BFMTV
Police-Justice

Assises de Paris: l'effroyable récit du calvaire d'un galeriste

Le procès de trois hommes, accusés d'avoir séquestré et torturé une nuit entière un ancien marchand d'art parisien, s'est ouvert lundi devant la cour d'assises de Paris.

Le procès de trois hommes, accusés d'avoir séquestré et torturé une nuit entière un ancien marchand d'art parisien, s'est ouvert lundi devant la cour d'assises de Paris. - Stéphane de Sakutin - Paris

Séquestré, dévêtu, ligoté, humilié et torturé... En février 2014, un marchand d'art a vécu une nuit de supplices dans le sous-sol de sa galerie parisienne. Trois hommes répondent depuis lundi à Paris des violences inouïes qui lui ont été infligées. Ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Brûlures de cigarettes, coups, piqûres dans les testicules... Un ancien marchand d'art a raconté mardi aux assises de Paris les sévices qui lui ont été infligés cinq heures durant dans le sous-sol de sa galerie, en 2014, par trois hommes qui lui ont soutiré des milliers d'euros. 

"On m'a mis des tiges de fer entre la chair et les ongles", obligé à "sniffer une poudre blanche", "ils m'ont fait des piqûres et m'ont dit: 'Tu auras le sida'". "Je ne pensais qu'à une seule chose: que ça s'arrête!"

Les phrases sont courtes. Les souvenirs pénibles. C'est un homme menu de 75 ans qui se tient les mains jointes à la barre et s'applique à répondre avec précision aux questions de la cour. Jean-Claude Declercq peine à établir la chronologie de cette nuit du 21 au 22 février 2014, au cours de laquelle il a été séquestré, dévêtu et ligoté dans le sous-sol de sa galerie parisienne avant d'être torturé par trois hommes, qui encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Emmanuel Sadot, 47 ans, ancien gérant d'un club sado-masochiste et principal accusé, Ludovic-François Jaouen, 47 ans, et Max Diener, 26 ans, sont jugés pour séquestration et extorsion, accompagnées de tortures et actes de barbarie.

Des viscères déposés sur son corps nu

La victime raconte être arrivée à sa galerie vers 19h40, pour un rendez-vous avec un client qui "envisageait d'exposer un peintre brésilien". Ce client, qui s'avérera être Max Diener, lui demande de laisser la porte ouverte car un "ami" doit le rejoindre.

"On était au sous-sol quand les deux autres sont arrivés". Le galeriste est ligoté et la "séance" commence: bâche plastique sur le sol, bougies allumées, et les coups. Outre la peur, les douleurs parfois fulgurantes, Jean-Claude Declercq se souvient surtout de cette sensation de "froid" qui l'envahissait, couché entièrement nu sur une bâche étendue sur les tomettes. Mais aussi du "froid" des viscères, une tête de veau et des abats sanguinolents dont son corps est enduit: "une mélasse glacée" qui le fait encore frissonner.

Il se souvient bien aussi de Sadot lui intimant de "bouffer" des excréments, après lui avoir fait signer des reconnaissances de dettes. Mais peine à se rappeler l'enchaînement des violences et leurs auteurs.

"J'essaie d'oublier", explique Jean-Claude Declercq.

Tentative de section de son auriculaire

Pour l'aider dans son récit, le président de la cour, Jean-Paul Albert, fait circuler une pièce à conviction: un godemiché rose auquel la victime a dû faire une fellation et dont la vision fait réagir Emmanuel Sadot.

"Cela vous fait sourire M. Sadot?", interroge le président. "Franchement, oui", répond l'intéressé. "Pas la cour", rétorque Jean-Paul Albert.

Le récit du calvaire reprend. Des photos sont projetées, puzzle sinistre où chaque partie du corps porte des marques rouges. Un auriculaire a été recousu. Max Diener avait essayé de lui couper un doigt avec une paire de cisailles, mais s'était finalement arrêté, rapporte Le Parisien.

"J’ai entendu un craquement, alors je me suis dit: 'Basta, j’arrête'", raconte l’accusé.

Jean-Claude Declercq, qui a immédiatement reconnu Emmanuel Sadot, ancien gérant d'un club logé dans un local lui appartenant avant sa liquidation, le désigne comme ayant tenu "le rôle principal". Il se souvient que "vers la fin, Diener et Jaouen ont voulu arrêter". Il est finalement abandonné dans sa cave et parvient à "défaire" ses liens pour gagner un bar voisin, vers 1 heure.

Verdict attendu vendredi

A la barre, Max Diener, à qui on avait promis 100 euros pour la soirée, évoque "une extorsion qui part en vrille". "Quand Sadot lui urine dessus, je me suis demandé ce que je faisais là". Pourtant, il restera, jusqu'au bout, allant même jusqu'à rattraper la victime qui parvient à s'échapper à une reprise.

Comme Diener, Ludovic-François Jaouen évoque la "terreur" de la victime. Il dit aussi "la haine que lui porte Sadot", un "ami" mais un homme qui "peut être très violent quand il a bu". Il affirme s'être essentiellement cantonné à la prise de photos et de vidéos, et désigne Sadot comme le cerveau de la "séance d'humiliation". Le verdict est attendu vendredi soir.

V.R. avec AFP