La demande d'asile d'Edward Snowden en France est-elle possible?

Edward Snowden - Image d'illustration - Gage Skidmore
En 2013, Edward Snowden, ancien employé de la CIA (Central Intelligence Agency) et de la NSA (National Security Agency) révèle, dans plusieurs médias dont le Washington Post et le Guardian, les programmes de surveillance mis en place par les administrations américaine et britannique, des informations alors classées top-secret.
Quelques semaines plus tard, le 22 juin 2013, le lanceur d’alerte est condamné par le gouvernement américain pour espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux.
Dès lors, la vie de ce trentenaire est rythmée par les exils. À Hong Kong tout d’abord, puis en Russie, où il vit depuis plusieurs années, et où il obtient un droit de résidence limité. En 2017, le Kremlin rallonge même ce droit jusqu’en 2020, qui arrive, de fait, bientôt à expiration.
L'épineux cas du lanceur d'alerte
Depuis maintenant plusieurs années, Edward Snowden demande asile à plusieurs pays, dont la France. Il y a quelques jours, sur France-Inter, ce dernier a de nouveau fait un appel du pied à Emmanuel Macron: "J'aimerais bien qu'Emmanuel Macron m'invite", a-t-il dit.
Mais une telle possibilité est-elle seulement envisageable? Interrogé par L'Express, Jean-Philippe Foegle, coordinateur de la Maison des lanceurs d'alerte (MLA), souligne qu'il n'existe actuellement pas de "statut de lanceur d'alerte en droit d'asile." Auprès de l'Ofpra (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), l'Américain ne pourra donc pas faire valoir ce statut en cas de demande d'asile.
De fait, Edward Snowden pourrait ainsi se replier sur la solution suivante: se rendre sur le territoire français et faire valoir son droit d'asile en tant que victime potentielle de persécutions. Là encore, ce statut reste difficilement compatible avec les critères de l'Ofpra.
"Il faudra donc qu'Edward Snowden décrive les risques de persécution auxquels il est confronté aux États-Unis, sachant que, jusqu'à preuve du contraire, les États-Unis sont considérés comme un pays démocratique", complète encore Pierre Henri, directeur général de France Terre d'Asile, toujours à L'Express.
D'autant que, par le passé, Edward Snowden s'est déjà heurté à une fin de non-recevoir côté Français. En 2013, alors ministre de l'intérieur, Manuel Valls avait expliqué au micro de BFMTV ne "pas être favorable" à l'accueil de Snowden qui poserait "des problèmes juridiques." L'intervention avait été suivie d'un communiqué officiel de la même teneur.
L'Ofpra seul décisionnaire?
Malgré l'appel à Emmanuel Macron d'Edward Snowden, ce ne serait toutefois pas au locataire de l'Elysée de statuer sur le sort du lanceur d'alerte. interrogée à ce sujet en début de semaine, l'eurodéputée et ancienne ministre Nathalie Loiseau souligne que "c'est à l'Ofpra de reprendre la nouvelle demande d'asile."
Du côté de l'office, on confirme cette hypothèse. "Il n'y a pas de passe-droit", en revanche, "l'Ofpra est compétente territorialement, c'est-à-dire uniquement pour les demandes d'asile qui sont déposées sur le territoire français", souligne Sophie Pegliasco, directrice de cabinet de l'Ofpra, auprès du Parisien.
Toutefois, comme le souligne le site de l'Ofpra, pour le cas d'un individu se trouvant à l'étranger, ce dernier doit s'adresser à une représentation diplomatique afin d'obtenir un visa d'entrée. "Les personnels de l'ambassade interrogeront alors pour avis le ministère en charge de l'asile. Dans certains cas, le ministère en charge de l'asile peut à son tour solliciter l'Ofpra pour avis", indique-t-on.
Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, pourrait donc personnellement être impliqué dans le dossier.
Soutiens de poids?
Depuis la nouvelle demande officieuse d'asile d'Edward Snowden à la France, ce dernier a reçu le soutien de plusieurs personnalités politiques dont une nouvelle fois l'eurodéputée Nathalie Loiseau, qui a déclaré qu'elle serait "heureuse qu'il soit en Europe."
"Aujourd'hui ce que je constate c'est qu'aucun pays européen n'a donné l'asile à Snowden. On est en décalage complet avec les valeurs qu'on porte", poursuit-elle encore.
De son côté, interrogée dans le cadre du Grand Jury RTL, la ministre de la justice Nicole Belloubet s'était dite prête à ce que la France accueille le lanceur d'alerte. Elle avait, dans la foulée, été désavouée par l'Elysée qui avait souligne que "rien n'était tranché."