Mali : une campagne militaire fulgurante mais des bémols politiques

A droite, le représentant du MNLA à Paris, le 25 janvier 2013 - -
Certes toute campagne militaire a ses ratés. L'opération Serval aura les siens. Cela n'enlève rien à la noble clarté du message, du geste. Une intervention quasi-idéale: l'ONU d'accord, un gouvernement et un peuple maliens totalement demandeurs (à part les jihadistes et les Touaregs), et une nécessité évidente de notre présence décisive en tout lieu!
Serval sauve Dioncounda Traoré
Quelques rumeurs: le président Dioncounda Traoré a senti, juste avant d'appeler la France à l'aide le 10 janvier, que des militaires allaient éventuellement le renverser, au moment même où les jihadistes avançaient subitement en territoire noir sudiste.
Donc l'intervention française serait née dans un moment malien, presque autant que dans un moment d'offensive des forces jihadistes. Enfin presque, mais pas tout à fait. Les jihadistes descendant sur Bamako, cela aurait créé une zizanie des plus délétères, pour le Mali, et pour ses voisins.
Le MNLA, ou la révolution touareg ratée
Mouvement national de libération de l'Azawad, par qui le grand chamboulement est venu: les Touaregs, 40% environ de la population du Nord du Mali, éternels insatisfaits des régimes maliens centraux qui sont faibles, corrompus, méprisants. Le MNLA devait être l'embryon d'un État libre associé au Mali, ou quelque formule de compromis de ce genre.
Laïque, tolérante, toute l'identification traditionnelle des Touaregs se retrouve dans le discours du MNLA. Leur conquête du Nord a cependant été bref, en avril 2012. Les jihadistes sont sortis de toute part, Aqmi, un sous-groupe véreux le Mujao (mouvement pour l'Unicité [de Dieu] et le Jihad en Afrique occidentale), et enfin un gros groupe de Touaregs passés au jihad politique et confortablement armé et financé: Ansar Dine. Le MNLA fut lentement éjecté de ses prises territoriales, et sa déclaration d'indépendance, faite depuis Paris et suivie de près par votre serviteur, balayée.
Le MNLA a un problème de taille: le gouvernement français ne peut le reconnaître, car cela vaudrait une mise en doute de l'intégrité territoriale du Mali, ce qui à son tour vaudrait une brouille avec le régime (quel régime au juste?) à Bamako, et par la suite la mise en péril de la mission du contigent Serval. Le représentant du groupe en France, Moussa Ag Assarid, a parlé ce 26 janvier à la Maison du Parlement européen, à l'invitation du député Vert européen François Alfonsi du groupe d'amitié Europe-Amazigh (amazigh voulant dire berbère, ce que sont les Touaregs).
Le MNLA n'a qu'à attendre que cet ouragan entre franco-maliens et jihadistes évolue. Ensuite le mouvement national verra le chemin à suivre: la dilution, la victorieuse indépendance sur les décombres du jihad et du Mali, ou la dominance au Nord dans un Mali confédéral (de loin la solution de choix chez les intellectuels touaregs).
Les jihadistes ne sont pas éliminés
En attendant, l'aviation française frappe et les jihadistes ont leur chemin tout tracé: le repli et la dissimulation. Les uns se réfugient dans leurs grottes inexpugnables de l'Adrar des Ifôghas sur la frontière algérienne, les autres se fondent dans la population. Ils n'ont pas suscité de soutien populaire, comme cela a pu exister dans le cas des Talibans. Ils n'ont pas amené la stabilité, la protection des gens, l'espoir d'une jeunesse. Ansar Dine sont après tout des Touaregs d'un genre éventuellement désespéré, alliés à des narcotrafiquants religieux alliés à Al-Qaïda.
Ces jihadistes seront éliminés si la population, qui est loin de les adorer, les vomit entièrement et unanimement - ce qui semble être le cas. La France et l'Europe devra encourager le développement de la région, cette phrase est sur toutes les lèvres diplomatiques et j'en ai vu un grand nombre! En définitive, sans la force, notre diplomatie française eût été creuse. Encore faudrait-il qu'elle soit convainquante à Bruxelles et à Washington, car toute solution coûtera cher. Seule consolation: l'uranium du Mali et du Niger sera toujours pour notre programme nucléaire. Il faut être pratique, après tout. Et admirer nos soldats, cela fait du bien.