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DS9 225 E-Tense, le retour de la grande berline de luxe à la française

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DS renoue avec la tradition des grandes berlines françaises de luxe avec la DS9, l’une des plus ambitieuses créations en la matière de ces quinze dernières années. Au menu, technologie et bon goût maison… et un petit coup de pouce en provenance de Chine!

Si la marque DS était à l’origine un véritable laboratoire de la galaxie PSA en matière de luxe et de technologies, l’heure de la maturité est arrivée. Désormais riche d’une gamme qui commence à devenir assez conséquente, du petit SUV urbain DS3 Crossback au gros SUV de luxe DS7, en passant par une nouvelle compacte DS4, la marque, semble avoir ENFIN quitté aux yeux du public l’image d’un simple label haut de gamme Citroën. Elle s’est tranquillement installée dans le paysage automobile français, avec une identité propre et reconnue, et des succès commerciaux assez impressionnants à la clé.

La DS9 vient s'installer tout en haut de la gamme DS.
La DS9 vient s'installer tout en haut de la gamme DS. © AL

Avec 22.000 ventes sur l’année passée, dans un marché pour le moins difficile, l’entité - qui n’avait à l’origine aucun objectif officiel de vente précis - peut cependant commencer à nourrir de sérieuses ambitions, au vu notamment du succès du DS7 Crossback (plus de la moitié des ventes) et de la petite DS3 Crossback. Mais si la marque s’est vraiment concentrée sur les SUV pour forger son essor de ces dernières années, il manquait à la gamme un modèle emblématique attaché au nom de DS, une grande berline statutaire, qui relie la marque à son patrimoine historique.

Porte drapeau tricolore… Made In China

Et l’aspect le plus baroque concernant ce modèle, c’est que cet emblème du haut de gamme à la française n’est pas fabriqué en France, contrairement aux DS3 et 7 (construits respectivement à Poissy et Mulhouse). La DS9 est construite à Shenzhen, en Chine, dans l’usine du partenaire local de Stellantis, le chinois Baoneng.

Après la fin de la co-entreprise de PSA et son précédent allié Changan, c’est donc Baoneng qui produit cette prestigieuse berline. La raison en est simple: elles sont fabriquées là où elles sont destinées à être le plus vendues. Car la Chine garde un vrai appétit pour les grandes berlines de luxe. Le pays se trouve surtout au milieu d’une profonde refonte de la stratégie de Stellantis dans le pays, La DS9 semble y avoir toutes ses chances et taper dans le mille des tendances qui marchent.

La DS9 se classe dans la catégorie des grandes berlines, avec une longueur de 4,93 mètres. De quoi assurer de la place à l'arrière.
La DS9 se classe dans la catégorie des grandes berlines, avec une longueur de 4,93 mètres. De quoi assurer de la place à l'arrière. © AL

En revanche, le marché européen étant trusté par les SUV (plus de 40% de parts de marché), DS sait que sa grande 9 n’a que peu de chance de percer. Mais cela n’est pas une raison pour l’exclure de la gamme européenne. Elle pourrait y constituer un modèle porte-drapeau emblématique, même si ses ventes risquent de rester confidentielles, voire de pâtir de sa fabrication hors de France et d'Europe.

Le point fort: le retour de la berline statutaire

Quand on parle de grande berline, la DS9 n’usurpe pas son statut. A 4,93 mètres, c’est même la plus longue berline qu’un constructeur français ait jamais construite. Il faut remonter à la Citroën C6 pour retrouver une longueur approchante, voiture qui a sans doute signé, avant la DS9, la dernière tentative en matière de grand modèle français de prestige.

Ceux qui au premier abord ne voient dans la DS9 qu’une simple Peugeot 508 "tunée grand luxe" (elles sont effectivement conçues toutes les deux sur la même plate-forme) en seront pour leur frais. Cette DS9 est une véritable auto originale et de grande classe, dotée en outre d’une malle de coffre immense de 510 litres de volume.

DS9
DS9 © AL

Et si la DS9 est longue, elle est aussi convenablement haute sur pattes. A un peu plus d’1,4 mètre, on n’a nullement l’impression de devoir se baisser pour s’allonger dedans comme dans les berlines à l’ancienne.

