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Crise migratoire: à Ambleteuse, Bruno Retailleau annonce d'importants renforts et cible le Royaume-Uni

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En pleine crise migratoire, alors que 72 exilés sont morts dans la traversée de la Manche en 2024, Bruno Retailleau a annoncé le renforcement de services de police aux frontières et demande au Royaume-Uni de financer ces renforts, ce vendredi 29 novembre.

Sa prise de parole était très attendue par les élus du territoire. Bruno Retailleau a annoncé une série de mesures pour lutter contre la crise migratoire dans la Manche, lors d'un déplacement à Ambleteuse (Pas-de-Calais), ce vendredi 29 novembre. "Je suis venu pour répondre à l'urgence et m'engager sur des propositions. Ça ne suffit pas de traiter uniquement les conséquences de ces désordres migratoires, il va falloir changer les règles", a-t-il assuré aux côtés du président de la région Xavier Bertrand et de la maire de Calais Natacha Bouchart.

En premier lieu, le ministre de l'Intérieur a confirmé des renforts importants pour les forces de l'ordre avec la création d'un nouvel hôtel de police à Calais, qu'il souhaite être cofinancé par le Royaume-Uni, le financement du cantonnement CRS de Calais et des renforcements d'effectifs.

De nombreux renforts pour les services de police

La compagnie de marche mise à l'essai durant la période des Jeux olympiques de Paris 2024, qui représente 75 personnes, va aussi être pérennisée. "Ils permettent de patrouiller et renforcent le dispositif existant", précise le ministre. Ces effectifs seront déployés notamment les jours ou les nuits "où il peut y avoir des passages", ajoute-t-il.

Pour la police aux frontières, 75 agents vont venir renforcer les forces en présence. 10 sont déjà arrivés, tandis que les 65 restants doivent débarquer "dès lundi" 2 décembre. Dans les commissariats du département, 10 recrues vont faire leur arrivée à Calais et 25 à Dunkerque.

20 enquêteurs vont aussi venir renforcer les rangs de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), dont Bruno Retailleau a salué le "boulot fantastique, dont le démantèlement des réseaux". 14 agents iront à Dunkerque et six seront fléchés à Calais. Tous ces renforts représentent, selon Bruno Retailleau, un "effort sans précédent dans un contexte budgétaire très compliqué, mais un effort "assumé".

Un changement de cap avec le Royaume-Uni

Autre point clé pour le ministre face à la crise migratoire, les relations avec le Royaume-Uni, Bruno Retailleau souhaitant modifier les règles en matière de financement. Pour soutenir les collectivités, communes et les habitants "qui sont en première ligne", des mesures ont été proposées dans ce sens.

Un fonds d'indemnisation, qu'il souhaite voir financé par le Royaume-Uni dans le cadre des accords du traité de Sandhurst, doit voir le jour. "Il n'est pas normal que les particuliers et entreprises aient à financer des réparations quand il y a par exemple une franchise".

Le ministre français doit rencontrer à deux reprises son homologue britannique Yvette Cooper, le 9 décembre, en France et le 10 décembre, à Londres.

Un "bras de fer" à venir?

Le ministre appelle le Royaume-Uni à réduire son "attractivité" pour les exilés, première raison, selon lui, des traversées et se dit prêt à un "bras de fer".

"Pour l'instant, ils n'ont jamais rien fait pour que l'attractivité de ce modèle soit remise en cause. Tant que ça ne bouge pas, pas de raison pour que le flux ne soit pas alimenté de plus en plus", souligne-t-il.

Il demande également d'être accompagné par l'Union européenne vis-à-vis du Royaume-Uni. "Cette frontière-là, c'est la frontière commune extérieure de l'Europe. Pourquoi la France seule devrait supporter tout le poids de la défense de cette frontière extérieure?" D'autant que la Manche représente 30% de l'immigration des flux irréguliers de toute l'Europe.

Le 10 décembre prochain, il proposera ainsi à Yvette Cooper "une relation beaucoup plus équilibrée entre le Royaume-Uni et l'Union européenne".

Bruno Retailleau estime aussi qu'il faudra à terme une voie légale (d'immigration, NDLR) vers la Grande-Bretagne et une voie de réadmission pas seulement en France mais aussi vers les pays frontaliers". Le ministre précise toutefois qu'il ne veut pas remettre en cause les accords du Touquet fixant les contrôles des personnes en partance vers le Royaume-Uni sur le sol français. Il estime que cela "serait le meilleur de moyen de reconstituer la jungle de Calais".

Un nouveau préfet délégué à la question migratoire

Une enveloppe prévue pour les dégâts et nettoyage et réparation sur les campements, a également été annoncée. Pour financer, les 12% des interventions des sapeurs-pompiers qui sont liées à la crise migratoire dans le Pas-de-Calais, le ministre veut également faire appel à "nos amis anglais", au même titre que pour la SNSM.

À la demande de Natacha Bouchart, un préfet dédié à la question migratoire a été désigné. Il s'agit de Vincent Lagoguey, qui est actuellement préfet délégué à la défense et à la sécurité auprès du préfet de la région Hauts-de-France.

"On va le charger tout particulièrement de cette mission, avec une cellule de trois personnes. Un préfet portant au quotidien cette question-là était nécessaire", précise Bruno Retailleau.

Une logique "totalement à bout de souffle"

Depuis le début de l'année, au moins 72 exilés sont morts en traversant la Manche, un record. "C'est un drame, c'est une tragédie, ça n'est pas tolérable." Bruno Retailleau décrit des images capturées par l'Oltim où des passeurs tapent avec des bâtons sur des exilés qui ne voulaient pas monter à bord d'une embarcation. "On ne peut pas laisser les choses aller au fil de l'eau parce que c'est trop grave."

Sur cette question, le ministre est également revenu sur ses propos controversés il y a quelques semaines sur l'immigration. "Je persiste et je signe, lorsque j'ai déclenché une polémique en disant que l'immigration, qui est en dehors de tout contrôle, n'était pas une chance, je l'assume totalement."

Il ajoute: "si l'immigration incontrôlée était une chance pour la France, les habitants de Calais, des communes environnantes, n'auraient pas à subir ce qu'ils subissent actuellement. Ceux qui pensent qu'on ne doit retenir personne, qu'on ne doit pas garder nos frontières, je pense que c'est une fausse générosité qui nourrit les plus grands drames, et je veux y mettre fin."

Pour Bruno Retailleau, la logique actuelle face à la crise migratoire est "totalement à bout de souffle", il défend ainsi un changement de cap. "Tout ne peut pas se réduire à coup d'effectifs supplémentaires ou financements complémentaires, si on ne sort pas de cette logique dans laquelle nous sommes depuis des années, nous allons courir après le problème en permanence et il y aura d'autres morts et ça, je ne le souhaite pas", indique-t-il.

Arthus Vaillant