Migrants: inquiétude des associations et des maires avant l'arrivée de l'hiver sur la Côte d'Opale

Tous redoutent l'arrivée de l'hiver. À Calais, Grande-Synthe, et dans les autres villes du littoral à proximité du détroit du Pas-de-Calais, les démantèlements de campements de migrants se poursuivent à un rythme effréné depuis plusieurs mois pour empêcher tout "point de fixation". La semaine dernière, plusieurs centaines de personnes ont été évacuées d'un campement à Grande-Synthe. Deux semaines plus tôt, la ville avait déjà connu l'évacuation d'un camp de 800 migrants. Fin septembre, ce sont 400 migrants qui devaient plier bagage à Calais.
Selon l'ONG Human Rights Watch, plus de 1000 opérations de ce genre ont été menées sur l'année 2020 entre les deux villes du littoral. Une stratégie qui permet de les invisibiliser et de les épuiser, selon Louis-Emmanuel Meyer, prêtre de l'église Saint-Pierre à Calais: "Les réfugiés essayent de passer la nuit en Angleterre, le jour ils se reposent et en les harcelant, on leur en empêche", explique-t-il à BFMTV.com.
Grève de la faim
Pour dénoncer ce harcèlement des forces de l'ordre et l'absence de réponse de l'État face à leur sollicitations, un couple de militants et un aumônier du Secours catholique ont entamé une grève de la faim il y a neuf jours assortie d'une pétition. Ils sont soutenus par plusieurs associations comme Utopia56 et le Secours Catholique, suivis par un médecin et hébergés dans l'église Saint-Pierre: "Ce que déplorent les grévistes, c'est que le dialogue avec les associations est rompu", constate le prêtre Louis-Emmanuel Meyer.
Il n'hésite pas lui-même à critiquer l'hypocrisie de l'État qui assure des distributions de repas, notamment via l'association La Vie Active, tout en interdisant cette compétence aux associations non mandatées par l'État: "De la main gauche ils donnent à manger, de la main droite ils matraquent".
Ciblés par l'extrême-droite
Les grévistes réclament la "suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale" et l'"arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées" pendant cette période.
Samedi, ils ont reçu la visite de la sous-préfète de l'arrondissement Calais, Véronique Deprez-Boudier, mais "elle n'a pas accédé aux revendications", souligne Louis-Emmanuel Meyer.
Le week-end dernier, l'église a été la cible de tracts hostiles aux migrants, signés par un mouvement catholique traditionnaliste d'extrême droite: "Je me doutais que des activistes se signaleraient, mais je ne pensais pas que ça prendrait une tournure religieuse", préfère s'amuser le prêtre. Les militants n'ont pas prévu de porter plainte.
Manque de solutions d'hébergement
L'an dernier, la paroisse avait hébergé des migrants dans la Maison du Doyenné, mais celle-ci a dû fermer après une commission sécurité demandée par la mairie de Calais. "On réfléchit à d'autres solutions", explique le prêtre.
Dans les autres villes de la Côte d'Opale, la situation n'est pas meilleure. La semaine dernière, le maire PS de Grande-Synthe, Martial Beyaert, a déploré le "peu de solutions proposées par les services de l'État", avec "l'hiver qui arrive". En février dernier, la préfecture du Pas-de-Calais avait ouvert deux hangars pour 170 places supplémentaires d'hébergement d'urgence à Grande-Synthe, et deux autres à Calais, lors de la vague de froid.
D'autant que, malgré les conditions météorologiques dangereuses, le nombre de tentatives de traversées ne faiblit pas. Dans la nuit de dimanche à lundi, 213 migrants ont été secourus au large du Nord et du Pas-de-Calais selon la préfecture de la Manche et de la mer du Nord, alors qu'ils tentaient d'atteindre le Royaume-Uni avec des embarcations de fortune. Des conditions climatiques difficiles et une mer agitée sont par ailleurs attendues dans les prochains jours.