Serbie: un candidat loufoque affole les sondages

Sa candidature n'était, à la base, qu'une farce destinée à moquer et dénoncer les vrais prétendants à la présidence serbe. Mais avec "Beli", le personnage fictif qu'il s'est créé pour l'occasion, Luka Maksimovic, un étudiant en communication de 25 ans, séduit. Et se retrouve en haut des sondages.

La blague n'en est plus vraiment une. Alors que la Serbie s'apprête à désigner son nouveau président, dimanche, la surprise pourrait surgir de là où on ne l'attendait pas. En l'occurrence d'un étudiant de 25 ans, Luka Maksimovic, qui s'est à l'origine porté candidat pour dénoncer la corruption des élus. Contre toute attente, il se classe aujourd'hui deuxième dans les sondages. 

L'humour comme moyen de dénonciation

Cet étudiant en communication s'est créé un personnage fictif nommé Ljubisa Preletacevic, alias "Beli" qui signifie "blanc". En Serbe, ce nom peut être traduit par "celui qui change de camp comme de chemise". Luka Maksimovic décrit son double politique comme un homme politique serbe typique selon lui: véreux, malhonnête, et qui ne tient pas ses promesses.

Vêtu d'un costume blanc, coiffé comme un samouraï, il détonne au milieu des autres candidats, et se sert de l'humour pour dénoncer les pratiques des responsables serbes, et décrédibiliser la classe politique. Ainsi, il assure qu'il s'engage à "voler pour lui même", tout en "donnant aussi quelque chose au peuple". 

Luka Maksimovic. © ANDREJ ISAKOVIC / AFP

"Les mêmes décident depuis 30 ans de notre destin"

"C'est une satire, mais finalement, les gens ont adhéré à mon personnage", remarque l'intéressé. "Les politiques devraient se demander ce qu'ils ont apporté à ce pays pour qu'un personnage fictif se présente à la présidence et que les gens veuillent voter pour lui. Cela montre qu'il y a quelque chose qui ne va pas", ajoute-t-il pour expliquer son succès. 

"Nous sommes une génération oubliée, née juste avant, pendant ou après les guerres des Balkans. Nous avons grandi dans le chaos, sans perspective d'avenir. Les mêmes décident depuis 30 ans de notre destin. Ça suffit", fait encore valoir Luka Maksimovic, dont le slogan pour l'élection de dimanche est "Samo Jako" ("frappe fort", en français). 

Bien placé dans les sondages

Car si elles n'étaient au départ qu'une farce, les pitreries et le message de Luka Maksimovic ont fait mouche. Le jeune homme a obtenu le parrainage de 13.000 électeurs, lui permettant formellement de se présenter à l'élection présidentielle. 

Bien qu'il ne veuille pas être élu, il rivalise désormais directement avec les candidats plus traditionnels dans les sondages. Le Premier ministre actuel, le libéral et pro-européen Aleksandar Vucic reste le favori de l'élection, mais le jeune homme est parvenu à se hisser à la deuxième place dans les intentions de vote, à égalité avec Sasa Jankovic et Vuk Jeremic, deux candidats pro-européens, et avec le candidat de l'extrême droite nationaliste, Vojislav Seselj.

Sur Youtube, l'un de ses clips de campagne parodiques mis en ligne il y a une dizaine de jours totalise près d'un million de vues. 

Ce n'est pas la première fois que Luka Maksimovic s'invite dans une élection pour dénoncer les pratiques des élus. Comme le souligne Le Figaro, l'étudiant avait déjà présenté une liste avec des amis aux élections municipales de la ville de Mladenovac, dans la banlieue de Belgrade, pour railler la corruption du personnel politique.

La démarche avait séduit les habitants de cette ville, un ancien bastion de l'industrie serbe. Les jeunes gens étaient arrivés deuxième, avec 20% des voix, ce qui leur avait permis de remporter 12 sièges municipaux sur 50. C'est ce succès local qui a incité Luka Maksimovic à aller plus loin. Quitte à accéder à la fonction suprême? Réponse dimanche dans les urnes. 

Adrienne Sigel