Face à la concurrence, la SNCF tient à garder la maintenance de ses trains

Garder la main sur ses trains et ne rien sous-traiter: la SNCF veut faire un atout de sa maîtrise de la maintenance du matériel, alors que le secteur s'ouvre à la concurrence. "A partir de la livraison des trains, c'est la SNCF seule qui s'occupe de la maintenance, jusqu'à leur démantèlement", résume Christophe Fanichet, le PDG de SNCF Voyageurs (la partie du groupe qui fait rouler les trains).
La direction du matériel qui en a la charge serait une grosse entreprise si elle était indépendante. Avec un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros, elle emploie quelque 8400 personnes.
Dix "technicentres industriels" répartis dans tout le pays s'occupent des opérations lourdes. "Ce sont de vrais usines!", s'exclame le directeur industriel Xavier Ouin. "Ils ressemblent aux chaînes des constructeurs ferroviaires. Sauf qu'au lieu de faire du matériel neuf, on fait de la rénovation."
Le technicentre industriel de Saint-Pierre-des-Corps, près de Tours, est notamment spécialisé dans la rénovation "à mi-vie" des TER et trains de la banlieue parisienne (Transilien): on y désosse complètement des rames qui ont une petite vingtaine d'années pour tout contrôler et changer ce qui est nécessaire, avant de tout remonter en modernisant les équipements et en remettant l'aménagement intérieur au goût du jour.
Après un "temps de traversée" de trois mois, les trains peuvent repartir pour vingt ans, indique le directeur du site Nicolas Mortier. Au coin de la rue, un "cluster" (centre de recherche et développement) surveille à distance 400 trains circulant en Ile-de-France, en analysant les données envoyées en direct par une batterie de capteurs: il peut ainsi détecter à l'avance les petites faiblesses des portes, de la ventilation, des freins ou des batteries, ce qui permet d'anticiper une bonne partie des pannes, et évite de changer des pièces en bon état.
Maintenance prédictive
"On ne couvre pas 100% des pannes avec ça", reconnaît Cyrille Verdun, le patron du "cluster". Mais le nombre de pannes a été divisé par deux, le coût de la maintenance a baissé de 20% et les rames passent moins de temps à l'atelier.
Le but est d'étendre ces techniques de maintenance prédictive à davantage de trains au fur et à mesure de la modernisation de la flotte, à commencer par le "TGV M", la nouvelle génération de trains à grande vitesse attendue en 2024.
"Notre stratégie, c'est de pouvoir être indépendants du constructeur" des trains, souligne Xavier Ouin. "Si nous avons fait le choix de tout faire en interne, c'est parce que nous estimons que ça nous coûte moins cher globalement, et aussi parce que ça nous donne une réactivité, une indépendance, que nous n'aurions pas forcément avec d'autres prestataires."
"La maintenance est stratégique dans la réponse aux appels d'offres" pour l'exploitation des lignes ouvertes à la concurrence, remarque Christophe Fanichet. Car les compagnies retenues devront aligner un matériel aussi performant que possible.
L'idée est aussi de vendre ce savoir-faire, face aux constructeurs ferroviaires -au premier rang desquels Alstom- qui proposent aussi d'entretenir et rénover les trains. Les régions, qui sont propriétaires de leurs TER, pourraient par exemple se tourner vers d'autres prestataires.
La SNCF est actuellement en pleine campagne pour les convaincre de lui confier la rénovation à mi-vie de 931 trains dans les dix prochaines années. Avec un certain succès jusqu'à présent, puisqu'elle a signé pour 1,6 milliard d'euros d'engagements, sur un potentiel estimé à 3 milliards. Jusqu'à présent, aucune région n'est allée voir la concurrence.
Le groupe public a aussi diversifié son offre, proposant par exemple aux régions de rafraîchir des rames pour leur donner l'aspect du neuf, sans avoir à tout réviser. Une opération plus légère, qui permet en particulier d'installer des prises USB. Mais le refus de sous-traiter a des limites: la SNCF a décidé de confier à Alstom la maintenance de son TGV à bas coûts Ouigo en Espagne.