Sa ligne superbe, fluide, intègre la calandre "signature" de DS, qui reprend les formes générales de celle du DS7 Crossback, un profil élégant et classique rappelant un peu effectivement la Peugeot 508, et un arrière original, d’une très grande classe (l’angle sans doute le plus impressionnant visuellement), rappelant (et en positif) les poupes des coupés Mercedes CLA et CLS… tout en intégrant bien évidemment les codes visuels DS, et notamment des feux incrustés des fameuses "mailles de filet" de la marque.

Raffinement et détails historiques

Et outre les codes propres à DS, on peut remarquer, finement et subtilement intégrés à cette très belle carrosserie, quelques détails qui vont directement chercher l’héritage de "LA" Citroën DS originelle. Une flèche chromée sur le capot rappelant celle de la DS20, des répétiteurs de clignotants de part et d’autre de la lunette arrière et les fameux phares orientables qui "suivent" la route avec vos mouvements de volant. Les nostalgiques de la Citroën DS y seront sensibles.

Notre modèle d'essai était une version hybride rechargeable.
Notre modèle d'essai était une version hybride rechargeable. © AL

L’intérieur de la DS9 reprend également l’essentiel du mobilier habituel de la marque, surtout dans cette finition Rivoli/Opera essayée ici. Cuir rubis avec le fameux motif "bracelet de montre", alcantara, plastiques laqués de qualité, coutures avec le "point perle" cher à DS, la petite montre BRM escamotable et le large écran d’infotainment… on est complètement dans l’univers de la marque et indiscutablement dans un univers de luxe et de confort très ambitieux.

Là-dessus, aucune discussion possible, on est dans une DS qui fleure le bon goût et le raffinement à la Française. L’agencement intérieur reprend lui aussi l’essentiel du DS7 Crossback, intégrant une planche de bord complète et séduisante, et des sièges à l’assise moelleuse et confortables, avec même une fonction massage.

Incroyable confort

Quant aux places arrières, elles ont donné au rédacteur de cet article, pour la toute première fois, l’envie d’en profiter davantage que des places avant. Inclinées en arrière, dotées d’un espace aux jambes conséquent, elles donnent envie de se laisser conduire, en lisant le journal ou simplement en se détendant… Mention spéciale aux ingénieurs qui ont conçu les appuie-tête arrières, qui de toute évidence sont des amateurs de sieste. Leur ergonomie parfaite permet de soutenir la tête et garantir le meilleur des sommeils.

De quoi tranquillement profiter de tous les éléments de conforts intérieur, notamment une audio Focal de très grande qualité. Ne manquerait presque que des petites tablettes escamotables à l’arrière des sièges de premier rang pour poser un ordinateur portable… Et pourquoi pas en bois précieux?

Notre modèle d'essai n'offre cependant que 38 kilomètres en tout électrique.
Notre modèle d'essai n'offre cependant que 38 kilomètres en tout électrique. © AL

Une fois au volant, là aussi on sent un comportement très inspiré des DS d’antan. Point de suspension hydro-pneumatique pour autant, mais un amortissement très moelleux, qui vous isole parfaitement des imperfections de la route, le tout dans un silence de fonctionnement absolument remarquable.

Eh oui, car pour ce modèle haut de gamme, DS est bien entendu allé piocher dans ce qu’il a de mieux dans son stock de moteurs maison. Place à l’hybride rechargeable, qui lui garantit une puissance cumulée de 225 chevaux, largement convenable pour tracter cette auto d’1,8 tonne. Ici pas de sport ni de chasse à la performance, le 0 à 100km/h est exécuté en 8,3 secondes, avec certes le dynamisme de l’électrique qui enrichit les accélérations, mais surtout beaucoup de douceur. La DS9 est vraiment la voiture rêvée pour rouler tranquillement en ville en mode électrique et prendre la route en vitesse de croisière rapide, le tout dans un calme olympien et un niveau de confort redoutable.

