Impôts, retraites, nouvelles taxes… Ce qu'il faut retenir du Budget 2025

Le mot est répété en boucle: "effort". Le gouvernement de Michel Barnier a présenté ce jeudi 10 octobre son Projet de loi de finances pour l'année (PLF) 2025, avec au menu 60 milliards d'économies et d'impôts pour redonner de l'air aux finances publiques, étouffées par une dette galopante et un déficit menaçant de toucher les 7% en l'absence de mesures de rigueur.
"Un effort aussi urgent que nécessaire pour renouer avec une trajectoire budgétaire soutenable, qui préserve nos conditions de financement et nous permette à terme de stabiliser, puis de réduire notre endettement", ont expliqué le ministre de l'Économie et des Finances Antoine Armand, et Laurent Saint-Martin, le ministre délégué chargé du Budget.
Un effort principalement concentré aux deux tiers sur une baisse de la dépense publique, le reste, de nouveaux impôts, ciblant particulièrement les entreprises et particuliers les plus aisés. Retraites, nouveaux impôts, nouvelles aides... Voici ce qu'il faut retenir de ce PLF, que devront amender et voter les parlementaires.
• Un changement du calendrier de revalorisation des retraites
Le gouvernement va mettre le doigt dans l'épineux dossier des pensions de retraites, le premier poste de dépense publique. La revalorisation de cette pension sera toujours indexée sur l'inflation, mais la hausse sera désormais désynchronisée, avec un décalage de six mois.
"Les pensions de retraites seront bien indexées sur l’inflation mais à compter de juillet, suite aux revalorisations exceptionnelles intervenues ces dernières années (notamment une revalorisation de plus de 5% cette année, alors que l’inflation devrait être aux alentours de 2%)", explique Bercy.
Les autres prestations sociales resteront indexées de manière synchronisée "afin de protéger les publics les plus fragiles".
• Une nouvelle imposition des plus fortunés, 65.000 ménages concernés
Une "contribution exceptionnelle" va être demandée à 65.000 foyers fiscaux, ceux disposant des plus hauts revenus, soit 0,3% des contribuables qui paient actuellement l'impôt sur le revenu, selon le gouvernement.
Qui sera concerné? "Ce mécanisme ciblé s’appliquera aux contribuables assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), à savoir ceux dont le revenu de référence dépasse 250.000 euros pour un célibataire et 500.000 euros pour un couple".
L'objectif, mettre en place un taux minimal d'imposition à 20% du revenu total, comblant les pourcents restant après cumul de l'impôt sur le revenu et CEHR. Ce dispositif temporaire sera appliqué "pour une durée de trois ans, en vue d’accompagner la trajectoire de redressement des finances publiques".
• Une contribution exceptionnelle des très grandes entreprises
Les particuliers aisés ne sont pas les seuls à être mis à contribution. Les entreprises "dont le chiffre d'affaires dépasse 1 milliard d'euros", soit 400 groupes, vont devoir verser un "complément exceptionnel sur leur profit". Le gouvernement espère obtenir ainsi 8 milliards d'euros de recette par ce biais en 2025, et 4 milliards d'euros en 2026, soit 12 milliards sur deux ans.
"Pour répartir plus équitablement l’effort, la contribution prévoit deux niveaux d’imposition, en fonction du chiffre d’affaires, et un lissage pour contenir les effets de seuil. La contribution correspond à 20,6% de l’impôt sur les sociétés dû au titre de 2024 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 milliard d'euros et est inférieur à 3 milliards d'euros et à 41,2% pour celles qui atteignent au moins 3 milliards de chiffre d’affaires", a détaillé le ministre délégué au Budget Laurent Saint-Martin.
• Un nouveau barème de l'impôt sur le revenu
Le barème de l'impôt sur le revenu va être révisé pour prendre en compte l'inflation et permettra "d’éviter à près de 530.000 foyers d’entrer dans le champ de l’impôt sur le revenu". Le gel du barème, très brièvement étudié, a été écarté.
