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Trafic de stupéfiants à Canteleu: le procès de l'ex-maire, Mélanie Boulanger, débute ce lundi à Bobigny

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Mélanie Boulanger avait démissionné de son poste à la tête de la mairie de Canteleu en février dernier pour "raisons de santé".

Les "narcos" et l'élue locale: l'ex-maire de Canteleu, Mélanie Boulanger, est jugée à partir de lundi à Bobigny avec 18 autres prévenus pour un trafic de drogues dans la ville de Seine-Maritime, un dossier éclairant sur l'emprise du "deal" à l'échelle d'une petite commune.

Fruit de deux ans d'enquête, le tentaculaire dossier Canteleu, commune populaire de 14.000 habitants de l'agglomération de Rouen, illustre l'enracinement et la violence grandissants des narcotrafics dont s'inquiétait ce mois-ci encore un rapport du Sénat.

Un business lié à la fratrie Meziani

À la tête de la municipalité depuis 2014, la socialiste Mélanie Boulanger, 47 ans, est soupçonnée d'avoir, sous couvert d'un discours public offensif contre les trafics, fait pression sur les services de police pour qu'ils ne gênent pas les affaires du redoutable clan Meziani, réputé pour tenir le deal dans sa ville normande et y faire régner la terreur.

Jugée à ses côtés jusqu'au 24 juin, la fratrie Meziani a soufflé le chaud et le froid sur l'élue, via l'un de ses adjoints, également poursuivi devant le tribunal correctionnel à Bobigny.

Dans une conversation téléphonique sous écoute, l'un des frères la menace d'une part de mettre la commune à feu et à sang, et de l'autre lui promet de garantir sa réélection et l'ordre public à Canteleu si elle accède au service qu'il lui demande.

L'ancienne tête de liste PS-EELV en Normandie aux élections régionales de 2021, arrêtée en octobre 2021 et mise en examen pour complicité en avril 2022, dément les accusations contre elle.

Elle a démissionné de son mandat de maire en début d'année en invoquant des "raisons de santé", après son renvoi devant la justice. Contacté par l'AFP, son avocat, Me Arnaud de Saint-Rémy, n'a pas souhaité s'exprimer.

Après sa garde à vue, elle assurait à BFMTV être "innoncente".

"Je ne connais ces personnes, je ne suis pas en contact avec elles. Je ne les ai ni aidées ni couvert ni accompagnées", affirmait-elle.

Plus de 10 millions d'euros de bénéfices annuels

L'affaire s'ouvre en septembre 2019 avec l'arrestation sur un parking de Saint-Denis de deux individus suspects procédant à une transaction de drogues. L'un est porteur de 50.000 euros en liquide, l'autre de 2 kilos de cocaïne pure à 80%.

Les investigations sur l'acheteur amènent rapidement les policiers de Seine-Saint-Denis à Canteleu, base de la famille Meziani, soupçonnée d'être l'un des principaux acteurs du trafic de drogues dans la région de Rouen.

Depuis la mort en 2019 du chef de famille Mohamed dans un accident de la route lors d'un possible "go-fast", le relais aurait été repris par deux de ses frères, Aziz et Montacer.

Story 3 : Drogue à Canteleu, la maire accusée – 28/12
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L'enquête, riche en sonorisations et en écoutes, va mettre au jour un important réseau d'importation et de vente de stupéfiants, écoulant aussi bien du cannabis que de l'héroïne et de la cocaïne.

Selon les estimations des policiers, leur organisation engrange plus de 10 millions d'euros de bénéfices annuels rien que pour la cocaïne et l'héroïne.

Une décision attendue à la fin juin

Ce dossier éclaire également les circuits empruntés par l'argent de la drogue. Derrière le modeste train de vie déclaré par les mis en cause, des sommes conséquentes sont utilisées en liquide pour l'achat de voitures de luxe ou le paiement d'onéreux frais dentaires.

Une partie de ce cash est blanchie dans des commerces de proximité - un bar de la place de la mairie de Canteleu ou une chicha-salon de thé - ou recyclé via des entreprises fictives.

D'autres capitaux sont expédiés au Maroc pour des achats immobiliers ou, à l'occasion, financer la construction de mosquées dans le pays.

Accusé par la justice d'avoir relayé les demandes de ses amis trafiquants auprès de la maire Mélanie Boulanger, son adjoint Hasbi Colak dément l'ensemble des accusations retenues contre lui.

"Nous attendons ce procès avec une certaine impatience pour pouvoir démontrer de façon très claire et très précise qu'il n'a strictement rien à se reprocher", a déclaré à l'AFP son avocat Jérémy Kalfon. Le jugement du tribunal est attendu fin juin.

Al.L avec AFP