"On a commencé dans un salon à 16": comment Zerator est devenu le roi des marathons caritatifs sur Twitch

Zerator a commencé le streaming il y a 15 ans. À cette époque, Twitch n'existait même pas. Depuis, le vidéaste a réussi à s'imposer dans le milieu du gaming et, surtout, des marathons caritatifs. La 9ème édition de son ZEvent prend justement place ce week-end, du 4 au 7 septembre.

Chaque année en septembre, il a des petits yeux fatigués, mais c'est pour la bonne cause. Depuis 2016, le streameur Adrien Nougaret, plus connu sous le nom de Zerator sur Twitch, organise son grand projet. Le Zevent, un marathon caritatif sur internet.

2025 marque la neuvième édition de l'événement. Du 4 au 7 septembre, près de 350 streameurs se sont donnés rendez-vous au Zénith de Montpellier et en ligne pour inciter les internautes à donner en faveur de huit associations qui oeuvrent dans le domaine de la santé.

Pionnier du streaming

"On a commencé dans un salon à 16, dans une maison que je louais à l'époque et c'était vraiment à l'arrache", se rappelle le créateur de contenus, interrogé par Radio France. C'était il y a euf ans. Le Montpelliérain était déjà une figure bien identifiée sur internet.

Qu'est-ce que le ZEvent ?

2:49

Il faut dire qu'Adrien Nougaret a commencé très tôt, dès 2010. À cette époque, Twitch n'existe pas. Mais un soir, il découvre que des Américains commentent des parties, en direct et en vidéo de Starcraft II. Ni une, ni deux, il bricole un flux vidéo et audio pour tenter une activité encore très niche: le streaming vidéo. Fan des jeux vidéo Starcraft, il décide de prendre comme pseudo le nom d'un des héros du jeu, Zeratul. Ce dernier sera ensuite déformé en ZeratoR.

Les lives du vidéaste connaissent une ascension fulgurante. À tel point qu'il se fait recruter par les web TV Millenium, O’Gaming et GameCreds. Mais rapidement, Zerator souhaite prendre son envol. Il organise alors une campagne de financement participatif pour créer sa propre web TV, la ZTV. En 15 minutes, son objectif est atteint. Sa communauté finit par tripler en une heure la somme qu'il espérait récolter.

Ce n'est qu'en 2015 que Zerator abandonne le monde des web TV pour se lancer sur Twitch. "J’avais très peur. Je ne l’ai jamais dit publiquement, mais quitter Eclypsia, c’était pour moi un sentiment d’échec qui signifiait gagner probablement moins d’argent, quitter mes potes, retourner chez mes parents", lance-t-il au Monde.

Course de voitures, ZEvent et émissions TV

Un pari risqué, mais qui porte ses fruits. Zerator fait désormais partie du top 10 des streameurs français les plus suivis sur Twitch. En septembre dernier, le vidéaste a ainsi cumulé plus de 150 millions de vues. Une communauté qui ne cesse de grandir, au même rythme que ses projets.

En 15 ans, Zerator organise un tour du monde des studios de jeux vidéo, créé la ZLAN, la plus grande compétition de multigaming en France, et monte même une compétition d'e-sport de course de voitures, la Trackmania Cup, devant 15.000 spectateurs à l'Accor Arena de Bercy, en 2022.

Son succès attire même l'oeil des chaînes de télévision. En 2024, il crée un jeu télévisé, diffusé sur France.tv Slash et sa propre chaîne. Dans cette émission, baptisée Boat, youtubeurs et streameurs s'affrontent sur des questions de culture générale.

Mais c'est dès 2016 qu'il décide de mettre sa popularité au service d'associations caritatives.

"Le principe c'était: si une catastrophe arrive, on appuie sur un bouton et on se met à lever des fonds", détaille le streameur à l'INA.

Il réunit 16 vidéastes dans l'objectif de diffuser du contenu pendant 34 heures afin de collecter des dons pour l'association Save the children. Plus de 170.000 euros sont récoltés. Il décide alors d'annualiser l'événement et de changer le nom. Le ZEvent est né.

