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Effondrements de la rue d'Aubagne: tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui débute ce jeudi

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Un procès symbolique de l'habitat insalubre s'ouvre à Marseille ce jeudi 7 novembre, celui de l'effondrement d'immeubles de la rue d'Aubagne, en 2018. Alors que 87 parties civiles se sont constituées, 16 prévenus seront sur le banc des accusés.

Un procès hors norme pendant six semaines à Marseille. Ce jeudi 7 novembre, s'ouvre le procès des effondrements de la rue d'Aubagne, qui ont eu lieu en novembre 2018 dans la cité phocéenne. De nombreux prévenus seront représentés pour ce moment symbolique dans la lutte contre le logement indigne dans la cité phocéenne.

· Un effondrement, huit personnes mortes

Vers 9 heures, le 5 novembre 2018, les immeubles 63 et 65 de la rue d'Aubagne, située dans le quartier de Noailles se sont effondrés à quelques secondes de distance, entraînant dans leur chute l'immeuble voisin du 67.

Si les numéros 63 et 67 étaient des immeubles délabrés et vides, le 65 était une copropriété. Huit personnes sont mortes dans ce drame, présentes au premier, deuxième, troisième ou encore cinquième étage de ce dernier bâtiment.

Ouloume, une mère de famille comorienne, Cherif et Taher, qui avaient passé la nuit chez un ami, Julien, qui venait de fêter ses 30 ans, mais aussi Simona, une étudiante italienne, et son ami Sénégalais Pape Magatte ou encore Fabien alias "Fausto", un ancien du quartier, et Marie-Emmanuelle, une artiste-verrière.

Huit morts mais aussi des centaines de personnes touchées. Les journées qui ont suivi le 5 novembre 2018 ont vu l'évacuation de 187 familles qui logeaient dans 18 bâtiments aux alentours.

· Qui sont les 16 accusés?

Tous les maillons de la chaîne du logement vont être représentés sur le banc des prévenus de ce procès: une dizaine de copropriétaires mais aussi un syndic, bailleur social ou un ex-adjoint au maire de Marseille.

En tout, seize personnes sont accusées, renvoyées pour différents chefs. Les deux plus graves sont: l'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité, infraction punie de cinq ans de prison maximum; la soumission de plusieurs personnes vulnérables dont au moins un mineur à des conditions d'hébergement indigne, un délit puni de 10 ans d'emprisonnement.

Julien Ruas est notamment poursuivi pour homicide involontaire. Il était adjoint en charge de la prévention et de la gestion des risques en 2018, quand la mairie était pilotée par Jean-Claude Gaudin.

Il aura à ses côtés sur le banc Richard Carta, l'architecte désigné comme expert par le tribunal administratif de Marseille. Ce dernier avait inspecté l'immeuble du n°65, où vivaient les victimes, trois semaines avant le drame, sans interroger aucun habitant.

Les responsabilités du cabinet Liautard, le syndic de copropriété chargé de cet immeuble, et de Marseille Habitat, société d'économie mixte de la municipalité et propriétaire de l'immeuble vide et délabré installé au numéro 63, seront aussi examinées.

· 87 parties civiles qui attendent des réponses

Face aux 16 accusés, 87 parties civiles suivront les débats avec attention attendant des réponses sur les causes de l'effondrement. Plusieurs se sont réunies mardi 5 novembre, six ans après le drame, pour rendre hommage aux victimes.

"Nous attendons ce procès avec plein d'espoir. Nous savons que ce ne sera pas simple mais nous sommes très confiants dans la justice" afin qu'à "l'avenir, il n'y ait plus jamais" un tel drame du logement indigne, a réagi Maria Carpignano, mère de Simona, une des victimes.

"On a créé un lien avec toutes les familles des victimes, c'est ce qui va nous permettre de tenir", ajoute la cousine de Chérif, une des victimes, auprès de BFM Marseille Provence.

· Un procès au retentissement national

Tenir entre parties civiles lors d'un procès symbolique, qui dépasse bien la simple question de la rue d'Aubagne. "Il ne s'agit pas seulement du procès de la rue d'Aubagne, mais de tous les problèmes d'habitat indigne. Nous avons le droit de vivre dignement", a souligné Liliane Lalone, mère de Julien, une des victimes, lors de la cérémonie d'hommage mardi 5 novembre.

Kévin Vacher, membre du collectif du 5-Novembre, la date du drame, espère que ce procès va permettre de "mieux comprendre l'habitat indigne et de faire peur aux propriétaires indignes qui continuent de pulluler".

Depuis les effondrements, les signalements concernant des immeubles insalubres se sont multipliés, au point d'atteindre près de 1.000 procédures. D'après la Fondation Abbé-Pierre, partie civile lors du procès, plus de 40.000 personnes souffrent du mal-logement dans la cité phocéenne.

Procès de la rue d'Aubagne: qu'attendent les familles des victimes?
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Consciente de ce fléau, la ville de Marseille, qui s'est portée partie civile. Dans une tribune publiée lundi 4 novembre, Benoît Payan, le maire de Marseille, a rendu une nouvelle fois hommage aux huit victimes, tout en rappelant les causes de l'habitat indigne.

Pour l'édile, la tragédie a été causée par "l'inertie et le renoncement qui ont, des décennies durant, laissé 40.000 logements devenir indignes" à Marseille. "Les effondrements de la rue d’Aubagne s’inscrivent dans une longue histoire de négligences, d’incurie et d’abandon", ajoute-t-il.

· 400 places à disposition dans la caserne du Muy

Olivier Leurent, président du tribunal correctionnel de Marseille, a lui-même reconnu l'aspect hors normes du procès qui s'ouvre ce jeudi. "C'est une affaire qui a soulevé d'énormes questions sur le plan technique, urbanistique, architectural", pointe le magistrat.

Un dossier "qui soulève des questions juridiques aussi, assez complexes, sur la chaîne de responsabilités. Ce sont toutes ces questions qui seront examinées par le tribunal correctionnel." En résumé, "on associe à la fois la complexité factuelle, la complexité juridique et l'émotion générée pour les victimes par ce drame".

Signe du retentissement de l'affaire, les débats se tiendront dans une chambre bien particulière, installée dans la caserne du Muy, dans le 3e arrondissement de Marseille. Cette dernière a déjà vu des procès d'envergure passer, comme l'accident de car de Millas ou les fausses procurations lors des municipales de 2020.

400 places seront mises à disposition dans cette salle. Une quarantaine de médias, locaux et nationaux, rendront compte des débats. Des photos et des vidéos seront projetées durant l'audience.

Compte tenu de la localisation de la caserne, la justice a obtenu une dotation de 200.000 euros pour assurer les frais de transport, d'hébergement et de restauration des parties civiles.

Marine Langlois