Proxima, concurrent de la SNCF vers l'ouest, commande 12 TGV à Alstom et se lancera en 2028

Étape de taille pour Proxima. Ce nouvel opérateur ferroviaire qui entend se lancer dans les prochaines années pour concurrencer le TGV vers Bordeaux, Rennes, Nantes et Angers depuis Paris, passe commande pour ses trains.
Car à la différence de Railcoop ou de Midnight Trains qui ont renoncé faute d'argent, ou encore de Le Train qui boucle actuellement son financement et de Kevin Speed toujours en quête de fonds, le nouvel acteur a un argument de taille: il a annoncé en juin dernier avoir levé 1 milliard d'euros auprès d'Antin Infrastructure Partners (qui devient donc son principal actionnaire). De quoi sécuriser le financement de son lancement.
Cette somme considérable, nerf de la guerre, lui permet donc de commander 12 rames de TGV à Alstom. L'industriel français est également missionné pour assurer 15 années de maintenance.
"Cette commande représente un montant total de près de 850 millions d’euros. Les premières livraisons sont attendues en 2028", précise Alstom.
Les 150 millions d'euros restants lui permettront de lancer l'exploitation.
Les mêmes rames que le TGV M de la SNCF
Proxima évoquait au départ un lancement en 2027 mais il a certainement fallu prendre en compte le carnet de commandes très rempli d'Alstom et les retards de production qui pèsent sur le secteur.
Les TGV en question seront issus de la famille Avelia Horizon, soit à peu de choses près, le même modèle que le TGV M de la SNCF.

L'achat de matériel roulant étant au coeur des difficultés de ce type de projet, on peut dire que cette commande ferme démontre la solidité de Proxima.
Le projet est notamment porté par Rachel Picard, une experte du transport et du tourisme qui a dirigé jusqu'en 2020 la plateforme digitale voyages-sncf.com et Voyages SNCF (l’activité grande vitesse en France et en Europe). Autant dire qu'elle a des cartes en main. Ce qui pourrait quelque peu inquiéter la compagnie nationale.
"Ce projet devient une réalité. Notre ambition: dix millions de places en plus pour relier Rennes, Bordeaux, Nantes et Angers à Paris. C’est une réponse à l’impératif écologique, aux nouveaux modes de vies des Français et à l’attractivité phénoménale de ces villes de la façade Atlantique, avec une autre vision de l’expérience du Train à Grande Vitesse", se félicite-t-elle sur Linkedin.
Pourquoi la façade ouest (qui sera d'ailleurs également occupée par Le Train en 2026 si tout va bien)?
"Le grand potentiel d’attractivité démographique, le dynamisme économique et l’attrait touristique de ces villes ont créé une demande particulièrement forte de mobilité ces dernières années sur ces villes de la façade Atlantique", explique Proxima.
La SNCF en embuscade, augmente son offre vers l'Atlantique
Et il est vrai qu'il reste pas mal de capacité à aller chercher sur Paris-Bordeaux.
D'ailleurs, heureux hasard, SNCF Voyageurs vient d'annoncer qu'il allait considérablement renforcer son offre vers la façade Atlantique avec 4 millions de sièges supplémentaires progressivement d'ici 2026.
"Nous pensons (qu'il y a une place pour une vraie concurrence, NDLR), on vise de transporter à terme 10 millions de passagers, les passagers TGV, c'est 320 millions de personnes, je préfère parler de complémentarité plutôt que de concurrence à la SNCF", expliquait en juin dernier sur BFM Business, Alain Rauscher, co-fondateur et Président Directeur Général d’Antin Infrastructure Partners.
Reste que les péages à payer à SNCF Réseau sur Paris-Bordeaux sont parmi les plus chers du réseau, l'équilibre sera complexe à trouver, à moins que l'opérateur obtienne un rabais sur ce tarif comme lorsque Trenitalia s'est lancé en France.
Le milliard d'euros apporté par Antin se décompose de fonds propres et d'un complément en dette levée auprès de banques.
"La dette a un coût qui est ce qu'il est et ça sera reflété dans les tarifs à la fin que nous pratiquerons", glisse Alain Rauscher. Il ne faut donc pas trop miser sur du low cost pour cette offre, ni sur une politique tarifaire agressive face à la SNCF.
Côté offre, l'opérateur reste d'ailleurs discret indiquant vouloir "réinventer l’expérience de la grande vitesse à partir des différentes typologies de clients et de l’écoute de leurs besoins. L’expérience voyageur sera inspirée par ces nouveaux comportements: fin de la frontière affaires/loisirs, besoins de connectivité et de contenu à bord, recherche d’intimité ou de lieux de partage".
A priori, pas de low cost
Proxima a pour ambition de faire la différence par le service. Rachel Picard promet ainsi "une autre vision de l’expérience du Train à Grande Vitesse".
"Au travail maintenant pour transformer notre vision en réalité: Proxima sera l'alternative. Avec le dernier cri de la technologie, nous avons un train à deux niveaux qu'il faut repenser complètement au prisme de l’expérience voyageur. À l’image d’un Mama Shelter qui révolutionne l'hôtellerie ou Tesla l'automobile. Comment les voyageurs ont-ils envie de vivre cette expérience? Connectivité, confort, restauration, classe… tout est possible, on pourrait même personnaliser l’expérience à la place! Nous allons donner le choix et questionner le statu quo pour incarner modernité et changement", se félicite ce jeudi Rachel Picard sur LinkedIn.
Pour les experts, Proxima apparaît crédible, bien plus crédible que d'autres projets de nouveaux opérateurs.
"C'est le modèle économique qui a le plus de chance de fonctionner avec l'achat de matériel neuf grâce au financement important par des fonds d'investissements et des banques qui permettent de voir loin sur le calendrier car comme Rachel Picard le dit: 'Le temps ferroviaire est un temps très long'. Si on compare avec d'autres pays, c'est le modèle qui a le mieux fonctionné en Italie notamment avec Italo", explique à BFM Business, Eloïse Devallière, consultante senior Mobilités pour le cabinet Wavestone.