BlaBlacar va vendre des billets de train (et faire concurrence à SNCF Connect)

Du nouveau dans le marché de la vente de billets de train en France. La célèbre plateforme de covoiturage BlaBlaCar devrait attaquer le marché en 2025 ou en 2026, peut-on lire dans Le Figaro.
L'entreprise française s'est d'ailleurs lancé en Espagne il y a quelques jours, rejoignant d'ailleurs Uber qui propose également des billets de train depuis juin dernier.
"Nous nous lancerons en France, soit en 2025 soit en 2026, où nous vendrons aussi des billets de TGV. La date dépendra de ce que nous aurons appris en Espagne", explique à nos confrères Nicolas Brusson, cofondateur de BlaBlaCar. Selon nos informations, le top départ se fera au mieux fin 2025.
Ce n'est pas vraiment une surprise. L'entreprise avait annoncé son intention de se lancer sur ce marché en 2019 lorsqu'elle avait repris OuiBus à la SNCF.
La plateforme fixe déjà un objectif: "vendre quelques millions de billets de train dans trois à cinq ans ne me semble pas impossible. Si nous n’avons pas un bon tiers de nos clients en France et en Espagne qui réservent des billets de train par notre intermédiaire à l’horizon 2030, nous aurons loupé quelque chose", indique le dirigeant.
85% du marché pour SNCF Connect
Reste que se faire une place dans le marché français de la vente de billets de train et générer de la rentabilité est un double défi que certains estiment quasiment impossibles à atteindre.
Aujourd'hui, SNCF Connect, filiale de la compagnie ferroviaire, contrôle 85% de ce marché selon les estimations, avec 209 millions de titres de transport vendus par an. Elle est utilisée comme un réflexe par les consommateurs.
Pourtant, la concurrence dans ce secteur existe bel et bien, mais les acteurs présents depuis 2009 ont bien du mal à se faire une place, malgré le fait que Connect ne donne pas accès à toute l'offre. L'appli ne propose pas les billets de Trenitalia ou de Renfe, présents sur le réseau français depuis plusieurs années, contrairement à Trainline, Kombo, Omio et d'autres petits acteurs.
Mais ces derniers jugent que les règles du jeu sont inéquitables. Principal grief: les commissions versées par SNCF Voyageurs sur la vente de chaque billet qui sont jugées trop faibles. Elles sont actuellement de 2,9% sur chaque billet vendu.
"Les revenus ne couvrent pas les frais", expliquait il y a peu Christopher Michau, directeur général de Trainline France. Alors que Trainline est, de loin, le plus gros concurrent de SNCF Connect, le constat est sans appel: "nous ne sommes pas rentables en France. Aujourd'hui, se lancer qu'en France, c'est économiquement impossible".
"On ne peut pas avoir de rentabilité sur ce marché avec les conditions actuelles et futures. D'ailleurs, aucun des acteurs présents n'a dégagé une profitabilité, l'espace économique est trop restreint", confirment les auteurs d'une étude Compass Lexecon sur la question.
D'autant plus que le taux de commission peut varier selon le type de train: c'est ainsi 1% pour les billets low cost Ouigo. Pour ces acteurs, vendre ces billets, cela veut dire vendre à perte. Pire, le niveau de commission va baisser dans les prochaines années: 2,8% en 2025 pour tomber à 2,7% ensuite.
Le service plus que les prix
Pour BlaBlaCar, la solution est à trouver du côté de l'international. L'entreprise vise également les marchés allemands, italiens, suisses et belges. Selon nos informations, en Italie, Trenitalia (l'équivalent de la SNCF) propose 10% de commission aux vendeurs en ligne. En Espagne, elles sont comprises entre 2 et 4%.
C'est d'ailleurs la stratégie appliquée par Trainline: sa présence dans de nombreux pays lui permet de lisser ses pertes en France et d'être rentable au global.
Autre axe de développement, les synergies. BlaBlaCar entend accompagner ses utilisateurs de co-voiturage qui ont besoin de poursuivre leurs trajets en train. Le service plutôt que le prix puisqu'il est impossible de vendre moins cher que les tarifs proposés par SNCF Voyageurs. Mais on peut imaginer des réductions en cas d'achats couplés comme Uber en Espagne.
L'accès aux offres concurrentes de la SNCF, offres qui devraient être plus nombreuses dans les prochaines années, pourrait également être un argument face à SNCF Connect.
De quoi se faire une place, mais au détriment des autres acteurs du marché français qui ont déjà bien du mal à exister et qui demandent d'ailleurs une nouvelle régulation.
"Le cadre est imparfait", admet Jordan Cartier, secrétaire général de l'ART, le régulateur des transports. "On peut se retrouver dans une situation où ces acteurs ont du mal à émerger, il faut donc réfléchir à des actions ou obligations particulières pour la SNCF".