Le point noir: une mécanique peu expressive

Mais sur cette formidable nouvelle berline haut de gamme à la Française, il manque cruellement d’un ingrédient. L’agrément mécanique… Le 1,6 turbo 180 chevaux de cette chaîne de traction hybride rechargeable PSA, s’il fait le job sans souci, n’est guère expressif. Entre doux ronron à bas régime lorsqu’il sert de générateur à la batterie, aux montées en régime pas très mélodieuses quand on passe en mode Sport, clairement la musique n’est pas là.

Pas très gênant lorsqu’il s’agit d’un gros SUV comme le DS7 Crossback, un peu frustrant quand on est dans une berline luxueuse, porte-drapeau de la gamme. En tout cas bien loin des envolées lyriques de la concurrence allemande à tarif équivalent. Dans le même temps, la DS originelle ou la très présidentielle CX était-elle des modèles de rage mécanique, bien que cette dernière dispose d'une version GTI Turbo? Le durcissement des normes antipollution pourrait bien mettre tout le monde d'accord, en forçant les conducteurs à s’habituer à ce genre de motorisations. Carlos Tavares a d'ailleurs annoncé le passage de la marque DS au 100% électrique dès 2024.

DS a soigné l'habitacle de la grande berline.
DS a soigné l'habitacle de la grande berline. © AL

En réalité, on se met à apprécier véritablement cette DS9 en mode 100% électrique, où elle n’a jamais semblé aussi à l’aise, accentuant l’impression de dynamisme silencieux qui lui va à ravir. Là, la DS9 225 ETense peut compter sur un moteur électrique unique greffé à la boite de vitesse EAT8, d’une puissance de 80kW, alimenté par une batterie d’une capacité de 11,8kWh.

Mais là encore, on reste un peu frustré par l’autonomie limitée de cette chaîne de traction, déjà déplorée sur le DS7 Crossback E-Tense. 38 kilomètres compteur à pleine charge, et quelques kilomètres de plus (42 tout au mieux, vérifiés par votre serviteur) en éco-conduite pointilleuse. Mais pas plus. En tout cas loin des chiffres de 48/50 kilomètres revendiqués en norme WLTP, déjà pas très élevés par rapport à la concurrence.

La fonction "e-charge" permet d’améliorer un peu l’efficacité électrique, et de se servir davantage du moteur pour recharger la batterie, mais cela se paye en termes de consommations d’essence (un litre supplémentaire aux 100 kilomètres). Pour ce qui est des chiffres d’ailleurs, ils sont corrects, avec une consommation de 5 litres aux 100 kilomètres en mode hybride batterie rechargée, et 8-9 litres batterie vide. Cette dernière demande 2 heures pour être rechargée à 100% avec un câble type 2, et un peu plus de 6 heures sur secteur 220v (chiffres constatés pendant l’essai).

A quel prix? Une véritable icône au tarif intéressant

La DS5 était devenue la voiture présidentielle du quinquennat de François Holande. Emmanuel Macron avait marqué les esprits en 2017 lors de son premier défilé du 14 juillet, en devenant le premier Président de la République à rouler en SUV comme véhicule officiel (un DS7 Crossback).

Alors, pourrait-il être séduit par ce superbe porte-étendard du luxe à la Française? La DS9 a-t-elle une chance de servir de monture aux ministres et hauts fonctionnaires d’état? Difficile à dire, tant les considérations politiques risquent de proscrire cette magnifique création française… Made In China.

Notre modèle d'essai est commercialisée à 65.000 euros.
Notre modèle d'essai est commercialisée à 65.000 euros. © AL

Pour autant, la qualité de fabrication intérieure, extérieure et technique ne diffère pas d’un point des créations de DS fabriquées en France. Là-dessus, DS remporte un pari assez incroyable: oui, on peut fabriquer une voiture de luxe typiquement française en Chine, à qualité totalement égale.

Le résultat, c’est une voiture de très grande classe, pour un coup relativement peu élevé (65.000 euros pour la version essayée) si l'on compare avec la concurrence allemande. En soi la performance mérite d’être soulignée. Et si la classe politique française s’en détourne, elle fera le bonheur des PDG, flottes d’entreprises ou clients particuliers traditionnels d’un segment trop longtemps disparu, que la DS9 est en train de ressusciter avec bonheur. Une très brillante réussite.

Antoine Larigaudrie