Procès du génocide au Rwanda: le témoignage gênant d'une journaliste

Pascal Simbikangwa est jugé pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité. - -
Il prétend qu'il apportait du riz à une famille tutsi qu'il cachait. Elle a une version opposée. Une ancienne journaliste de la Radio Mille collines (RTLM) a assuré mardi avoir vu Pascal Simbikangwa, le premier Rwandais jugé en France en relation avec le génocide, distribuer armes et vivres à des miliciens pendant les massacres.
Valérie Bemeriki, condamnée à la réclusion à perpétuité au Rwanda, a témoigné devant la cour d'assises de Paris par visioconférence depuis Kigali, revêtue de la tenue rose des prisonniers au Rwanda.
Elle a affirmé avoir vu l'accusé à une des "barrières" où étaient filtrés les Tutsis pendant le génocide, un soir d'avril 1994 en rentrant de son travail à la RTLM. "On voyait bien qu'il était en train de donner des ordres à ces gens-là [les miliciens, NDLR]".
Pascal Simbikangwa "distribuait des boissons et des armes"
Les miliciens ont acclamé Pascal Simbikangwa, en disant qu'il "distribuait des boissons, de la nourriture, des armes, des munitions, tout ce qu'il leur fallait", a-t-elle poursuivi. Puis elle dit avoir échangé quelques propos avec l'accusé, qui était resté dans sa voiture.
"Il [Simbikangwa] nous a dit 'vous les journalistes vous êtes des braves à la RTLM'. Sur le siège arrière [de sa voiture] il y avait des grenades, des cartons, dont j'ai vu que l'un contenait des munitions, sur le siège avant des munitions".
Valérie Bemeriki a par ailleurs affirmé que le 7 avril 1994, au lendemain de l'assassinat du président hutu Juvénal Habyarimana, événement déclencheur des massacres, le capitaine Simbikangwa était passé au siège de la RTLM, un des principaux "médias de la haine", où il s'était brièvement entretenu avec le directeur général. Il l'avait incité à dire que l'attentat était le fait "du FPR [Front patriotique rwandais, rébellion tutsi dont la victoire mit fin au génocide en juillet 1994, NDLR], des Tutsis de l'intérieur" et de leurs alliés.
Il prétend avoir caché une famille tutsi
L'accusé a une toute autre version. Il reconnait avoir croisé un jour un véhicule de la RTLM, sans voir si Valérie Bemeriki était dedans, près d'une barrière alors, dit-il "que j'apportais un sac de riz et un sac de farine à une famille [tutsi] que je cachais". "C'est à partir de là que la légende s'est construite", poursuit-il.
Quant à donner des instructions au directeur de la RTLM? Même s'il était un des actionnaires fondateurs de la radio, "en qualité de quoi Simbikangwa allait donner des ordres au directeur général?"
Pour expliquer son témoignage, Valérie Bemerqiki explique: "Quand je fais cela, c'est pour donner ma contribution à la construction d'un nouveau pays, à la réconciliation de tous les Rwandais, pas pour demander une réduction de peine. C'est parce que ce que j'ai fait c'est très grave". Et de conclure son audition d'un retentissant "Salut à Simbikangwa".