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Géorgie : crise ou nouvelle guerre froide ?

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La reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie par la Russie est le point d’orgue d’une crise qui fait renaître le spectre de la guerre froide.

Dmitri Medvedev, Président de la Fédération de Russie, vient de reconnaître l'indépendance de deux provinces géorgiennes séparatistes : l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Au cours de son allocution, il a précisé ne pas souhaiter une nouvelle « guerre froide », mais ne pas la craindre. Une décision et des propos en forme d'énormes défis envers les Occidentaux, Etats-Unis et Union Européenne en tête. Quelles sont les origines de cette crise ? Pourquoi la guerre a-t-elle éclatée en Géorgie ? Pourquoi la Russie provoque-t-elle aussi "violemment" l'Occident ?

Kosovo, le point de départ

Il faut remonter au printemps dernier, lorsque les Etats-Unis et la plupart des 27 pays de l'UE ont reconnu l'indépendance du Kosovo. La Russie, premier allié des Serbes, loin de reconnaître cette indépendance, a alors estimé que cette décision serait un « précédent » et qu'elle aurait des conséquences sur d'autres territoires. Ainsi, le 8 août dernier, lorsque le Président géorgien Mikhaïl Saakachvili décide d'envahir l'Ossétie du Sud, province géorgienne pro-russe et séparatiste, la Russie voit là l'occasion de se venger de l'affront subi lors de la proclamation de l'indépendance du Kosovo.

Washington narguerait le Kremlin

Depuis plusieurs mois, les Russes essuient en effet plusieurs échecs sur la scène diplomatique : indépendance du Kosovo, installations de bases militaires américaines en vue d'un bouclier anti-missiles en Pologne, Bulgarie, Roumanie, future intégration de l'Ukraine et de la Géorgie dans l'OTAN... Cette rancœur tenace de la Russie envers la présence américaine à ses frontières pousse le Kremlin à penser que l'offensive géorgienne en Ossétie du Sud a été déclenchée par « des signaux venus de Washington », comme l'explique le numéro 2 de l'Ambassade de Russie en France, Artem Studennikov.

Victoire diplomatique des Russes

Medvedev et Poutine vont donc sauter sur l'occasion pour riposter. Dénonçant un « génocide » fantasmé en Ossétie du Sud, la Russie passe à l'offensive, dépasse les frontières ossètes et envahit une large partie de la Géorgie. L'armée de Saakachvili, malgré l'aide américaine, était en effet loin de pouvoir lutter avec les Russes. C'est dans cette situation que Nicolas Sarkozy, en tant que Président de l'UE, a présenté un « plan de paix » aux deux parties. Ce plan, largement favorable aux Russes, permet certes un cessez-le-feu et prévoit le retrait des troupes russes mais il n'impose pas le principe de l'intégrité territoriale de la Géorgie. C'est une victoire pour le Kremlin, qui pousse la provocation jusqu'à faire ostensiblement traîner le retrait de ses troupes. C'est cette victoire diplomatique et cette position de force qui vont permettre à Dmitri Medvedev de reconnaître l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. Une décision qui lui permet d'affirmer l'autorité russe sur tout le Caucase.

Et maintenant l'Ukraine ?

L'attitude des Russes a, évidemment, immédiatement été condamnée par l'Occident. Si les Etats-Unis ont jugé « inacceptable » la décision de Medvedev, la France l'a elle aussi « condamné fermement ». Bernard Kouchner, ministre des Affaires Etrangères, a évoqué une « épuration ethnique » et accusé la Russie de s'être placée « hors la loi internationale », tout en ayant « d'autres objectifs », après l'Ossétie du sud et l'Abkhazie, dont « la Crimée, l'Ukraine, la Moldavie ».

Les enjeux de l'énergie

Autrement dit, les tensions entre d'une part les USA et l'Union Européenne et d'autre part la Russie n'ont jamais été aussi vives depuis la chute du mur de Berlin. Les républiques de l'ex-URSS sont en effet le terrain d'une lutte acharnée : les Etats-Unis y installent des bases militaires, l'UE souhaite les intégrer et la Russie veut les faire revenir dans son giron. Il est à noter que l'Europe est fortement dépendante de la Russie d'un point de vue énergétique (gaz et pétrole), mais qu'il est « très peu probable », selon Jean-Marie Chevalier, professeur de Sciences économiques à l'Université Paris Dauphine, que la Russie coupe ses relations commerciales avec l'UE car « cela n'irait dans le sens des intérêts de personne ».

La Chine entrera-t-elle dans le jeu ?

Dans les jours qui viennent, Medvedev devrait se rapprocher de la Chine pour éviter d'être isolé sur la scène internationale. De son côté, l'Union Européenne a prévu une réunion extraordinaire lundi 1er septembre pour statuer sur une réponse à apporter à l'attitude de Moscou. Enfin, les Etats-Unis ont renforcé leur présence « humanitaire » dans la Mer Noire, créant de possibles points de tensions dans les ports géorgiens de Batoumi et Poti avec les forces russes. Mais le Kremlin compte sur les élections américaines pour éviter l'affrontement.

Charles Magnien