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Merah et Nemmouche, des jihadistes aux profils similaires

Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche

Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche - France 2 ; AFP ; montage BFMTV

Mohamed Merah était "son héros absolu". Mais comment Mehdi Nemmouche et le "tueur au scooter" en sont-ils arrivés au jihad? Retour sur deux parcours similaires où la religion semble, finalement, n'être qu'un prétexte.

Mehdi Nemmouche, le tueur présumé du Musée juif de Bruxelles, identifié par plusieurs journalistes français otages en Syrie comme ayant été l’un de leurs geôliers, avait pour “héros absolu”, Mohamed Merah, auteur des tueries de Toulouse en mars 2012. Quelles sont les similitudes entre ces deux profils? Qu’est-ce qui constitue le terreau de ces apprentis jihadistes et les ingrédients de leur passage à l’acte? Décryptage.

> Narcissisme et paranoïa

Pour Alain Penin, psychologue qui a rencontré et dressé en 2009, une expertise psychologique de Mohamed Merah, alors mis en examen pour conduite sans permis et refus d'obtempérer, c’était’“un petit psychopathe et un petit délinquant”. Interrogé par BFMTV.com, le psychologue décrit encore “une personnalité de peu d’envergure qui a eu des difficultés dans sa petite enfance”, ajoutant que son ego n’est pas “très structuré”. Mohamed Merah affichait une assurance extériorisée, pour compenser un défaut de maturité et de confiance en soi, une fragilité affective, selon l'expert.

Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche ont tous deux été marqués par l’absence du père. Celui de Merah "n’a pas assuré au point de vue éducatif", précise Alain Penin, et Nemmouche est né de père inconnu.

Raphaël Liogier, professeur de sociologie à l’Institut d’études politiques d'Aix-en-Provence*, interrogé par BFMTV.com, estime lui aussi que chez Merah et Nemmouche, le narcissisme (NDLR, fondement de la confiance en soi), et son corollaire la paranoïa, sont des éléments clé pour expliquer leur passage à l’acte.

Pour le journaliste Nicolas Hénin, ex-otage en Syrie, interviewé par Le Point, "Nemmouche ne voulait qu'un beau procès. Faire la une, à l'image d'un Merah qu'il citait souvent en exemple". Le journaliste, victime des coups de Mehdi Nemmouche pendant sa captivité décrit également dans Libération un personnage “paumé et pervers”, au “très grand ego”.

“Le jihad n’est finalement qu’un prétexte pour assouvir sa soif maladive de notoriété”.

> Des problèmes identitaires

A ces problèmes psychologiques, s’ajoute un problème identitaire. Ces jeunes sont ainsi, en général, stigmatisés comme Maghrébins et supposés musulmans en raison de leur origine- des quartiers défavorisés- et de leur apparence. Raphaël Liogier décrit les jihadistes en puissance comme “des individus en déshérence totale, qui peuvent boire de l’alcool, ou, comme Mohamed Merah, être indics pour la police, sortir, aimer les filles”.

"Tout ce qui d’habitude les rabaisse, la couleur de sa peau, le fait d’être arabe, le fait d’être théoriquement musulman, tout ce qui est vu négativement par tout le monde, et auquel ils essaient d’échapper, poursuit le sociologue, c’est à travers cela qu’ils peuvent devenir le héros qu’il ont toujours voulu être. Et donner un sens à leur vie". Ce que confirme Alain Penin qui estime que ces jeunes d'origine maghrébine de la troisième génération ont de gros problèmes d’identité.

> Un islam mal digéré

Le psychologue raconte encore que, quand il a rencontré Mohamed Merah, c’était un “post-adolescent immature, dépressif et très mal structuré”, qui s’est radicalisé par la suite en prison “en adoptant des slogans pas toujours très bien digérés”. Expliquant également que Mohamed Merah avait une “sous-culture en islam”, des connaissances “pas très étayées”, pleines de raccourcis: ‘nous sommes persécutés', il y a des infidèles (juifs, non-islamiques, militaires), donc il faut les combattre par tous les moyens. “Là dessus est venu se greffer une espèce de fanatisme”.

> Une attitude suicidaire

Le passage à l'acte des jihadistes, est également le fruit d'une attitude suicidaire. Le désir de vie, inhérent à tout être humain, est chez eux transformé en désir de mort, selon Raphaël Liogier, par une "ritualisation"- des prières, des récitations- qui les entraînent "hypnotiquement vers ce destin fatal". On sait par ailleurs que Mohamed Merah avait des tendances suicidaires. Il avait tenté de se suicider par pendaison, lors d'un séjour en prison. Et aux forces du Raid, qui assiégeaient son appartement, il a lancé "sachez qu'en face de vous, vous avez un homme qui n'a pas peur de la mort, moi la mort, je l'aime comme vous vous aimez la vie".

*Raphaël Liogier est l'auteur de Populisme: la démocratie menacée, Le mythe de l'islamisation, essai sur une obsession collective et Ce populisme qui vient.

Magali Rangin