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"De plus en plus efficaces", les attaques de l'Ukraine pourraient finir par porter un coup fatal au pétrole russe

Une raffinerie du géant russe Gazprom près de Moscou, le 28 avril 2022 (photo d'illustration).

Une raffinerie du géant russe Gazprom près de Moscou, le 28 avril 2022 (photo d'illustration). - Natalia KOLESNIKOVA / AFP

L'armée ukrainienne a intensifié ses frappes sur des installations pétrolières russes, faisant baisser la production des raffineries de 10% ces dernières semaines. La répétition des coups pourrait aggraver la situation.

Kiev intensifie depuis début août ses frappes sur les raffineries et les infrastructures pétrolières russes, avec une trentaine d'attaques, la dernière en date lundi 6 octobre, afin d'affaiblir la capacité de Moscou à financer sa guerre. Les attaques de Kiev ont pour le moment été "assez efficaces", le débit de production des raffineries russes ayant "baissé d'environ 10%", explique Homayoun Falakshahi, analyste chez Kpler, citant les dernières estimations disponibles. La production des raffineries a reculé en septembre "d'environ 400.000 barils par jour" par rapport au premier semestre, à environ 4,9 millions de barils, abonde Janiv Shah de Rystad Energy.

Quelles sont les conséquences immédiates ?

Cette baisse a eu des répercussions sur les prix à la pompe: au 1er septembre, l'essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l'agence russe des statistiques, et ce malgré une forte baisse du prix du baril de brut. Face au risque de pénurie, le gouvernement a restreint les exportations de produits pétroliers jusqu'à la fin de l'année, et prolongé l'interdiction sur celles d'essence.

Cette situation pèse sur l'économie, en difficulté, alors que la Russie est le troisième producteur mondial et le deuxième exportateur de brut, derrière l'Arabie saoudite. Les produits pétroliers représentaient plus de 20% des exportations pétrolières russes en volume en 2023. Les revenus du pétrole et du gaz représentaient environ 30% du budget du pays en 2024, soit sa première source de financement, selon l'Oxford Institute for Energy Studies (OIES).

Et à long terme ?

Les revenus pétroliers russes restent pour l'instant affectés avant tout par la baisse des prix mondiaux du brut, avec l'anticipation d'une offre abondante ces prochains mois. Mais la situation de la Russie pourrait empirer car "lorsque les infrastructures sont endommagées, il faut généralement un temps prolongé pour rétablir leur fonctionnement", souligne Janiv Shah, de Rystad Energy.

L'Ukraine est en outre "de plus en plus efficace" dans ses attaques, indique Bjarne Schieldrop, analyste chez SEB. Il juge probable l'arrêt complet des exportations d'essence et de diesel russes, avant un "rationnement domestique". D'autant que récemment, l'émissaire américain pour l'Ukraine, Keith Kellogg, n'a pas exclu des frappes en profondeur de Kiev avec des armes américaines.

La Russie tente de rediriger vers l'exportation une partie de l'or noir prévue pour ses raffineries, mais elle fait face à des problèmes logistiques et à un nombre limité de pays prêts à importer davantage de volume.

"L'évolution de la situation dans les mois à venir dépend de la capacité de l'Ukraine à maintenir le rythme de sa campagne de frappes, voire à intensifier ses attaques", estime de son côté Sergey Vakulenko, chercheur au sein de la fondation Carnegie, dans une note.

Selon ce spécialiste, la répétition des attaques ukrainiennes pourrait finir par porter un coup fatal aux raffineries russes.

Les frappes sont-elles plus efficaces que les sanctions ?

Abaissement du plafond d'acquisition des barils, forte baisse des achats d'or noir russe dans l'Union européenne: jusqu'ici, les sanctions internationales sur le pétrole russe "ne fonctionnent pas", estime Adi Imsirovic, directeur du cabinet Surrey Clean Energy.

L'application tardive de certaines sanctions a en outre laissé le temps à Vladimir Poutine "de mettre en place un système commercial parallèle avec des navires (la flotte fantôme, ndlr), des financements et des clients". Même les droits de douane de 25% - qui s'ajoutent 25% déjà existants - imposés en août par Washington sur de nombreux produits indiens, afin de faire pression sur New Delhi, qui continue d'acheter l'or noir russe, n'ont pas eu les effets escomptés.

En revanche, avec le retrait de Russie des entreprises pétrolières occidentales, l'investissement dans les infrastructures du pays a considérablement baissé, limitant sa capacité à accroître sa production de brut dans les prochaines années. La Russie qui produit "autour de 9,25 millions de barils par jour" actuellement, disposerait d'une "capacité de production maximum de 9,45 mb/j" contre environ 10 mb/j avant la guerre, affirme Homayoun Falakshahi.

P.La. avec AFP