Selon un document technique obtenu par Contexte, le barème de l'impôt 2025 sur les revenus de l'année 2024 ajusté par le ministère de l'Économie et des Finances pourrait ainsi se décomposer de la façon suivante:
- 0% de taux d'imposition pour les revenus jusqu'à 11.520 euros (contre 11.294 euros)
- 11% de taux d'imposition pour la part des revenus comprise entre 11.520 et 29.373 euros (contre 28.797 euros)
- 30% de taux d'imposition pour la part des revenus comprise entre 29.373 euros et 83.988 euros (contre 82.341 euros)
- 41% de taux d'imposition pour la part des revenus comprise entre 83.988 euros et 180.648 euros (contre 177 106 euros)
- 45% pour la part des revenus supérieure à 180.648 euros
• Billets d'avion: vers une hausse substantielle de la taxe de solidarité
Les trajets en avion vont coûter plus cher. Le gouvernement confirme un durcissement de la taxe sur la solidarité des billets d'avion (TSBA), incluant les jets privés. Cette mesure, qui n'est pas présente dans le PLF, sera présentée dans un amendement, comme l'a confirmé l'exécutif.
Le montant de cette augmentation n'a pas été précisé mais la TSBA pourrait rapporter un milliard d'euros de plus, soit une multiplication par trois de la taxe. La semaine dernière, le secteur aérien était monté au créneau à l'annonce de cette potentielle hausse.
• Armée, Santé: des budgets préservés
Le Premier ministre l'avait assuré: deux budgets ne vont pas être rabotés. D'une part, l'enveloppe dédiée à l'Armée et à la Défense:
"Michel Barnier a annoncé que la loi de programmation militaire serait appliquée", avait déclaré ce jeudi le ministre Sébastien Lecornu sur France Inter, précisant que le budget en hausse fixé pour 2025 atteint 50,5 milliards d'euros.
Autre enveloppe stable, la Santé. Matignon assure que les budgets dédiés à la Santé ne vont pas être coupés, tandis que la tranche dédiée à la santé mentale devrait, elle, augmenter: une rallonge de 600 millions d'euros, à la demande du gouvernement, lors de la phase de débat parlementaire.
• Des mesures de soutien aux agriculteurs
La crise des agriculteurs n'est pas terminée. Peu après la nomination de Michel Barnier et de son gouvernement, la première fédération des professionnels, la FNSEA, avait demandé des engagements forts. Dans ce PLF, le gouvernement entend répondre à la crise avec le maintien d'aides, le prolongement d'autres, et l'arrivée de nouvelles.
Ainsi, Bercy annonce la pérennisation du dispositif d'aide à l'embauche de travailleurs saisonniers (600 millions d'euros). "Le budget du ministère permettra également le financement de la politique agricole commune, en mobilisant 500 millions pour co-financer notamment l’indemnité compensatoire de handicap naturel, les mesures agroenvironnementales et climatiques et les aides à la conversion biologique".
Le gouvernement note que ces aides sont cumulatives aux 9,4 milliards d'euros attendus de l'Union européenne au titre du fonds européen agricole de garantie.
• Extension du prêt à taux zéro pour les primo acccédants
Autre mesure non inscrite dans le projet de loi, mais que le gouvernement souhaite insérer lors des débats parlementaires: l'extension du prêt à taux zéro. Ce dispositif, tourné vers les primo accédants, pourrait être élargi à tout le territoire français. Jusqu'ici, le prêt à taux zéro n'était accordé que sur les zones tendues.
En revanche, les modalités précises de cette extension restent floues. Dans son discours, Laurent Saint-Martin, le ministre du Budget, a simplement annoncé que les conditions "seront précisées et débattues" lors des débats parlementaires. L'ancien et le neuf seront-ils tous les deux concernés? Les maisons et les appartements? Les modalités devront être précisée au Parlement.
• Vers une suppression d'une niche fiscale "Airbnb"
Le gouvernement souhaite corriger le "biais fiscal" en faveur du régime des locations meublées, à long terme (un an minimum ou 9 mois pour les étudiants), mais aussi pour de courts séjours, de type Airbnb.
L'exécutif estime que cet avantage fiscal "contribue aux tensions sur le marché locatif" en incitant les propriétaires à placer leur logement sur des plateformes comme Airbnb, au détriment des logements "nus".
Un changement qui pourrait toutefois se faire au détriment des locations meublées traditionnelles, comme l'avaient alerté les professionnels du secteur.
• Arrêts maladie, tarif des consultations médicales
Outre le Projet de loi de finances, le gouvernement a également rendu sa copie sur le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). On y retrouve plusieurs changements, dont un changement dans le mode d'indemnisation des arrêts maladie, à partir du 4e jour. Ainsi, l'État va plafonner son remboursement d'1,8 à 1,4 Smic. Un écart qui devrait être comblé par les complémentaires santé.
Autre changement entériné, une hausse du tarif de consultation chez le médecin traitant. "La revalorisation de la consultation des médecins traitants à 30 euros sera conforme à la convention médicale négociée entre l’assurance maladie et les professionnels de santé", indique Bercy.