"Même si tu es nul, tu peux prendre du plaisir": 33 ans après, "Mario Kart" continue de traverser les générations

Accessible et transgénérationnel, le jeu de course de karts sorti en 1992 continue à séduire les joueurs. La sortie prochaine d'un neuvième "Mario Kart" ravit les fans de la licence.

Affalé dans son canapé en cuir, Joël est concentré. "Attention, ça va commencer", souffle-t-il, sans décrocher les yeux de sa télévision. Sur l’écran, un petit bolide rouge et bleu s’apprête à démarrer une course de voitures effrénée sur Mario Kart 8 Deluxe.

Contrairement aux apparences, ce n’est pas le kart de Mario, l'emblématique plombier moustachu de Nintendo. Mais bien celui de Toad, son compagnon champignon humanoïde. "Ce n’est pas le véhicule le plus rapide, mais c’était mon préféré quand j’étais petit. Donc je me suis attaché", reconnaît-il.

"Ca traverse les époques"

Mais pas le temps de discuter. Le jeune homme de 19 ans s’élance dans une série de tours de circuit. Avec un objectif: "finir premier, évidemment."

"J’ai eu le jeu dès sa sortie, en 2014", se souvient Joël. Pour l’étudiant en architecture, c’est même devenu une habitude. "Dès que je change de console, j’achète le nouveau Mario Kart."

Alors, quand il a vu les rumeurs autour d’un nouvel opus Mario Kart World, depuis officialisé le 2 avril dernier, son sang n’a fait qu’un tour. "C’est clair que j’étais ravi! On attend depuis des lustres la nouvelle Switch. Alors s'il y a un nouveau Mario Kart, c’est encore mieux", sourit celui qui envisage déjà d’acheter le nouveau titre.

C’est simple, depuis 1992, toutes les consoles de Nintendo ont eu droit à leur épisode de ce jeu de course dans lequel Mario, Luigi, Peach, Bowser et les autres héros du constructeur japonais s’affrontent sur des circuits de kart tous plus loufoques les uns que les autres.

Leo, 26 ans, a connu le jeu de course en 2006, lorsqu’il a reçu la console Nintendo DS pour son anniversaire. Rapidement séduit par le jeu, il a alors voulu tester les différents opus. "Après, j’y ai joué sur d’autres consoles comme la SNES, la Gamecube, la Wii, et même la Switch. Ça traverse les époques", observe le chargé de ressources humaines.

Accessible et loufoque

"C’est un jeu un peu format arcade. Donc ça ne vieillit pas beaucoup. Et puis, c’est très facile à prendre en main, il n’y a pas besoin de passer des heures sur le jeu comme sur Forza (un autre jeu de courses, NDLR)", détaille-t-il.

"Que l’on soit un gamer ou un joueur du dimanche, tout le monde apprécie une bonne partie de Mario Kart", renchérit Lisa, 32 ans. "En dix minutes, même si tu n'y as jamais joué, tu es certain de comprendre le concept et de t'amuser."

En effet, la franchise de Nintendo se veut accessible au plus grand nombre. En 2017, le constructeur a notamment ajouté une option d’assistance à la conduite pour aider les joueurs les plus en difficulté à rester sur la piste, ne pas se prendre de murs ou éviter de tomber dans le mur. "C'est assez facile. C'est une course où tu dois finir premier au terme des 3 courses. Même pour la génération de nos parents ou de nos grands-parents, il suffit de tourner le volant", abonde Louis, 22 ans.

Lisa n’est d’ailleurs pas une grosse fan de jeux vidéo. "Ça m'arrive de temps en temps, mais je ne suis pas quelqu’un qui va s’enfermer des heures pour un jeu", précise la kinésithérapeute. Pourtant, la praticienne est toujours partante pour une course de karts multicolores.

"Ce n’est pas une course de voitures basique. Tu peux choisir ton personnage, les décors sont colorés, et même parfois un peu fous", énumère Lisa. Son décor préféré? La route arc-en-ciel, évidemment. "Ça part un peu dans tous les sens, mais ça me rappelle mes heures passées sur DS quand j’étais enfant."

Entre amis ou en famille

"La différence entre Mario Kart et les autres jeux de course classique, c’est qu’il y a plein de rebondissements", souligne Marie, 24 ans. En effet, les carapaces, les peaux de bananes ou autres champignons peuvent chambouler l’ordre de la course en quelques secondes.

"Il suffit que tu attrapes un boulet de canon pour passer premier alors que tu étais 8e", confirme-t-elle. "Même si tu es nul ou que tu n’as jamais joué, tu peux prendre du plaisir et t’amuser avec les objets."

Quitter à parfois créer quelques tensions. "Je suis devenu le spécialiste pour passer premier du classement à la dernière seconde. Mes potes me détestent", plaisante Julien, qui n’hésite pas à envoyer quelques coups de pieds à ses amis dans un virage, pour les dépasser. "C’est vrai qu’on peut parfois s’embrouiller, mais ça ne dure jamais longtemps. Et puis, ça crée des souvenirs tous ensemble."

Car l’autre gros atout de la licence, c’est son aspect multijoueur. "Mario Kart, c'est le jeu pensé pour que les gens se retrouvent en famille ou entre amis, dans leur salon ou dans un bar. Et ça, quel que soit leur niveau", analyse Guillaume, alias Antistar sur Twitch, co-animateur du podcast Manettes à trois. "C'est très rare que des gens tombent sur le jeu et qu'ils ne s'amusent pas."

