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TOUT COMPRENDRE - Strasbourg: le camp de la place de l'Étoile, six mois de tensions entre la ville et l'État

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Le campement de migrants, installé depuis plus de six mois sur la place de l'Étoile à Strasbourg, a été évacué ce mardi matin.

Plus de six mois après son installation sur la place de l'Étoile à Strasbourg, à quelques mètres de l'hôtel de ville, le campement de migrants a été évacué ce mardi matin. Les forces de l'ordre se sont déployées autour des lieux avec des cars pour prendre en charge les personnes présentes

• D'une quarantaine de migrants à 200 personnes

Le camp s'est formé au mois de mai dans le parc de l'Étoile, réunissant d'abord une quarantaine de personnes. Il s'agissait essentiellement de familles originaires de pays d'Europe de l'Est (Géorgie, Macédoine ou encore Albanie), sans abri, demandant l'asile en France.

Ces migrants, installés sous des tentes, se sont fait de plus en plus nombreux au fil des semaines atteignant jusqu'à 200 personnes, selon les associations qui sont intervenues sur place.

• Des rats et des souris

Ces familles ont rapidement dénoncé l'état du campement avec la présence de rats et de souris. "On ne peut pas se doucher, on ne peut pas faire bien à manger, on ne peut pas dormir bien, c'est difficile", témoignait Sagb, une mère de famille, originaire de Macédoine, au micro de BFM Alsace en juillet dernier.

Seules les toilettes de la gare routière, situées à 200 mètres, leurs étaient accessibles ainsi qu'un point d'eau. La Ville de Strasbourg s'était expliqué, soulignant faire le relais des besoins de ces migrants auprès des services concernés.

"On a fait des orientations, on a appelé le 115 pour des familles. On a fait tout le travail nécessaire pour que les familles soient prises en charge", avait indiqué, en juillet à BFM Alsace, l'adjointe au maire en charge de la ville inclusive, Floriane Varieras.

Elle rappelait alors que l'hébergement de ces réfugiés ne faisait pas partie des compétences de la municipalité et relève de l'Etat.

• Une brève évacuation pour le 14-Juillet

Au lendemain d'une manifestation sur place en présence d'associations, le 11 juillet, la ville annonce la mise à disposition d'un gymnase pour accueillir les migrants installés dans le campement. En cause: les festivités du 14-Juillet qui se tiennent habituellement autour de la place de l'Étoile avec le tir de feux d'artifice.

La ville avait déposé un recours en référé devant le tribunal administratif pour obtenir l'expulsion des occupants du campement. Avant même la réponse du juge des référés, la municipalité avait pris en charge les migrants vers un gymnase. Quelques heures plus tard, le juge avait rejeté le référé, mais les occupants avaient déjà été transférés.

Le gymnase Branly, dans le quartier du Contades, avait ainsi été réquisitionné pour accueillir les familles et leur mettre à disposition des lits, des sanitaires et des repas. La solution s'était avérée très provisoire puisque d'autres lieux d'hébergement leur ont été proposés sous la coordination des services de la préfecture.

• Un rapide retour des tentes

Dès la fin juillet, les tentes ont fait leur retour sur la place de l'Étoile à Strasbourg avec d'abord une dizaine de personnes, en lien avec des associations d'aide aux migrants qui dénonçaient l'absence de solution pérenne proposée.

À nouveau, les conditions de vie ont été pointées du doigt notamment par la Croix-Rouge du Bas-Rhin qui s'est rendue sur place à la fin août. Dans un communiqué, elle a souligné "une situation très dégradée du point de vue de l'hygiène comme sur le plan sanitaire, avec la présence de nombreux enfants qui évoluent au milieu des rats".

• Passe d'armes entre la ville et l'État

Dans le même temps, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, a pointé du doigt la responsabilité de l'Etat pour la situation de ces migrants. "Nous ce qu'on attend maintenant ce ne sont pas des comptages, ce ne sont pas des expulsions, c'est une mise à l'abri digne et humaine de ces familles", avait-elle expliqué sur le plateau de BFM Alsace.

La maire de Strasbourg avait alors appelé l'État à "proposer des solutions pérennes" pour les migrants de la place de l'Étoile. La solution du gymnase n'étant que provisoire, la ville ne peut pas se "substituer complètement à l'État", insistait-elle.

Cette mise en cause a provoqué une passe d'armes avec la préfète du Bas-Rhin qui, dans un communiqué, a demandé à la maire de "prendre les dispositions nécessaires" devant le tribunal administratif pour qu'une opération de mise à l'abri puisse être réalisée "en toute sécurité juridique".

À la mi-septembre, la Ville a, à nouveau, ouvert le gymnase Branly pour mettre à l'abri les migrants. Une décision contestée par la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, pour qui "l'État ne peut pas évacuer un camp sans une décision de justice".

Elle regrette aussi que la ville n'ait pas pris en mesure, au mois de juillet au titre de son pouvoir de "police administrative", pour éviter que les migrants ne se réinstallent sur la place.

• Le tribunal administratif ordonne l'évacuation

Face à l'absence d'avancée dans ce dossier, alors que les températures sont désormais négatives, la préfète du Bas-Rhin a saisi le tribunal administratif à la fin du mois de novembre. Il s'agissait de contraindre la ville à demander l'évacuation du campement. Dans sa demande, la préfète a souligné que la présence de ces migrants relève d'un "trouble à l'ordre public".

Vendredi dernier, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné à la maire d'évacuer le campement. "Compte tenu du fait que la carence de la maire de Strasbourg porte une atteinte grave à la dignité humaine, le juge des référés lui enjoint de faire évacuer le campement dans le délai de trois jours", a écrit le tribunal dans un communiqué.

Face à cette décision, Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, a annoncé sa décision d'attaquer l'Etat en justice pour sa "défaillance" à mettre à l'abri les personnes à la rue, lançant un appel national aux "élus" et "associations" qui le souhaitent à rallier son action.

Le même jour, elle a finalement pris les dispositions, en saisissant la préfecture pour demander le concours des services de l'Etat, pour permettre l'évacuation des lieux ce mardi matin.

Amaury Tremblay