Zéro commande pour le moment: après le crash du 787 Dreamliner, le Bourget vire au cauchemar pour Boeing

Un Boeing 787-9 Dreamliner de la compagnie American Airlines s'apprête à atterrir à l'aéroport international de Miami le 10 décembre 2021. - JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
"Nous nous concentrons sur le soutien à nos clients, plutôt que des annonces de commandes lors de ce salon." C'est ce qu'a déclaré ce lundi un porte-parole de Boeing en ouverture du Salon international de l'aéronautique et de l'espace (SIAE) du Bourget.
Une déclaration malheureusement dictée par les circonstances pour l'avionneur américain. Car de commandes passées par des compagnies ou des loueurs auprès de Boeing il n'y en pour l'heure aucune. Et les bruits qui circulent sur le SIAE ne présagent rien de bon pour le constructeur. Le décompte pourrait en rester là.
Traditionnellement, le match Boeing/Airbus est le fil rouge du salon. On fait les additions des protocoles d'accords (MoU), et autres commandes fermes pour à la fin désigner le vainqueur. En 2025, le jeu a tourné court et n'a même jamais commencé.
Depuis la semaine dernière et le dramatique accident du Boeing 787 Dreamliner d'Air India, les observateurs se doutaient que le "Paris Air Show" allait tourner au cauchemar pour l'avionneur. Le nouveau patron Kelly Ortberg a d'ailleurs annulé son déplacement au Bourget et ce dès le lendemain de la catastrophe.
"Stephanie (Pope, responsable de l'aviation commerciale) et moi avons annulé nos projets d'assister (au salon) pour rester avec nos équipes et consacrer notre attention à notre client et à l'enquête", a-t-il indiqué dans un communiqué.
Airbus fait profil bas
Côté Airbus en revanche, le millésime est de bonne facture. 100 A321neo avec Vietjet ce mardi, 25 à 50 gros-porteurs A350-1000 pour Riyadh Air, 30 A320neo et 10 cargos A350 avec le loueur AviLease... L'avionneur européen s'est même payé le luxe de convaincre la compagnie polonaise LOT de passer commande du côté de Toulouse, une première après 36 ans de Boeing et d'Embraer.
Pas question de pavoiser pour autant. Airbus ne tient pas à claironner à chacune de ses annonces de commandes ni à se réjouir -même hors-micro- des déboires de son rival.
D'ailleurs en 2024 déjà, alors que Bruno Le Maire, encore ministre de l'Economie, ironisait sur la situation de Boeing, le patron d'Airbus n'avait pas souhaité s'aventurer sur ce terrain.
"L'aviation suscite beaucoup d'attention en matière de sécurité, avait sobrement commenté Guillaume Faury. Ce que je considère, c'est l'humilité, pas la complaisance."
Autrement dit, les enjeux de sécurité concernent l'ensemble du secteur. Et si aujourd'hui c'est encore Boeing qui est dans la tempête, demain ça pourrait être Airbus.
En tout cas, cette année, les vents n'ont jamais été aussi violents pour Boeing. Même en 2019, en pleine crise des 737 MAX, l'avionneur avait pu garnir son carnet de commandes. L'américain avait quitté le Bourget avec 282 commandes et engagements d’achats cette année-là.
"Nous avons été très touchés par le soutien de nos clients en cette période très difficile pour le groupe", déclarait alors Ihssane Mounir en charge des ventes de Boeing.
Le Bourget c'est 40% des commandes depuis 2010
L'avenir de Boeing s'annonce cette fois bien sombre. Déjà lesté par les droits de douane de Donald Trump, le constructeur risque de rentrer le carnet de commandes vide. Une première.
Selon la banque Jefferies, chaque édition a, depuis 2010, donné lieu à des prises de commandes représentant en moyenne 900 avions, chiffre réparti entre les deux groupes. Le point d'orgue avait été atteint en 2023, millésime qui avait constitué un record avec 1.214 appareils.
Les six éditions tenues depuis quinze ans totalisent 5.401 avions commandés, selon les données de la banque. Ce qui représente 40% des commandes totales des deux groupes depuis 2010. La banque tablait avant l'accident du Boeing d'Air India sur plus de 1.000 unités pour cette édition 2025. Il n'en sera rien évidemment, surtout concernant le groupe américain.
Une faible lueur d'espoir cependant. Boeing est un peu moins dépendant du Bourget depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
"Si l'absence de commandes de Boeing était inattendue, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'une surprise majeure compte tenu de la présence réduite de Boeing au salon cette année et de ses récents succès au Moyen-Orient", rappelle Ken Herbert de RBC Capital dans une note ce mardi 17 juin.
Selon l'expert Richard Aboulafia, consultant chez AeroDynamic et expert reconnu du secteur interrogé il y a quelques semaines par Bank of America, les commandes d'avions Boeing devraient continuer à servir d'outil diplomatique pour l'administration Trump.
Lors d'une récente visite au Qatar, le président américain avait lui-même joué le VRP pour l'avionneur en annonçant "la plus importante commande dans l'histoire" pour Boeing avec 210 appareils pour la compagnie Qatar Airways (ferme ou en option). Un engagement qui, il y a deux ans de cela, aura peut-être été annoncé au Bourget.
