Effondrements de la rue d'Aubagne: vers un procès hors normes, six ans après le drame

Le 7 novembre, c'est un peu plus qu'un procès qui s'ouvrira à Marseille. Six ans presque jour pour jour après les effondrements de la rue d'Aubagne, 16 personnes physiques et morales comparaîtront devant le tribunal correctionnel. La chute des deux immeubles, situés au 63 et au 65 de cette artère de Noailles, a causé la mort de huit habitants. Le procès doit durer un mois et demi.
Sur le banc des prévenus sera notamment assis Julien Ruas. En 2018, lorsque la mairie était pilotée par Jean-Claude Gaudin, l'homme était adjoint en charge de la prévention et de la gestion des risques. À ses côtés, on trouvera Richard Carta, l'architecte désigné comme expert par le tribunal administratif de Marseille. Il avait inspecté l'immeuble du numéro 65, où vivaient les huit victimes, trois semaines à peine avant le drame. Une visite qu'il avait menée en une heure, sans interroger aucun habitant.
La responsabilité du cabinet Liautard, le syndic de copropriété chargé de cet immeuble, sera aussi examinée. De même que celle Marseille Habitat, société d'économie mixte de la municipalité et propriétaire de l'immeuble vide et délabré installé au numéro 63.
Ces quatre personnes physiques et morales sont poursuivies pour homicides involontaires et blessures involontaires.

"Les symboles de la prospérité de l'habitat indigne"
Face aux 16 accusés, 87 parties civiles suivront les débats avec attention. Kévin Vacher, membre du collectif du 5-Novembre, la date du drame, sera présent.
"Dans ce procès, on va voir les acteurs du mal-logement sur le banc des accusés. Ce ne sont pas seulement les responsables des effondrements de la rue d'Aubagne. Ils sont aussi les symboles de la prospérité de l'habitat indigne à Marseille comme ailleurs en France", développe-t-il au micro de BFM Marseille Provence.
Au-delà des condamnations, ce que l'association attend, c'est "aussi de mieux comprendre l'habitat indigne et de faire peur aux propriétaires indignes qui continuent de pulluler".
Un retentissement national
Olivier Leurent, président du tribunal correctionnel de Marseille, convient de l'aspect hors normes du procès à venir.
"C'est une affaire qui a soulevé d'énormes questions sur le plan technique, urbanistique, architectural", pointe le magistrat.
Un dossier "qui soulève des questions juridiques aussi, assez complexes, sur la chaîne de responsabilités. Ce sont toutes ces questions qui seront examinées par le tribunal correctionnel." En résumé, "on associe à la fois la complexité factuelle, la complexité juridique et l'émotion générée pour les victimes par ce drame".
Signe du retentissement de l'affaire, les débats se tiendront dans une chambre bien particulière, installée dans la caserne du Muy, dans le 3e arrondissement de Marseille. Par le passé, elle a déjà été le théâtre de procès d'envergure. Celui de l'accident de car de Millas, par exemple. Celui des fausses procurations aux élections municipales de 2020, plus récemment, ou encore celui du crash de la Yemenia.

400 places seront mises à disposition dans cette salle. Une quarantaine de médias, locaux et nationaux, rendront compte des débats. Des photos et des vidéos seront projetés durant l'audience.
Compte tenu de la localisation de la caserne, la justice a obtenu une dotation de 200.000 euros pour assurer les frais de transport, d'hébergement et de restauration des parties civiles.
Plus de 40.000 personnes mal logées à Marseille
Depuis les effondrements, les signalements concernant des immeubles insalubres se sont multipliés, au point d'atteindre près de 1.000 procédures.
Cela étant, le mal-logement reste prégnant à Marseille. Plus de 40.000 personnes en souffrent, selon la Fondation Abbé-Pierre. Deux dates permettront la mise en lumière de cette problématique avant même le coup d'envoi des six semaines d'audience.
Dimanche 3 novembre, au lendemain de la journée nationale contre l'habitat indigne, une marche pour la justice sera organisée. Elle débutera à 13 heures à Notre-Dame-du-Mont. Et mardi 5, la ville commémorera le sixième anniversaire du drame.
Une émission spéciale ce jeudi soir sur BFM Marseille Provence
À 18h30 ce jeudi 31 octobre, retrouvez notre émission Marseille Politiques, dédiée aux effondrements de la rue d'Aubagne et au procès dit de l'habitat indigne.
Sophie Camard, maire du premier secteur de Marseille, Bernard Eynaud, membre du collectif du 5-Novembre, et David Metaxas, avocat spécialiste en droit pénal et conseil d'une famille de victime sont nos invités.
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