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Amérique du Nord

Procédure de destitution: Trump face au témoignage accablant d'un diplomate

Bill Taylor, diplomate américain en poste en Ukraine, arrive pour son audition en huis clos devant la Chambre des représentants aux Etats-Unis

Bill Taylor, diplomate américain en poste en Ukraine, arrive pour son audition en huis clos devant la Chambre des représentants aux Etats-Unis - Alex Wong / Getty Images North America / AFP

Bill Taylor, diplomate américain en poste en Ukraine, a livré à la Chambre des représentants son témoignage concernant l'affaire de l'appel de Trump à son homologue ukrainien.

Un diplomate américain en poste en Ukraine a livré mardi devant le Congrès un témoignage accablant accréditant l'idée que Donald Trump a utilisé la politique étrangère américaine à des fins politiques personnelles.

Les élus démocrates de la Chambre des représentants ont vu dans dans le récit de Bill Taylor, chargé d'affaires américain à Kiev, la preuve que les soupçons les ayant poussé à lancer une procédure en vue de la destitution du 45e président des Etats-Unis étaient fondés.

Lors d'une déclaration à huis-clos, dont le contenu a été publié dans son intégralité par le Washington Post, ce diplomate de carrière a relaté comment le président américain avait essayé de faire pression sur l'Ukraine pour que ce pays enquête sur la famille de son rival démocrate Joe Biden à l'approche de l'élection de 2020. Et avait conditionné l'octroi d'une aide de Washington à Kiev à l'aboutissement de sa demande. 

"Tout était lié" à une enquête contre le fils de Joe Biden

Devant la Chambre des représentants, Bill Taylor a relaté que Gordon Sondland, ambassadeur américain auprès de l'Union européenne, lui avait clairement indiqué que Donald Trump avait lié le déblocage d'une aide à l'Ukraine à l'annonce par Kiev d'une enquête visant le fils de Joe Biden, qui fut au conseil d'administration d'une entreprise ukrainienne.

Gordon Sondland "m'a dit (..) que tout était lié à une telle annonce, y compris l'aide", a expliqué le diplomate.

"L'ambassadeur Sondland a dit qu'il avait parlé au président ukrainien Volodymyr Zelensky (...) et lui avait dit que 'même si ce n'est pas une contrepartie', s'il 'n'éclaircissait pas les choses' en public, nous serions dans une impasse", a-t-il raconté devant les élus. "J'ai compris 'impasse' comme voulant dire que l'Ukraine ne recevrait pas l'assistance militaire dont elle avait cruellement besoin", a-t-il ajouté.

Le diplomate a aussi souligné comment Gordon Sondland avait essayé de lui expliquer la logique "d'homme d'affaires" de Donald Trump. "Lorsqu'un homme d'affaires est sur le point de signer un chèque à quelqu'un qui lui doit quelque chose, l'homme d'affaires demande à cette personne de payer avant qu'il ne signe le chèque".

Un témoignage "explosif" pour les démocrates

Nombre d'élus démocrates ayant assisté à l'audition ont insisté sur la force de cette déposition. "Ce que j'ai entendu aujourd'hui de la part de Bill Taylor était très troublant et explosif", a tweeté Adriano Espaillat. "C'était tout simplement le témoignage le plus accablant que j'ai entendu", a surenchéri l'élue Debbie Wasserman Schultz. "Tout y est", a ajouté Tom Malinowski. "Je ne sais pas quoi ajouter face à une déclaration aussi claire et détaillée".

Donald Trump n'a pas réagi directement à ce témoignage mais sa porte-parole, Stephanie Grisham, a dénoncé une "campagne de calomnies" menée "par des élus d'extrême-gauche et des bureaucrates radicaux non-élus qui sont en guerre contre la Constitution".

Mardi matin, le président américain s'était plus que jamais posé en victime. "Un jour, si un démocrate devient président et que les républicains remportent la Chambre des représentants, même avec une toute petite marge, ils peuvent lancer une procédure de mise en accusation du président, même sans respect des procédures, sans équité ou sans droits. Tous les républicains doivent se souvenir de ce à quoi ils assistent ici: un lynchage", a tweeté le milliardaire républicain.

Le choix du mot "lynchage" choque

Le tweet a provoqué une vive polémique, le mot "lynchage" étant lourd de sens aux Etats-Unis, où il est associé aux meurtres de Noirs par des Blancs aux XIXe et XXe siècles, essentiellement dans le Sud. Fait remarquable, Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine au Sénat, qui se tient le plus souvent à l'écart de toute critique du président, a exprimé son désaccord. "Compte tenu de l'histoire de notre pays, je ne comparerais pas cela à un lynchage", a-t-il déclaré, déplorant un choix de mots "regrettable".

"C'est un mot qu'aucun président ne devrait utiliser pour lui-même", a réagi le démocrate James Clyburn sur CNN. "Je viens du Sud. Je connais l'histoire de ce mot. C'est un mot qu'il faut utiliser avec beaucoup, beaucoup de prudence", a ajouté l'élu afro-américain.

"Un lynchage? 4.743 personnes ont été lynchées aux Etats-Unis entre 1882 et 1968, parmi lesquels 3.446 Afro-Américains", a réagi Kristen Clarke, présidente d'une association de défense des droits civiques. Et de souligner que les lynchages furent un chapitre "répugnant" de l'histoire américaine.