Airbus n'en a exporté que 8 en 10 ans: pour faire la promotion du "remarquable" avion A400M, Emmanuel Macron est arrivé au Bourget à son bord

L'avion de transport militaire A400M d'Airbus Defence & Space - BFM TV
Quoi de mieux pour éviter les embouteillages et la cohue des transports en commun que de venir au salon aéronautique du Bourget en avion? Emmanuel Macron est arrivé ce vendredi en avion de transport militaire A400M pour visiter le salon, qui a ouvert ses portes au grand public. Il avait inauguré ce même salon en 2017, peu après sa première élection, en arrivant également avec l'avion d'Airbus Defence & Space.
Ce jeudi 19 juin, l'armée de l'air et de l'espace a prononcé la pleine capacité opérationnelle de l'appareil, c'est-à-dire qu'il est à présent capable de réaliser l'ensemble des missions pour lesquelles il a été conçu. Et elles sont nombreuses.
"Techniquement, l'avion est capable de faire tout ce qu'on lui demande", indique-t-on au sein de l'armée de l'air et de l'espace.
L'A400M est un avion de transport militaire mais pas seulement. Avec ses 42 mètres d'envergure, ses quatre moteurs à hélice contrarotatifs de 11 000 chevaux chacun, sa capacité à emporter jusqu'à 37 tonnes de matériel (40 tonnes dans le futur) et 116 personnes, Grizzly, comme il était surnommé lors des essais, a été conçu comme un avion de transport polyvalent.
"C'est l'avion dont on rêvait déjà dans les années 1990", a déclaré le général Dominique Tardif, major général de l'armée de l'air et de l'espace, lors d'une allocution au salon du Bourget.
Une histoire mouvementée et coûteuse
L'A400M est un avion dont les débuts remontent au milieu des années 1980. La volonté c'est de créer un avion en coopération à plusieurs pays européens: Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Portugal (qui finira par se retirer du programme en 2003), Royaume-Uni et Turquie. Ces pays passent commande en 2003 pour un total de 174 appareils, la France s'engage pour en acquérir 50.
"Je peux le dire en tant qu'industriel, ça a été quand même beaucoup de souffrance, beaucoup de difficultés, c'est une énorme ambition de développer le programme, mais à la fin, ça en valait la peine", se remémore Jean-Brice Dumont, patron de la division avions militaires d'Airbus Defence & Space.
Le programme n'en finit pas d'accumuler les retards de développement et plombe les comptes d'Airbus années après années. D'un coût estimé à 20 milliards d'euros en 2003, le programme passait à plus de 30 milliards en 2019. Selon un décompte effectué par BFM Bourse, Airbus a passé pour environ 3,8 milliards d'euros de charges liées à l'A400M dans ses comptes entre 2017 et 2024.
Un risque industriel
L'enjeu le plus important à l'heure actuelle pour Airbus Defence & Space, c'est l'export. Pour l'heure, seuls le Kazakhstan, l'Indonésie et la Malaisie ont acheté l'A400M, huit avions au total, bien loin des ambitions affichées dans des documents datant de 2014, qui estimaient le marché à 300-400 appareils…
En l'absence de commandes, la chaîne de production aurait dû s'arrêter dès 2027. Mais la France et l'Espagne offrent une respiration supplémentaire au programme: les deux pays ont signé une lettre d'intention pour des commandes supplémentaires, quatre pour la France, qui permettront de maintenir la production à 8 appareils par an jusqu'en 2028.
Ce qui laisse à Airbus Defence & Space un répit supplémentaire pour signer des contrats export. L'industriel vise jusqu'à 30 commandes d'ici 2030. Parmi les pays qui seraient les plus plausibles, la Pologne et les Émirats arabes unis. "Wait and see."
Un avion, plusieurs missions
L'armée de l'air et de l'espace et la première nation à recevoir l'A400M, le premier avion est livré en septembre 2013 sur la base aérienne d'Orléans. Elle "essuie quelques plâtres", mais participe à la validation progressive des capacités de l'avion.
D'abord pour de simples missions logistiques de transport (passagers, hélicoptères, chars…), avant d'explorer les capacités tactiques de l'avion: largage de parachutistes, poser d'assaut, terrains sommaires, transport de blessés… mais aussi, après moults efforts, le fait de ravitailler en vol des hélicoptères, une capacité rare en Europe - et dans le monde.
L'A400M est également déployé pour des missions d'assistance et d'évacuations humanitaires: il a effectué des rotations dans les Caraïbes après le passage de l'ouragan Irma en 2017, évacué des ressortissants français de Kaboul en août 2021, du Soudan en 2023 et a participé à un véritable "pont aérien" entre La Réunion et Mayotte en décembre 2024 et janvier 2025 suite au cyclone Chido.
"L'A400M est un pilier de la capacité de projection de l'armée de l'air et de l'espace", déclarait jeudi le général Tardif, "c'est le triptyque 'Rafale-A330 MRTT-A400M' qui permet de déployer la puissance aérienne partout dans le monde".
Larguer des drones et des missiles
"Cet avion a une capacité d'évolution remarquable", prédit le général Tardif. La pleine capacité opérationnelle atteinte, "on pourrait se dire 'ça y est, le développement est terminé, le boulot est fait', mais en fait, ce n'est que le début", déclare quant à lui Jean-Brice Dumont.
Les capacités de l'A400M vont évoluer prochainement, il sera capable d'effectuer encore plus de missions. En premier lieu, il pourra être opéré par les forces spéciales, avec l'intégration de kits "plug and play" pour des missions de renseignement, de surveillance, de reconnaissance, par exemple. D'autres équipements, comme des antennes de communication, nécessiteront des modifications structurelles, explique-t-on chez Airbus: "ce n'est pas qu'une caméra qu'on doit installer".
"L'avion a un potentiel extraordinaire, certainement sous-employé d'un point de vue capacitaire, on peut faire beaucoup plus", indique le directeur de programme de la Direction générale de l'armement.
Dans le futur, l'A400M pourra aussi être capable de larguer des missiles, des bombes, des drones. Une capacité qui a fait l'objet d'un intérêt accru lors du salon du Bourget, avec des projets en cours d'étude avec MBDA et Safran.
Il pourra aussi servir de centre de commandement et de contrôle, explique le directeur du programme de la Direction générale de l'armement: "il ne remplacera pas l'A330 MRTT ou l'AWACS, mais peut servir de relai de communication."
Un véritable "couteau suisse" pour les opérations militaires, mais aussi un argument marketing remarquable pour les prospects export qui tardent à se concrétiser.