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Sciences Po Strasbourg: le vote sur le partenariat avec une université israélienne entravé par des étudiants

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Une contre-motion permettant de dégeler les échanges d'élèves des deux établissements devait être étudiée mardi 3 décembre, mais le scrutin a finalement été ajourné.

Le dernier conseil d'administration de Sciences Po Strasbourg a pris une tournure inattendue. La réunion du mardi 3 décembre prévoyait, entre autres, de soumettre aux élus une contre-motion visant à annuler la suspension du partenariat entre l'institut d'études politiques (IEP) alsacien et l'université Reichman, basée non loin de Tel Aviv, en Israël.

En juin, l'accord permettant les échanges universitaires entre les deux établissements a été gelé à l'issue d'une délibération souhaitée par le syndicat Solidarit'Étudiante, en raison "des positions très problématiques (de l'université Reichman, NDLR) concernant ce qu'il se passe à Gaza".

Demandé par la direction de l'IEP, le nouveau vote n'a finalement pas eu lieu. Alors que les élus du CA abordaient le deuxième sujet à l'ordre du jour, des étudiants ont fait irruption dans la salle.

Des pressions et des menaces

Vincent Dubois, professeur à Sciences Po Strasbourg, était dans la pièce. Ce mercredi, il a raconté la scène sur le plateau de BFM Alsace. "Une cinquantaine d'étudiants de Sciences Po, considérant qu'il s'agissait là d'une pratique non démocratique, puisqu'une chose votée n'a pas à être défaite par un autre vote, a choisi d'intervenir et d'empêcher la tenue de ce conseil d'administration, demandant le retrait du vote de cette contre-motion, ce qu'ils n'ont pas obtenu. [...] Après une brève discussion, ils se sont retirés", explique-t-il.

Selon nos informations, les élèves de Sciences Po mobilisés appartiennent à un collectif de soutien à la Palestine. Ils reprochent au directeur de Sciences Po, Jean-Philippe Heurtin, de céder à la pression des médias et des réseaux sociaux sur la question du partenariat et lui en veulent de ne pas les avoir soutenus.

S'il n'est pas membre de ce collectif, Simon Levan, élu Solidarit'Étudiante au CA, fustige les "menaces et les pressions qu'ont subies les élus".

"Certains professeurs ont reçu plus de 400 mails les appelant à revenir sur cette décision, en menaçant d'en appeler à leurs réseaux pour boycotter les stages des étudiants de Sciences Po Strasbourg ou des donations aux bourses des donateurs", relate-t-il sur BFM Alsace.

La constitution du conseil d'administration en question

Dans un communiqué publié dans la soirée de mardi, le patron de Sciences Po Strasbourg a dénoncé un conseil d'administration "perturbé" et fustigé une "atteinte à la démocratie universitaire".

Simon Levan reconnaît avoir été "très surpris" par l'irruption des étudiants dans la pièce. Son syndicat et lui avaient "prévu d'appeler à une non-participation au vote parce qu'on trouve cette motion nulle et non avenue. C'est-à-dire qu'elle ne devrait pas apparaître à l'ordre du jour".

L'intéressé défend néanmoins l'initiative de ses compères étudiants. "S'ils sont intervenus, c'est qu'il y a un problème quelque part. C'est qu'ils se sentent légitimes à le faire et qu'ils considèrent que le re-vote sur le même sujet, lui, n'est pas légitime. Surtout quand on sait que dans le conseil d'administration, par exemple, il y a plus d'invités extérieurs, qui ont réagi publiquement à la première motion de juin qui sont présents que de représentants étudiants", argumente-t-il, bien que leur présence soit prévue dans les statuts.

Et Vincent Dubois d'appuyer le propos de l'étudiant: "Il n'y a pas d'élément nouveau qui serait de nature à invalider la pertinence du vote qui a eu lieu en juin contrairement à ce qui a été promu par la direction".

"Un instrument du soft power" israélien

En juin, aussi bien Simon Levan que Vincent Dubois avaient voté en faveur de la suspension du partenariat entre Sciences Po Strasbourg et l'université Reichman.

"Il ne s'agissait pas d'une position générale visant à boycotter une université israélienne du seul fait que c'était une université israélienne", insiste le professeur à notre micro.

Et d'ajouter: "Il se trouve que c'est la seule université israélienne avec laquelle nous avons un partenariat et que la raison pour laquelle ce partenariat nous paraissait problématique tient aux positionnements et aux modes de fonctionnement de cette université."

Cet établissement, assure l'élu au conseil d'administration, apporte "au moins un soutien indirect à la guerre en cours" et joue le rôle d'"un instrument du soft-power gouvernemental israélien". La contre-motion sera de nouveau soumise au vote le 18 décembre prochain. Il a été acté qu'elle se déroulera en visioconférence.

Léo Fleurence avec Florian Bouhot