"Si, aujourd’hui, on me demandait de recommencer, je pense que je changerais le nom", glissait le vidéaste en septembre 2024 à Tech&Co. "Ça avait du sens en 2016 que l’événement soit un peu lié à cette chaîne, mais ça n’en a plus aujourd’hui. Il est devenu hors de moi et c’est vraiment bien. Mais le nom est aussi trop fort aujourd’hui, trop positif pour le changer."

L'année suivante, La Croix Rouge Française repartira avec 451.851 euros. En 2018, davantage de streamers prennent part au ZEvent, qui dépasse le million d’euros de dons pour Médecins sans frontières. Et cela ne fera que croître d’année en année… jusqu'à atteindre les 10 millions d'euros.

Un serial entrepreneur

Des montants mirobolants, qui continuent à impressionner le vidéaste qui ne pensait pas pouvoir vivre du streaming un jour. "J'ai commencé en 2010. C'est difficile de s'en rendre compte maintenant, mais à l'époque personne ne vivait du fait de commenter des jeux vidéo, en tout cas en France", insiste-t-il auprès de France Culture.

Les premiers gains sont venus "au fur et à mesure. J'ai commencé à toucher mes premiers euros vers fin 2011, 2012".

Mais il y a bien longtemps que Zerator ne dépend plus des revenus de ses streams. "Très tôt, il s’est dit qu’il n’allait pas mettre tous ses œufs dans le même panier et a voulu diversifier les sources d’investissement et donc de revenus pour se sécuriser", observe Dash, son associé depuis sept ans, pour Le Monde. Le streameur s'est bâti un petit empire au fil des années.

ZeratoR en pleine préparation du ZEvent 2024 © Tech&Co

Pêle-mêle, il détient la société société ZT Production, spécialisée dans la création multimédias, Unexpected, un studio de jeux vidéos indépendants, ZQSD Productions, une agence d'événementiel et audiovisuel spécialisée dans l'e-sport et les jeux vidéo et enfin Indieviduals, spécialisée dans le merchandising pour streameurs.

"Je me mets d’abord à l’abri financièrement et, quand ce sera fait, tous les lives seront bien. Aujourd’hui, je n’ai pas de patron, mais j’ai une audience, qui juge mon travail en permanence et décide si elle me paie ou pas... Ça ressemble quand même à un patron", précise celui qui souhaite devenir véritablement indépendant.

Le patron du streaming français?

Ironiquement, Zerator est souvent décrit par certains créateurs dans le milieu de "patron du streaming français". Une appellation qui fait grincer le principal intéressé. "Ce n'est pas vrai. Si on raisonne purement en termes de statistiques, d'abonnés, de followers, ce n'est vrai dans aucune de ces trois catégories", souligne le vidéaste à France Culture.

"Il y a des gens qui pensent que je décide, et je pense que c'est lié au ZEvent et aux invitations mais ça fait bien longtemps qu'il n'y a pas que nos potes", ajoute-t-il.

La preuve avec cette neuvième édition du ZEvent. Pour la première fois, le marathon caritatif est ouvert aux vidéastes souhaitant participer à distance, à condition de remplir quelques critères. Une dispositif qui permet à plus de 300 créateurs de contenus d'apporter leur pierre à l'édifice afin de faire grimper la cagnotte.

Comme les trois éditions précédentes, ils tenteront d'atteindre les 10 millions d'euros en trois jours. Depuis sa première édition, le ZEvent a levé plus de 41 millions d’euros. Il détient également le record de l'événement solidaire ayant levé le plus d'argent sur Twitch.

Un exploit qui impressionne jusqu'aux plus hautes sphères. Au début de l'année, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, actuellement sous la direction de Gérald Darmanin, a proposé le nom de Zerator pour devenir chevalier de l'ordre national du Mérite. Une proposition acceptée le 2 juin dernier.

Salomé Ferraris