Prostitution à Lyon: un collectif attaque l'interdiction de stationnement des camionnettes à Gerland

Des camionnettes de prostituées garées près de la "plaine des jeux" du quartier de Gerland, le 12 janvier 2022 à Lyon. - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK © 2019 AFP
Une "situation d'urgence pour les femmes qui exercent librement le travail du sexe". La Fédération Parapluie Rouge, regroupant des collectifs de santé communautaire et de défense des droits des travailleuses du sexe, annonce ce mercredi engager un recours contre l'arrêté préfectoral interdisant le stationnement de camionnettes dans le secteur de Gerland à Lyon.
La préfète du Rhône avait pris début mai cet arrêté concernant une vingtaine de rues dans le quartier de Gerland, avançant notamment des "troubles à la tranquillité publique" générés par les activités de prostitution.
Une atteinte aux "droits fondamentaux de ces femmes"
La Fédération Parapluie Rouge dénonce des mesures qui "portent atteinte aux droits fondamentaux de ces femmes et nuisent à leur bien-être et leur sécurité".
"Cette décision arbitraire a pour conséquence la confiscation et la mise à la fourrière des camionnettes de femmes qui y vivent sans exercer d'activité professionnelle au moment de la saisie", déclare la Fédération dans un communiqué paru ce mercredi.
Elle pointe également "l'illégalité" de cette mesure, qui revient à expulser les travailleuses du sexe de leur domicile, en plus des pertes financières liées à l'interdiction de stationner à Gerland.
"On ne peut pas, en droit français, vous évincer de votre domicile, quel que soit le domicile. Que vous viviez dans un manoir ou que vous viviez dans une camionnette sur le bord de la route", dénonce Elie Weiss, avocat pour la Fédération Parapluie Rouge, au micro de BFM Lyon.
Une volonté "d'évincer les travailleuses du sexe"
Le collectif va même jusqu'à dénoncer des mesures qui mettent en danger la santé des travailleuses du sexe, qui n'ont ainsi plus accès aux professionnels de santé en raison du déplacement de leur camionnette.
"Par conséquent, de nombreuses femmes n'ont pas pu bénéficier de tests de dépistage du VIH et ignorent peut-être qu'elles sont contaminées et nous comptons de nombreuses sorties de parcours de soin: dentiste, gynéco, IVG, vaccinations, etc." déplore la Fédération.
De son côté, la préfecture, dans un communiqué envoyé début mai, assure que "le travail de prévention et d'accompagnement social, sanitaire, juridique et d'insertion professionnelle se poursuit" avec deux associations agréées par l’État: l'Amicale du Nid 69 et le Mouvement du Nid 69.
La préfecture du Rhône souligne que "70 personnes ont pu bénéficier d'un parcours de sortie de la prostitution". Depuis, 82% des personnes sorties ont un emploi. "Ce sont autant de personnes soustraites à l'emprise des réseaux qui les exploitent", affirme la préfecture.
La Fédération dénonce une lutte des pouvoirs publics contre le travail du sexe, qui n'a selon elle aucun lien réel avec les arguments de troubles à l'ordre public ou de hausse des violences avancés par la préfecture, mais au contraire une volonté de "faire disparaître" les travailleuses du sexe du secteur à l'approche de la Coupe du monde de rugby 2023, puisque Lyon doit accueillir l'équipe néo-zélandaise.
"Il est clair que la véritable finalité poursuivie par la préfecture est d'évincer les travailleuses du sexe de la plaine de Gerland en prévision de la Coupe du monde de rugby, dans le but de soigner son image internationale."
L'avocat de la fédération dénonce par ailleurs un périmètre "beaucoup trop large" concerné par l'arrêté préfectoral, puisqu'il comprend des rues "dans lesquelles il n'y a aucun problème".
La Fédération Parapluie Rouge a ainsi engagé un référé-suspension auprès du tribunal administratif de Lyon. Ce dernier devrait tenir une audience d'ici une dizaine de jours.