Discours sur l'état de l'Union: Trump en terrain miné

Donald Trump a annoncé la fin du shutdown ce vendredi - Nicholas Kamm - AFP
Lorsqu'il fera face au Congrès des Etats-Unis, Donald Trump verra tout de suite la différence. A ses côtés, il n'aura pas le Républicain Paul Ryan mais la Démocrate californienne Nancy Pelosi. Les représentants du "Grand Old Party" seront également moins nombreux que leurs collègues démocrates à se presser sous ses yeux.
Car ce mardi soir, au moment de prononcer le traditionnel et annuel discours sur l'état de l'Union, devant la somme des sénateurs et des représentants de son pays, le président des Etats-Unis découvrira une situation inédite: s'il s'agit de la troisième fois qu'il se plie à l'exercice, c'est la première fois qu'il doit l'accomplir devant une assemblée au leadership partagé. Lors des Midterms cet automne, les Démocrates s'emparaient de la Chambre des Représentants tandis que les Républicains maintenaient leur mainmise sur le Sénat.
Les nerfs à vif
Et les temps sont durs pour Donald Trump. Robert Mueller, le procureur spécial qui dirige l'enquête sur une possible collusion entre son équipe de campagne et la Russie lors de la dernière campagne présidentielle, approche de sa conclusion. La procédure embarrasse le chef d'Etat, qui n'en finit plus de vitupérer contre elle. Et son administration lui est un bien dérisoire soutien,tant elle semble instable. Les départs, courants depuis le début de son mandat, se sont poursuivis ces dernières semaines: en désaccord avec son désir de retirer les troupes américaines de Syrie, le secrétaire à la Défense, Jim Mattis, a décidé de s'en aller fin décembre.
Les institutions, comme les fonctionnaires qui les servent, ont par ailleurs les nerfs en pelote. Les Etats-Unis sortent à peine du plus long shutdown partiel, c'est-à-dire une cessation des activités administratives, de leur histoire, après plus d'un mois d'inertie. A l'origine, le discours de Donald Trump devait ainsi se tenir le 29 janvier, avant d'être reporté en raison de cette panne mécanique du système américain. Et encore, ils en sont sortis si l'on veut: l'Etat a retrouvé un financement pour trois semaines, le temps de trouver une solution plus pérenne. Pour le moment, les discussions se cognent toujours au mur que Donald Trump veut jeter sur la frontière avec le Mexique et dont les Démocrates ne veulent pas entendre parler. Dans l'absence d'une résolution, le shutdown connaîtra sa seconde mi-temps à compter de la fin de la trêve actuelle, c'est-à-dire le 15 février prochain.
L'impossible appel à la "coopération"
Bref, Donald Trump ferait mieux de bien choisir ses mots devant les parlementaires, s'il ne souhaite pas jouer contre son camp. Sa conseillère Kellyanne Conway a assuré au Washington Post que le discours du président des Etats-Unis contiendrait un plaidoyer pour la concorde au nom du bien commun: "Le président va appeler à la fin des résistances politiques, à la fin des vengeances et à la courtoisie. Il va appeler à la coopération... et au compromis." Mais le même titre de presse souligne qu'il devrait en même temps défendre sa ligne dure sur l'immigration et la diplomatie.
De toute façon, que ce soit une question d'attitude ou de contenu, les Démocrates ont peu de chance de s'attendrir. Depuis longtemps, ils pensent que Donald Trump ne renonce à la confrontation que pour s'installer dans la duplicité. Certains observateurs, pourtant plus proches du Parti républicain, ne leur donnent pas tort.
"Il vit en allumant des feux et, quand il fait autrement, ça semble faux et peu convainquant. Je ne vois pas comment un appel à l'unité pourrait porter, si tant est qu'il le fasse. Même en trouvant le ton juste et en lançant le bon appel, il défera lui-même ce qu'il a fait en une attaque Twitter contre les Démocrates ou le procureur spécial", a analysé Peter Wehner, membre du Ethics and Public Policy Center, en français le Centre pour l'Ethique et les Politiques publiques, et ancienne plume de George W. Bush auprès du Washington Post.
Une opposition voyante
La difficulté pour Donald Trump tiendra bien entendu aussi à son auditoire. Outre une majorité, les dernières élections intermédiaires ont permis à son opposition démocrate d'obtenir un autre bienfait, aussi rare que convoité en politique: une redynamisation, un renouvellement de ses visages, et celui-ci s'est souvent fait en faveur de l'aile gauche du mouvement. Le renouvellement a aussi eu un volet plus sociologique: les femmes sont plus nombreuses qu'auparavant et les minorités sont mieux représentées.
Les nouvelles têtes les plus médiatisées, et donc les mieux connues du public, sont ainsi Alexandria Ocasio-Cortez, une New-yorkaise d'origine porto-ricaine, ou encore Ilhan Omar, née et Somalie et musulmane. Ces opposantes n'omettront rien pour se rendre visibles: selon le New York Times, beaucoup de ces représentantes démocrates seront vêtues de blanc, en hommage à la couleur arborée à l'époque par les "suffragettes".
Les invités
Mais, pour comprendre le sens du message des représentants démocrates au président des Etats-Unis, il faudra aussi regarder la personne se tenant près d'eux. Rituellement, chaque parlementaire a le droit d'inviter un individu à venir écouter le discours du chef d'Etat. Et cette présence est l'occasion d'une supplique muette. Ainsi, Alexandria Ocasio-Cortez a convié Ana Maria Archila, victime d'une agression sexuelle. Ilhan Omar a, elle, invité Linda Clarke, une ancienne immigrée libérienne, venue il y a 18 ans aux Etats-Unis et aujourd'hui menacée d'expulsion. Ted Deutch, Démocrate de Floride, arrivera quant à lui avec Manny Oliver, dont le fils a été tué lors du massacre de Parkland.
Donald Trump lui a aussi a le droit de venir entouré. Comme l'indique le site Politico, Melania Trump et lui ont ouvert les portes de l'événement à treize Américains. Parmi eux, le collégien Joshua Trump, simple homonyme du président des Etats-Unis, harcelé à l'école à cause de son nom de famille.