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Poutine l'a "laissé tomber" mais pas l'Europe: sous la pression de Trump, l'UE sanctionne encore la Russie

Le président américain Donald Trump, le chancelier allemand Friedrich Merz (à droite) et le président français Emmanuel Macron lors d'un sommet des dirigeants de l'OTAN à La Haye, aux Pays-Bas, le 25 juin 2025.

Le président américain Donald Trump, le chancelier allemand Friedrich Merz (à droite) et le président français Emmanuel Macron lors d'un sommet des dirigeants de l'OTAN à La Haye, aux Pays-Bas, le 25 juin 2025. - Photo parCHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

Donald Trump conditionne son soutien à l'Ukraine au fait que les pays de l'UE arrêtent d'importer des hydrocarbures russes. En réponse, la Commission propose un nouveau paquet de sanction, prévoyant notamment la fin des importations de gaz naturel liquéfié dès 2027.

Donald Trump a été entendu par Ursula von der Leyen. La Commission européen dévoile un 19ème paquet de sanctions contre la Russie. Bruxelles va ainsi interdire les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe d'ici le 1er janvier 2027, soit un an plus tôt que prévu comme l'a appris Reuters, confirmant des informations de Bloomberg. Il s'agit de la mesure phare de ce paquet de sanctions européennes contre la Russie.

L'une des sources a déclaré que l'interdiction du GNL était devenue une "priorité" après un appel, mardi 16 septembre, entre la présidente de la Commission européenne et le président des États-Unis. L'UE avait proposé de se passer progressivement du GNL russe d'ici le 1er janvier 2028, mais Donald Trump a exhorté le bloc à aller plus vite.

Le nouveau paquet de sanctions européennes devrait également frapper davantage de navires "fantômes" utilisés par Moscou pour contourner les restrictions limitant ses exportations de pétrole, ainsi que les cryptomonnaies, des banques russes et d'Asie centrale, les raffineries chinoises et certaines zones économiques permettant à la Russie d'importer du matériel à double usage pour son armée.

Faute de contraindre Vladimir Poutine à s'asseoir à la table des négociations, le président américain ne cesse de renforcer la pression sur les pays de l'Union européenne, alors que la perspective d'une fin rapide de la guerre en Ukraine s'éloigne.

"Je suis prêt à faire d’autres choses, mais pas quand les gens pour lesquels je me bats achètent du pétrole à la Russie", a-t-il expliqué lors de sa visite au Royaume-Uni, jeudi 18 septembre.

L'UE n'est pas totalement sevrée des hydrocarbures russes, même si elle a nettement réduit ses importations depuis 2022 et l'invasion de l'Ukraine. Elle en restait, en août, le quatrième acheteur (1,2 milliard d'euros). Mais ses importations ne représentent que 8% des revenus énergétiques de la Russie, selon les données du Centre pour la recherche sur l'énergie et l'air pur (CREA).

La Hongrie et la Slovaquie dans le viseur

Dans le détail, les pays de l'UE achètent essentiellement du gaz (61% des achats), qui sert de moyen de chauffage à près d'un tiers des citoyens européens. Deux pays de l'UE se singularisent toutefois: la Hongrie et la Slovaquie. Ces États enclavés d'Europe centrale, dont les gouvernements refusent de tourner le dos à la Russie, ont obtenu une dérogation pour continuer à recevoir du pétrole via un oléoduc.

La Hongrie de Viktor Orban reste, de loin, le premier client européen de la Russie (416 millions d'euros d'achats en août), suivi par la Slovaquie de Robert Fico (276 millions d'euros en août). La France est la troisième destination européenne (157 millions d'euros le mois dernier), mais reçoit uniquement de Russie du gaz naturel liquéfié (GNL). Elle dispose de nombreux terminaux pouvant regazéifier le GNL. Une fois traitée, une partie est exportée, notamment vers l'Allemagne.

"Domination énergétique américaine"

Pour Donald Trump, ces pressions ne sont pas totalement innocentes. "L'objectif de l'UE d'éliminer progressivement les combustibles fossiles russes s'aligne sur la politique de domination énergétique américaine", observe Eamon Drumm, analyste de recherche au German Marshall Fund of the United States, auprès d'Euronews.

Via le récent accord sur les droits de douane, les pays de l'UE se sont engagés à acheter pour 750 milliards de dollars d'énergie américaine. Les importations de GNL américain, ont déjà doublé depuis le début de la guerre, selon des données de la Commission européenne. Plus polluant encore qu'un gaz acheminé par gazoduc, le GNL est particulièrement néfaste pour le climat.

Alors qu'il pensait que ce conflit serait "le plus facile à résoudre en raison de [ses] relations avec le président Poutine", Donald Trump a expliqué que celui-ci l'avait "laissé tomber", lors de sa visite d'État au Royaume-Uni, jeudi 18 septembre. Dès lors, selon lui, ses chances de parvenir à un cessez-le-feu s'amenuisent.

Il a notamment appelé l'Union européenne à imposer des droit de douane de 100% à la Chine et à l'Inde, les deux principaux clients de la Russie. Cela perturbe les négociations en cours entre New Delhi et Bruxelles à propos d'un accord commercial. "Trump pose des conditions qui, sachant que c'est impossible, serviront ensuite de prétexte pour nous dire qu'il ne peut rien faire. En d'autres termes, c'est un jeu pour éviter toute responsabilité", observe un diplomate européen dans Politico.

Pierre Lann