Ce que l'on sait du meurtre d'une jeune fille au pair française à Londres

Une semaine après avoir été retrouvé dans le jardin d'un pavillon d'une banlieue huppée de Londres, le corps n'a toujours pas été formellement identifié. Mais les deux employeurs français de Sophie Lionnet, une jeune fille au pair française âgée de 21 ans, ont été inculpés.
La mère de Sophie Lionnet a témoigné sur BFMTV et fait part de son désespoir.
La découverte du corps
La police a été alertée mercredi 20 septembre par des voisins, intrigués par une épaisse fumée en provenance d'une maison dans le sud-ouest de Londres, Southfields, une banlieue huppée. Plusieurs voisins, cités par les quotidiens britanniques, rapportent en effet avoir aperçu des "flammes" dans le jardin du couple et senti une "odeur nauséabonde". Ce sont les pompiers qui ont découvert dans le jardin les restes d'un corps calciné, qui n'a pas encore été formellement identifié. Les pompiers ont même dû intervenir de force, les occupants ne les laissant pas entrer.
Deux personnes inculpées
- Deux Français ont été inculpés vendredi pour meurtre. Ils ont comparu mardi devant le tribunal de l'Old Bailey à Londres. Interrogés via vidéoconférence depuis les établissements pénitentiaires où ils sont détenus, les deux suspects ont seulement confirmé leur identité. Sabrina Kouider, 34 ans, est apparue en larmes, tentant de réprimer ses sanglots, depuis la prison pour femmes de Bronzefield, dans le sud-ouest de la capitale britannique. "J'ai rien fait", a-t-elle crié en français, interrompant le procureur, avant d'ajouter "je n'ai jamais tué". Selon Le Parisien, son ancien compagnon et père d'un de ses enfants serait Mark Walton, membre du boy's band Boyzone.
Interrogé depuis la prison de Wandsworth, au sud-ouest de Londres, Ouissem Medouni, 40 ans, n'a montré aucune émotion. Ils ont tous deux été maintenus en détention à l'issue de cette première audience. Le couple semblait vivre une relation tumultueuse, des voisins évoquant de bruyantes disputes. Une prochaine audience a été fixée au 12 décembre et le procès devrait se tenir au mois de mars. Comme le rapporte Le Parisien, les deux enfants du couple ont été placés en famille d'accueil et devraient être prochainement entendus.
Le profil de la victime
La victime a été présentée par les médias britanniques comme une jeune fille au pair de 21 ans, Sophie Lionnet, originaire de l'Yonne. Mais ni la police ni le tribunal n'ont confirmé son identité. Elle était employée depuis quatorze mois dans la maison des deux suspects. La jeune française s'occupait de leurs deux enfants âgés de 3 et 6 ans, faisait le ménage, préparait à manger pour 56 euros par mois seulement, selon Le Parisien. Au mois de juillet dernier, elle avait exprimé son souhait de rentrer en France dans une carte postale envoyée à sa famille.
Passionnée de cinéma, Sophie Lionnet espérait pouvoir se payer des études artistiques grâce à son emploi à Londres. Sa patronne, qui se présentait comme une styliste et maquilleuse, lui aurait d'ailleurs offert une robe de soirée, un shooting photo et fait rencontrer Johnny Depp. "Elle l'a achetée, lui faisant miroiter qu'elle pourrait l'aider à travailler dans le cinéma", affirme une amie de Sophie. Si ses proches parlent d'une "fille travailleuse qui voulait s'en sortir par elle-même", ils décrivent dans le même temps une personne "très influençable".
Des soupçons d'exploitation et de maltraitance
Elle n'a jamais parlé à ses proches de l'exploitation dont elle aurait été victime. "Dès qu'on abordait le sujet de l'argent, elle éludait (…) Elle nous faisait croire que tout allait bien pour ne pas nous inquiéter. Sophie pensait toujours aux autres avant elle", raconte une amie de la victime présumée au Parisien. Après avoir vu certaines de ses photos laissant entrevoir des traces de griffures, les proches de Sophie Lionnet soupçonnent par ailleurs ses employeurs de l'avoir maltraitée physiquement. Selon Paris Match, le traitement réservé à Sophie Lionnet aurait été "pire que pour les animaux", assure un voisin. Une amie de la mère de famille aurait dit aux enquêteurs l'avoir vue plusieurs fois "en pleurs, avec des bleus".
À de nombreuses reprises, ses proches se sont inquiétés de ne pouvoir la joindre, raconte encore Le Parisien. D'autant que la jeune fille ne rentrait plus en France. "Elle disait toujours 'bientôt'... mais repoussait à chaque fois. Elle n'avait pas d'argent pour payer le retour, mais trouvait toujours des excuses à ses patrons qui avaient soi-disant des problèmes financiers", témoigne aussi l'un de ses amis. Dans une vidéo publiée fin 2016 sur Internet, la jeune femme regrettait de ne pas pouvoir rentrer en France pour fêter Noël. "Ses propres parents n'ont eu longtemps ni son adresse ni son numéro de téléphone, sur lequel elle ne répondait jamais", ajoute une copine de Sophie.
Elle devait revenir en France le lundi précédent sa disparition. Mais elle avait repoussé son retour à plusieurs reprises, suscitant l'inquiétude de ses proches. Selon une de ses amis, elle apparaissait "épuisée". "Ils lui avaient dit que si elle rentrait elle n'aurait jamais ses salaires", assure-t-elle. Avec l'aide de sa famille, la jeune fille au pair avait finalement pu se payer un billet de retour.
- Son père ne savait rien
"Ma fille était quelqu'un de très doux, très gentil, très agréable, a témoigné Catherine, la mère de Sophie Lionnet, sur BFMTV. Elle adorait les enfants." Elle attend que le corps de sa fille soit rapatrié.
Le père de la victime présumée ignorait les conditions dans lesquelles vivait sa fille. "Je n'avais pas d'appels au secours. Je ne pensais pas que ça allait finir comme ça", a-t-il confié à RTL. "À aucun moment", il n'a pensé qu'elle était en danger. Sa fille avait cependant évoqué des tensions dans la maison où elle vivait. Elle lui donnait des nouvelles sur les réseaux sociaux. "J'avais des messages ou des vidéos sur Facebook", se souvient-il. Il attend que "justice soit rendue (...) Ma fille n'avait pas à finir comme ça".
Émotion sur les réseaux sociaux
Ce meurtre a provoqué une vive émotion parmi les jeunes au pair travaillant au Royaume-Uni, et plus largement au sein d'une partie de la communauté française. Sur Facebook, une page a été ouverte en hommage à Sophie Lionnet, recueillant les témoignages émus d'anciens proches de la victime.
Cette affaire met en lumière les difficultés parfois rencontrées par ces femmes, souvent très jeunes et sans expérience, qui travaillent et habitent dans des familles à l'étranger. "Malheureusement, à court terme, il n'est pas possible d'améliorer considérablement les conditions de vie des au pair, c'est à elles de redoubler de vigilance et d'avoir la force de quitter leur famille d'accueil si cela se passe mal. En revanche, à plus long terme, j'ose espérer qu'une reconnaissance juridique plus précise encadrera le travail des au pair", a déclaré à l'AFP Victoria, 21 ans, au pair à Warlingham, près de Londres.