen. 

Frans Timmermans, Néerlandais émargeant au sein du groupe social-démocrate et vice-président de la Commission, tient désormais la corde. Il a le soutien, sous condition, des Allemands... mais il doit apaiser auparavant les rebuffades d'autres conservateurs qui s'étonnent de voir Angela Merkel lâcher si vite la tête de la Commission européenne. 

Celle-ci a toutefois une idée à l'esprit: troquer la présidence de la Commission européenne pour mieux faire coup double en obtenant la présidence du Parlement européen et celle du Conseil européen. Le patron des eurodéputés sera élu dès mercredi à l'occasion de leur première session, et c'est bien là la seule échéance certaine, car Frans Timmermans a de puissants ennemis s'opposant à sa nomination à la tête de la Commission, en l'occurrence les Italiens et surtout la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque, le fameux "groupe de Visegrad", qui lui reprochent d'avoir lancé des procédures contre Varsovie et Budapest, les accusant de transgresser l'Etat de droit.

La présidence du Conseil européen s'affirme également comme un épineux débat. En effet, les Libéraux le convoitent, au grand dam du PPE, proposant même les noms de la Danoise Margrethe Vestager ou du Belge Charles Michel. 

Le marathon Tusk

Une large part de ces dilemmes reposent d'ailleurs sur les épaules de l'actuel président du Conseil européen: le Polonais Donald Tusk. Depuis dimanche, il s'est lancé dans un cycle éreintant d'une trentaine de rencontres bilatérales pour rapprocher les positions des uns et des autres. La résolution interviendra-t-elle dans les heures à venir, ou plutôt au bout de longues semaines? Ce marathon en décidera.

Une seule certitude: l'accord ne tombera pas aujourd'hui, les discussions venant d'être suspendues et ne reprenant que ce mardi. 

Robin Verner