"À nous de faire passer le volet de la mémoire": ces passionnés participent à des reconstitutions du D-Day en Normandie

Antoine Ballon-Dervault, reconstituteur passionné par la Seconde Guerre mondiale, sera l'un des privilégiés à rejouer le Débarquement à Utah Beach, le 6 juin 2024 au petit matin. - BFMTV.com
En parallèle des nombreuses cérémonies de commémoration qui se déroulent pour le 80e anniversaire du Débarquement, des passionnés de reconstitution historique vont remonter le temps et se mettre à l'heure de la Libération.
A l'occasion du 80e anniversaire du Débarquement, de nombreuses reconstitutions de l'époque sont organisées grâce à des bénévoles obnubilés par l'idée de partager leur passion pour l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Des amoureux de l'histoire... parfois très jeunes
Âgé de seulement 19 ans, Antoine Ballon fait partie de ces amoureux de l'histoire locale racontée par ce prisme de la bataille de Normandie. Auprès de BFMTV.com, le jeune homme explique sa vocation guidée par le désir de faire vivre l'histoire de la Libération de la France, entamée en métropole le 6 juin 1944.
Étudiant en BTS Tourisme, Antoine travaille en alternance à la brasserie de Sainte-Mère-Eglise, l'un des lieux emblématiques de l'opération Overlord, et ambitionne de devenir guide touristique sur les plages du Débarquement.
C'est d'ailleurs sur la plage de Utah, à Sainte-Marie-du-Mont, qu'Antoine va vivre un moment "incroyable" et à coup sûr, inoubliable. À l'aube du jeudi 6 juin, à 6h30 du matin, il fera partie des 200 personnes choisies pour reconstituer le Débarquement grandeur nature. "Un événement encore un peu confidentiel", dit-il, mais qui saura impressionner les spectateurs sur place.
"De faire ça 80 ans jour pour, heure pour heure même, après l'arrivée des soldats américains, c'est quelque chose d'énorme", se réjouit Antoine.
Pour ce jeune adulte qui se passionne pour les reconstitutions historiques "depuis l'âge de 12 ans", cette semaine de commémorations du 80e D-Day représente un avènement après d'innombrables jours de préparation.
"Depuis des semaines, c'est donc beaucoup de messages, beaucoup d'appels, de lecture, de questions aux autres reconstituteurs pour préparer son équipement et être le plus fidèle possible à comment les soldats de l'époque étaient équipés", relate Antoine Ballon.
Se documenter pour coller à la réalité
Il dit aussi se baser sur les centaines d'"heures de vidéos d'archive" ainsi que sur les films racontant le Débarquement pour voir "comment ils plaçaient leur équipement et tous les autres détails", toujours dans l'idée de reproduire au mieux les faits et gestes des soldats de l'époque. Un travail qu'il effectue au domicile familial de ses parents, là encore étroitement lié à l'histoire de la bataille de Normandie.

Comme il aime le répéter, "les planètes se sont alignées" entre l'activité de ses parents et sa passion qui ont relocalisé leur activité de gîte de la Bourgogne à la Normandie.
Depuis un peu plus de deux ans désormais, la famille a donc pris ses quartiers à la Minoterie de Bernaville, une ancienne maçonnerie auparavant utilisée par l'armée allemande comme un QG de guerre, dans le village de Picauville.
Les véhicules d'époque, rouage essentiel de l'immersion
A moins de dix kilomètres de là, dans la petite commune de Sainte-Mère-Eglise, un véritable branle-bas de combat opère depuis la fin du mois de mai. Rendue célèbre pour son clocher, auquel s'est accroché un parachutiste américain dans la nuit du 6 juin 1944, la ville accueille cette année encore le camp Géronimo, l'un des hauts lieux de reconstitution historique du D-Day.
Parmi plus de 200 reconstituteurs présents dans le camp du samedi 1er au dimanche 9 juin, Ronan et Ludivine Martin, respectivement 30 et de 27 ans, originaires d'une petite ville près de Saint-Brieuc (Côtes d'Armor), seront eux "en statique" à Sainte-Mère-Église, aux abords du musée Airborne.
Le couple est passionné de mécanique en tous genres, et notamment d'engins de guerre utilisés lors de la Seconde Guerre mondiale. Pendant les commémorations du D-Day, Ronan, agent immobilier dans son quotidien mais aussi vice-président d'une association de reconstitution, va revêtir le costume d'un soldat américain spécialisé dans la réparation de véhicules.

