Des médecins réclament un "plan national" pour aider les femmes mutilées par des implants vaginaux

Quatre-vingt femmes mutilées par des implants vaginaux ont déposé plainte dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte en 2021 contre "X" pour tromperie aggravée et blessures involontaires (image d'illustration). - Alex Proimos - Flickr - CC
Une réunion pour mettre fin à des années d'injustice. Des victimes de mutilations et douleurs invalidantes après la pose d'implants vaginaux réunies en collectif de patientes ont rencontré, ce vendredi 8 décembre, des représentants de gynécologues, qui réclament de leur côté un "plan national" pour mieux les soigner.
"Certains médecins, qui n'ont jamais vu ces complications sévères rares, sont tentés de dire que ça n'existe pas", regrette le Pr Michel Cosson, président de la commission "pelvi-périnéologie" du Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF).
Il a appelé à "un plan national pour structurer la prise en charge" des victimes, avec une "liste de centres experts pluridisciplinaires", dotés de moyens, vers lesquels ces femmes seraient systématiquement orientées. Il faut aussi "mieux encadrer" la pose, car l'obligation de "pratique régulière" est "floue", juge-t-il.
Des vies brisées
"On pourrait concentrer la chirurgie dans certains établissements, entre des mains qui en ont grandement l'habitude", suggère le Pr Xavier Deffieux, gynécologue spécialisé en pelvi-périnéologie à Clamart (Ile-de-France) et membre du CNGOF.
Des dizaines de femmes ont récemment témoigné dans Le Parisien, et près de 800 victimes sont réunies dans un groupe d'entraide sur Facebook. Elles souffraient d'incontinence urinaire ou de prolapsus (descente d'organes) et ont été opérées, avec la pose d'une "bandelette sous-urétrale" ou d'un "implant de renfort pelvien" en polypropylène, développés depuis les années 1990. Elles ont vu leur vie brisée par les effets secondaires, racontent-elles.
Les complications -dues notamment à une réaction de l'organisme ou une mauvaise pose- varient entre infections urinaires, lésions, ou douleurs chroniques qui empêchent de marcher, s'asseoir, avoir une vie sexuelle. Ces dispositifs s'incorporent progressivement aux tissus et leur retrait, difficile, peut être mutilant.
Retrait d'une partie des dispositifs
En 2019, les autorités ont imposé une certification systématique par la Haute autorité de santé (HAS), conduisant au retrait d'une partie des dispositifs. En 2021, quelque 33.000 ont été implantés, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm).
Opérée à Pau (Pyrénées-Atlantiques) en 2018, Anabela Neto dénonce son "errance médicale de cinq ans", à coups d'anti-douleurs, infiltrations, ou séances chez le psychiatre.
"J'ai passé un an en fauteuil roulant, j'étais prête à me suicider", confie la patiente.
Des décrets de 2020/2021 imposent l'information complète de la patiente avant d'opérer, la "pluridisciplinarité" de la décision et une pratique "régulière" du chirurgien. Mais selon elle, ils ne "sont pas respectés", accuse-t-elle, réclamant "l'arrêt des poses".
Des dizaines de plaintes
80 femmes ont déposé plainte dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte en 2021 contre "X" pour tromperie aggravée et blessures involontaires, et commencent à être entendues par les enquêteurs, selon Me Hélène Patte, l'une des quatre avocates saisies.
Concentrer la chirurgie dans certains établissements "serait catastrophique en termes d'accès aux soins", estime de son côté le Pr Xavier Gamé, président du collège professionnel d'urologie (CNPU). "Nous organisons des formations, développons la recherche" en vue d'alternatives thérapeutiques, mais aujourd'hui, le rapport bénéfice-risque reste favorable, dit-il.
"Les complications, c'est 2,9% des cas (selon des études contestées par les victimes, NDLR), mais ces souffrances doivent être entendues" et traitées rapidement, déclare le Pr Xavier Gamé.