Karim Benzema non retenu: épilogue d'une affaire politique

François Hollande et le président de la FFF Noël Le Graët - Franck Fife - AFP
Même le soutien de Zinedine Zidane, héros de 1998, n'aura pas suffi. Si Karim Benzema a regretté sur son compte Twitter de ne "malheureusement" pas participer à l'Euro 2016 organisé en France en juin et juillet prochain, son avocat a accusé Manuel Valls. Loin de pointer du doigt le président de la Fédération française de football Noël Le Graët et le sélectionneur Didier Deschamps qui ont entériné la mise à l'écart de l'attaquant du Real Madrid, maître Eric Dupont-Moretti a fustigé les interventions politiques.
"J'en veux au Premier ministre de s'être mêlé de la sélection en équipe de France. Ce n'est pas son job", a-t-il déclaré peu après l'annonce de la décision sur BFMTV. Mi-mars, Manuel Valls avait estimé que "les conditions (n'étaient) pas réunies" pour un retour de Karim Benzema en Bleu. En creux, c'est le devoir d'exemplarité du joueur de football qui servait d'argument choc au locataire de Matignon.
Un raisonnement contre lequel Karim Benzema avait préféré ironiser malgré sa mise en examen dans l'affaire de la sex-tape de son coéquipier international Mathieu Valbuena et son interrogatoire par les policiers dans une affaire de blanchiment. "Ils ne peuvent pas se fonder sur la mise en examen pour lui interdire l'Euro", reprend Eric Dupont-Moretti. Et en effet dans son communiqué la FFF confirme ce fait depuis la fin du contrôle judiciaire de l'attaquant tricolore. "C'est leur décision (...) Si les critères sont sportifs, je m'incline", a poursuivi l'avocat sans paraître convaincu par ce cas de figure.
"Il n’y a eu aucune consigne du gouvernement"
François Hollande, qui est proche du président de la FFF, et ancien maire PS de Guingamp, avait décidé de soutenir Noël Le Graët en le mettant hors d'atteinte des pressions. Le chef de l'Etat avait même sifflé la fin des hostilités en demandant à ses ministres de se taire sur la question après s'être aussi interrogé à voix haute, et devant témoins, sur la faible probabilité de voir le joueur disputer la compétition continentale.
Il n'y a donc pas eu d'ingérence de l'exécutif, d'autant plus que Didier Deschamps a des arguments dans son sac et que les joueurs français n'ont pas poussé pour le retour du meilleur d'entre eux, assure Libération. Pourtant
l'ombre du politique plane sur ce choix de laisser Karim Benzema à la maison. Et pour cause puisque comme Manuel Valls, depuis octobre 2015 et le début de l'affaire, Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy - qui avait reçu Thierry Henry après la grève de 2010 - et d'autres ont aussi donné leur avis sur le cas Benzema.
Preuve que le sujet a débordé du cadre sportif, un sondage BFMTV montre aussi que 82% des Français ne souhaitent pas le revoir sous le maillot frappé du coq. Un score sans appel. Alors une fois la décision prise, "c’est la responsabilité de la Fédération, a argué Thierry Braillard sur RMC. Je peux vous assurer qu’à aucun moment, je ne me suis mêlé de cette affaire. Je suis ministre, je crois qu’il faut que chacun reste à sa place. Il n’y a eu aucune consigne du gouvernement".
Si ce n'est de gagner l'Euro organisé en France. En 1998, Jacques Chirac avait fortement profité de la victoire des Bleus à la Coupe du monde...