"À trois propriétaires, on emmène quasiment une dizaine de véhicules. Ma femme et moi emmennons un Brockway poseur de ponts, un véhicule de 18 tonnes et de dix mètres de long assez rare en France. Avec ça on a aussi un Diamond T968 de 11 tonnes, deux véhicules semi-chenillés comme ceux que l'on voit dans la 7e compagnie, ou encore une automitrailleuse et un char", énumère, enjoué, Ronan Martin.
Une passion en famille
Féru de remise en état de véhicules anciens, Ronan a vu cet attrait naître auprès de son entourage familial lors de sa jeunesse.
"Quand j'avais 11 ans, j'avais un de mes oncles qui restaurait des véhicules anciens, notamment une traction d'avant-guerre. J'ai commencé à l'aider à restaurer les pièces du véhicule. Puis il a eu une Jeep, et là je lui ai dit 'Un jour, c'est ça que j'aurai'", raconte le trentenaire.
Une passion née sur le terrain et aussi liée à une filiation: son grand-père était dans l'armée française et a participé à la Résistance. "Petit, je voyais pas mal de photos avec mon grand-père en tenue dans une Jeep, c'est aussi ça qui a été l'élément déclencheur", ajoute-t-il.
Sa femme, Ludivine, a de son côté embarqué dans le hobby de Ronan après leur rencontre. Petit à petit, "nos amis se sont aussi mis à faire de la reconstitution, donc elle a ensuite acheté une tenue et nous a rejoint sur les camps". Infirmière de métier, "passionnée par tout ce qui est médical", Ludivine entend rester dans un esprit de partage afin de rendre hommage aux rôles cruciaux des femmes pendant la Libération.

"Les femmes de l'époque étaient vraiment belles avec leur tenue d'infirmière, nous aujourd'hui c'est plus du tout le cas, s'esclaffe la jeune femme. Elles avaient une carrure extraordinaire tout en voyant des choses dramatiques, atroces, qu'on ne voit plus ici en France".
Une passion commune qui s'est même concrétisée lors de leur mariage, en 2023, qui s'est effectué… sur le thème de la Seconde Guerre mondiale, évidemment.
Depuis lors, le couple n'a qu'un seul objectif en tête: le 80e D-Day. "Nous avons même repoussé notre lune de miel à plus tard", explique Ronan Martin.
"C'est du vivant"
Celui qui explique avoir passé des milliers d'heures à préparer ses engins et son accoutrement a d'ailleurs déjà pris la route pour le camp Géronimo, où la préparation du camp a débuté depuis la fin du mois de mai, non sans excitation.
"C'est du vivant. Les musées c'est très bien, mais quand vous entendez un véhicule tourner, ce que l'on n'entend rarement voire jamais dans un musée, c'est autre chose car ça permet d'entendre l'un de sons de ce qu'ils ont vécu", partage Ronan Martin.
Le vécu, c'est justement ce que souhaite faire vivre Ronan au grand public, au travers de la reconstitution. "Il faut pas oublier que ces gars-là sont venus d'un autre pays pour nous libérer du nazisme. Quand on voit tous ces jeunes qui ont donné leur vie pour qu'on soit libre aujourd'hui… Je le fais pour ça, pour ne pas qu'on les oublie, car le jour où il n'y aura plus de vétérans, ce sera à nous de faire passer le volet de la mémoire", estime le reconstituteur.
Un sentiment hautement partagé par Antoine Ballon, qui met l'accent sur le plaisir mais aussi sur la transmission.
"Je pense qu'il y a aussi une grande part de partage. Ce n'est pas juste quelque chose qu'on fait pour nous-mêmes sinon on ne saurait pas comment ce serait. C'est autant de transmission envers le public parce que tu vas être amené à voir, à rencontrer beaucoup de gens", nous dit le jeune normand.
Les rencontres ne devraient en effet pas manquer: des dizaines de milliers de touristes sont attendus lors des commémorations du 80e D-Day. "Tous les hôtels sont déjà pleins à 80 kilomètres à la ronde", expliquait déjà Yann France, président de l'UMIH du Calvados (Union des métiers et de l'industrie de l'hôtellerie), le 14 mars dernier auprès de BFM Business.
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