Retraites: le tribunal administratif de Lille juge illégal le fichage de manifestants

Des manifestants dans les rues de Toulouse, le jour de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites, le 14 avril 2023 (photo d'illustration) - Lionel BONAVENTURE © 2019 AFP
"Une nouvelle défaite pour les autorités". Ce vendredi, le tribunal administratif de Lille a jugé illégal le fichage de personnes placées en garde à vue lors des mobilisations contre la réforme des retraites.
Le tribunal avait été saisi en référé par l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico), le Syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l'homme (LDH), sur la base d'un article de Médiapart dénonçant la constitution d'un tel fichier
Une "victoire pour l'état de droit" s'est réjouie Marion Ogier, avocate de la Ligue des droits de l'homme sur son compte Twitter. L'avocate a expliqué à l'AFP que "depuis plusieurs mois, le gouvernement enchaine les décisions illicites".
L'avocat de l'Adelico et du SAF, Jean-Baptiste Soufron, a salué auprès de l'AFP une décision "extrêmement importante", se réjouissant que "le tribunal administratif ait pu jouer pleinement son rôle de contrôle des décisions du gouvernement".
Un tableur Excel avec nom, prénom et date de naissance
Mis en place lors des manifestations contre la réforme des retraites, ce fichier Excel nommé "Suivi des procédures pénales - mouvement de la réforme des retraites" détaillait les noms, prénoms et dates de naissance des personnes placées en garde à vue et les suites pénales données.
Selon le ministère de la Justice, l'existence de ce fichier était autorisée par le décret encadrant la base Casiopée. Il s'agit d'un logiciel sécurisé où les données des prévenus, victimes ou témoins des procédures judiciaires des dix dernières années sont répertoriées.
À l'audience, l'un des représentants du ministère a expliqué que le tableur en question ne contenait "aucune autre information" que celles autorisées dans cette base et qu'il permettait "le pilotage d'un événement particulier" avec une forte "volumétrie des gardes à vue".
Les avocats dénoncent "un fichage d'opposants politiques"
De leur côté, les associations dénonçaient un fichage de quelques dizaines de personnes compte tenu de la centaine d'interpellations menées à Lille depuis le 17 mars, date de création du fichier. Une mise en place résultant du durcissement de la mobilisation après le recours du 49.3.
Selon Jean-Baptiste Soufron, avec ces informations nominatives, les procureurs "se sont permis d'ajouter une donnée majeure: l'opinion politique" des gardés à vue. "Ce n'est pas autorisé et cela revient à du fichage d'opposants politiques" a-t-il ajouté à l'audience.
Marion Ogier, avocate de la LDH, a appuyé les propos de son confrère. "Si le but est uniquement statistique, pourquoi conserver des données identifiantes, et ne pas se contenter d'un numéro d'enquête", a questionné l'avocate.
La justice réclame que ces données soient également supprimées de "toutes les copies, totales ou partielles" qui auraient pû être faites. Qui plus est, l'Etat est condamné à verser une somme globale de 3000 euros aux requérants.