Attentats de Bruxelles: la justice belge interdit provisoirement le retour d'Abdeslam en France

Salah Abdeslam (g), Osama Krayem et Mohamed Abrini escortés par des policiers jusqu'au box des accusés lors du procès des attentats jihadistes de 2016, le 3 avril 2023 à Bruxelles - John THYS © 2019 AFP
La justice belge a interdit provisoirement le retour d'Abdeslam en France, ce mardi. Ce transfèrement, qui devait intervenir le 12 octobre au plus tard, a été "suspendu temporairement", a fait valoir la cour d'appel qui statuait en référé (en urgence) et a pris le contrepied du jugement de première instance.
Le dossier doit désormais revenir devant le tribunal de Bruxelles pour un examen au fond. Le jihadiste français de 34 ans a par ailleurs été condamné en juin 2022 à Paris à la perpétuité incompressible pour sa participation aux attentats du 13 novembre 2015.
"Interdiction de faire subir 'des peines ou traitements inhumains ou dégradants'"
Dans son arrêt, dont l'AFP a obtenu copie, la cour relève que le retour d'Abdeslam en France "risque de conduire à une violation des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme". L'interdiction est assortie d'"une astreinte de 10.000 euros" en cas de non-respect.
Les articles mentionnés de la Convention européenne sont relatifs à l'interdiction de faire subir "des peines ou traitements inhumains ou dégradants" (art.3) et au droit de chacun au "respect de (sa) vie privée et familiale" (art.8).
En plaidant le 4 septembre, en première instance, ce refus de retourner en détention en France, les avocats d'Abdeslam ont fait valoir que ce dernier a toutes ses attaches familiales en Belgique.
Il a la nationalité française en raison du parcours d'immigration de ses parents (un couple d'origine algéro-marocaine) mais il est né et a grandi à Bruxelles, et ses proches y résident.
"M'envoyer en France, c'est m'envoyer à la mort", a protesté le jihadiste à l'audience. "C'est une victoire, un grand soulagement", a réagi mardi son avocat Michel Bouchat sur la chaîne belge d'information en continu LN24. En prison en Belgique, "il peut recevoir la visite de ses proches", et bénéficie de "meilleures conditions en vue de sa resocialisation", "c'est l'objectif d'une condamnation", a fait valoir l'avocat.
Salah Abdeslam est incarcéré en Belgique depuis juillet 2022, une "remise temporaire" qui était prévue pour la durée du procès belge et dont la date-butoir est fixée au 12 octobre, ont indiqué Me Paci et une source judiciaire française. Au procès devant la cour d'assises de Bruxelles, il a échappé à une nouvelle peine de prison à vie, pourtant réclamée par le parquet fédéral.
Dans une démonstration juridique complexe, la cour a renvoyé à une précédente condamnation belge pour des faits jugés connexes aux attaques du 22 mars. À savoir une fusillade avec la police survenue une semaine plus tôt à Bruxelles et qui a valu au Français une peine de 20 ans de prison en 2018.
Ces deux infractions relèvent de la "manifestation successive et continue de la même intention délictueuse", avaient justifié les juges le 15 septembre.
Les attentats de Paris (130 morts) et de Bruxelles (35 morts), revendiqués à chaque fois par l'organisation Etat islamique, ont été perpétrés par la même cellule jihadiste et préparés en bonne partie depuis le sol belge.
Aucune contestation
Six hommes au total ont été concernés par les deux procès-fleuves qui se sont tenus à un an d'intervalle dans les capitales française et belge.
Parmi eux figurent Salah Abdeslam et son ami d'enfance Mohamed Abrini, condamné à 30 ans de prison le 15 septembre à Bruxelles, et qui a également renoncé à se pourvoir en cassation. Abrini va purger sa peine en Belgique.
Aucune des condamnations au procès belge (huit au total dont trois à la réclusion à perpétuité) n'a été contestée et toutes sont désormais définitives, a précisé Luc Hennart, porte-parole de la cour d'appel de Bruxelles.
Salah Abdeslam, qui niait sa participation aux attaques-suicides de l'aéroport de Zaventem et du métro Maelbeek, a renoncé au pourvoi notamment pour "ne pas exposer les victimes au stress" qu'aurait constitué une poursuite de la procédure, a expliqué Delphine Paci.
Le verdict est "un compromis qui rétablit une forme de paix sociale", a ajouté l'avocate, jugeant "symboliquement fort" que son client n'ait pas écopé de peine complémentaire.