Comme beaucoup, il a reçu le célèbre jeu de course à Noël, en 1994. "Je jouais aux jeux vidéo depuis deux ans, et j'étais déjà fan de Mario", se remémore-t-il. Alors quand un magasin de jeux vidéo évoque un jeu autour de course centré autour du plombier, Guillaume est tout de suite intéressé.

"Je ne m'imagine pas être en retard"

"J'étais extrêmement nul. Je n'arrivais pas à garder mon véhicule sur la piste. Tout seul, je faisais des courses contre des personnages gérés par le jeu ou des contres-la-montre, mais je ne percutais pas l'intérêt", glisse-t-il. "J'ai vraiment appris à aimer le jeu en affrontant mon meilleur ami (...) Ca m'a donné envie de m'entraîner pour apprendre à le battre." Guillaume en est certain: Mario Kart sur SNES est le jeu auquel il a le plus joué dans sa vie.

Depuis, il ne rate aucun des jeux de la licence. "Ca fait partie de ces jeux où je suis obligé de jouer dès qu'il sort, je ne peux pas l'envisager autrement (...) Déjà, je suis très attaché à cette série, je suis curieux de voir les nouveaux personnages ou les circuits", raconte le vidéaste. "Et puis, toutes les personnes avec qui je joue vont l'acheter. Je ne m'imagine pas être en retard."

Même son de cloche pour Louis. "Je n'ai pas beaucoup joué seul. Une fois que tu as terminé tous les circuits, tu n'as plus grand chose à faire", relate-t-il. Pour autant, le jeune homme, qui a découvert le jeu en 2008 sur Wii multiplie les parties avec ses amis, sa famille ou encore avec les membres de son association de cinéma.

"C'est toujours un jeu auquel je reviens. Que ce soit en famille pendant les fêtes de Noël ou avec des potes en vacances ou encore en soirée, il y a toujours quelqu'un pour sortir un Mario Kart", s'enthousiasme l'étudiant en droit.

Un engouement tel, que certains gamers se sont organisés pour créer des compétitions de Mario Kart. C’est le cas du streamer Ponce qui, en 2019 a organisé son tournoi. Régulièrement, le vidéaste propose à ses près de 800.000 abonnés sur Twitch de se retrouver les dimanches pendant 1h30 afin de s’affronter sur une partie de Mario Kart 8.

"Il faudrait innover"

De son côté, Anistar fait partie des meilleurs joueurs sur Mario Kart sur Super Nintendo. Le joueur de 38 ans a détenu pendant 4 ans le titre de numéro un mondial en contre-la-montre. Il a également à son actif quelques titres français, et même mondiaux. "Il y a deux semaines, j'étais justement aux Etats-Unis pour une compétition", rapporte Guillaume.

"La communauté de Mario Kart sur SNES est une anomalie. D'habitude, le public laisse tomber les anciennes versions pour se concentrer sur les nouvelles consoles", s'étonne le streamer. "Personne ne sait pourquoi, mais la communauté Mario Kart sur SNES continue à vivre." Une énième preuve du succès de la franchise à travers le monde.

Pour autant, les fans de la franchise ne boudent pas les nouvelles versions, au contraire. Pour preuve, le dernier opus de la franchise, Mario Kart 8, sorti en mai 2014, s’est écoulé à plus de 75 millions d’exemplaires, devant Animal Crossing et The Legend of Zelda : Breath of the Wild. Dans toute l’histoire de Nintendo, seul le jeu Wii Sport (82 millions d’exemplaires), offert avec la console, a réussi à faire mieux.

Mais après plus de 8 épisodes, les fans veulent plus que des simples circuits ou de nouveaux personnages. Ils attendent que la licence se renouvelle. "Ca fait 11 ans que Mario Kart 8 est sorti, et qu'on joue avec les mêmes circuits, les mêmes véhicules, les mêmes décors", regrette Marc, 27 ans. "Et puis, ça reste un jeu de course. Il faudrait innover."

Les prix "piquent"

Et effectivement, les nouveautés sont nombreuses. Les joueurs peuvent désormais quitter la piste et conduire où ils veulent. Un nouveau mode survie, où tous les joueurs seront éliminés un par un jusqu'au dernier encore en piste, a également été ajouté.

Autre surprise qui devrait ravir les joueurs: ils pourront désormais s'affronter à 24 sur une même piste. Et la personnalisation va encore plus loin puisque les différents héros pourront enfiler des costumes, qui influenceront la course. Mais tout ça à un prix: 89,99 euros en physique, et dix euros de moins en numérique.

"Ca pique", reconnaît Joël. "Je m'attendais à un monde plus ouvert donc je suis assez satisfait", poursuit le grand fan de la licence. "Entre le prix des jeux et la console, ça grimpe facilement à 500/600 euros. Mais je pense que je vais finir par sauter le pas."

Marc de son côté est moins enthousiaste. "90 euros le jeu? On peut en parler?", s'énerve-t-il. "Je pense que je ne vais pas acheter la Switch 2 tout de suite, et attendre une éventuelle baisse des prix de la console, même s'il y a un nouveau Mario."

Salomé Ferraris