"Les réseaux se réinstallent": les dealers de retour dans le quartier du Tonkin, six mois après l'opération place nette

À Villeurbanne, près de Lyon, les points de deal sont de retour dans le quartier du Tonkin. Depuis la mi-septembre, soit environ six mois après la tentative d'éradication du trafic de stupéfiants lors de l'opération "place nette XXL", les dealers ont réinvesti le secteur, au grand dam des riverains.
En mars dernier, d'importants effectifs de police avaient été dépêchés dans ce quartier gangréné par les violences liées à ce trafic. Coup sur coup, trois fusillades avaient éclaté au Tonkin en novembre 2023, menant à une première opération "place nette" dans la foulée.
"Les réseaux se réinstallent"
Une mobilisation policière lancée dans l'objectif de "neutraliser" plusieurs points de deal, qui n'a duré que le temps d'un été d'après certains riverains rencontrés par BFM Lyon.
"On ne voit plus beaucoup de policiers dans les rues, les réseaux se réinstallent à l'exception de celui qui est en bas de nos immeubles et sur lequel on intervient en groupe de riverains pour chasser les dealers", explique cet habitant du quartier, membre du collectif Tonkin Paix-sible.
Il assure que "tous les autres [points de deal] ont repris une activité" depuis plusieurs semaines, faisant état d'un sentiment de "colère" vis-à-vis des pouvoirs publics. "On craint que ça ne revienne à l'état antérieur", regrette-t-il.
Pourtant, la préfecture du Rhône précise que la lutte contre le trafic de stupéfiants continue. "La police est toujours présente à Villeurbanne et spécialement dans le quartier du Tonkin. Son action est parfois visible, parfois invisible, mais nous sommes toujours déterminés à lutter contre ces trafics", confirme Juliette Bossart-Trignat, préfète du Rhône déléguée à la sécurité et à la défense.
La BST toujours attendue
D'après le maire de la ville, Cédric Van Styvendael, le nombre de doléances provenant des riverains du Tonkin a été divisé par deux. Sans remettre en cause les efforts qui ont été réalisés, il attend cependant ce que l'ancien ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, leur a promis au printemps dernier.
"C'est vrai que comme les habitants, j'attends une brigade de sécurité territorialisée qui avait été annoncée par le ministre, parce que c'est ce qui va permettre de maintenir la pression. Sinon, dans quelques semaines ou quelques mois, ça sera tout ça pour rien", avertit Cédric Van Styvendael, maire (PS) de Villeurbanne.
Et cette attente prendre peut être prochainement fin puisque les autorités indiquent que des policiers supplémentaires vont être déployés en France.
"On aura des effectifs qui vont arriver dans différentes agglomérations et différentes villes. (...) Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il faut une politique globale et non des politiques au coup par coup", estime Hanane Bakioui, secrétaire nationale du syndicat des commissaires de police sur le plateau de BFMTV ce mercredi 30 octobre.
Les 98 opérations policières déjà menées au Tonkin entre janvier et mi-septembre ont permis la saisie de quelque six kilos de résine de cannabis, deux kilos d'herbe, un kilo de cocaïne, et 15 grammes d'héroïne, précise l'AFP. Cent dix personnes ont été placées en garde à vue, dont 22 ont été déférées.
Le tout répressif, réelle solution?
Si ce bilan comptable montre indéniablement un effet de la mobilisation policière sur le trafic, il reste insuffisant aux yeux des riverains directement touchés quotidiennement par les nuisances. Et pour certains, la politique du tout répressif est même obsolète, comme le suggérait sur BFM Lyon Mokrane Kessi, président de l'association France des banlieues.
"Depuis 30 ans, on nous renvoie toujours à la police et à la répression", déplorait-il ce mardi 29 octobre sur notre antenne.
Prenant exemple sur le Portugal, qui depuis 2001 a adopté un virage à 180 degrés sur sa politique auparavant liée à une criminalisation de la consommation de stupéfiants, Mokrane Kessi assure que la dépénalisation de la possession de petites quantités de drogue a permis une chute de la criminalité à hauteur de 40%.
Des chiffres à nuancer, puisque selon une étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, réalisé après 20 ans de politique accompagnatrice et moins répréhensive au Portugal, "les données disponibles ne permettent pas d’affirmer que l’objectif de réduction de la criminalité a été atteint".