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INFO BFMTV. Violences, symboles SS: pourquoi Bruno Retailleau veut dissoudre Lyon Populaire, groupuscule d'ultradroite

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, le 7 février 2025 à Lognes, près de Paris

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, le 7 février 2025 à Lognes, près de Paris - Thomas SAMSON

INFO BFMTV. Bruno Retailleau a annoncé engager la procédure de dissolution du groupe Lyon Populaire. Dans un courrier que nous avons pu consulter, Beauvau accuse l’organisation de violences en bande ou encore de "provocation à la haine" contre les étrangers. Le dirigeant de Lyon Populaire lui a répondu dans un courrier le 7 mai.

Le ton est bravache. Le chef du groupuscule néofasciste Lyon Populaire, Eliot Bertin, a répondu par un courrier hostile, daté du 7 mai, à la procédure de dissolution engagée à son encontre par Bruno Retailleau.

"Si vous pensez que la dissolution entraînera moins de violences (...) c’est que vous n’écoutez pas suffisamment vos services de renseignement", raille-t-il, dans cette missive adressée au ministère de l’Intérieur, que BFMTV s’est procurée.

Invité par Beauvau à formuler ses observations –un préalable à toute procédure de dissolution– cette figure de l’ultradroite lyonnaise proclame que cette mesure administrative n’empêchera en rien sa mouvance de poursuivre ses activités violentes. "Il serait vain pour le ministère de l’Intérieur de vouloir empêcher que des jeunes Français s’organisent pour se défendre", claironne-t-il.

Un "discours discriminatoire et haineux"

Beauvau entend aller jusqu’au bout. Loin d’être une simple "communauté militaire" qui viserait à "défendre son identité locale", ce groupuscule d’ultradroite "diffuse en réalité (...) une idéologie qui provoque des agissements violents, exalte la collaboration avec l’Allemagne nazie et propage des idées tendant à justifier ou encourager un discours discriminatoire et haineux envers les personnes immigrées, les juifs et les personnes homosexuelles", argue Pascale Léglise, la directrice des libertés et des affaires publiques du ministère de l’Intérieur dans un courrier de sept pages adressé le 28 avril au dirigeant de Lyon Populaire, que BFMTV s’est aussi procuré.

Premier motif de dissolution avancé par Beauvau: les membres de ce groupuscule fondé à Lyon en septembre 2019 incitent à des agissements violents. "Vous présentez la violence comme nécessaire face à la prétendue défaillance de l’État et incitez à l’autodéfense" contre "les antifas" et "les étrangers", accuse le ministère.

Il cite notamment une interview accordée par Eliot Bertin à Radio France le 19 décembre 2023 au cours de laquelle le chef du mouvement revendiquait l’usage de la violence par ses militants hors de tout "cadre légal", quitte à se substituer aux forces de police, qu’il juge inopérantes.

Des appels à la violence suivis d'effets

Sur différents réseaux sociaux, le groupuscule multiplie également les appels à l'"autodéfense populaire" et à "tenir tête à l’envahisseur" et aux "antifas", ce qui relève d’une forme d’apologie de la violence milicienne, selon l’Intérieur. Il rappelle aussi un slogan apparaissant sur une banderole brandie lors d’un défilé anti-immigration à Lyon, le 6 octobre 2024: "La corde pour les assassins de mon peuple".

Des appels à la violence suivis d’effets, d’après Beauvau: deux militants de Lyon Populaire ont été condamnés pour leur participation à l’expédition punitive dans le quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère, le 25 novembre 2023, après la mort du jeune Thomas Perotto à Crépol.

"Vous et plusieurs militants (...) êtes directement impliqués dans des faits de violence", affirme aussi la représentante de l’Intérieur, accusant directement Eliot Bertin, suspecté d’avoir violenté un lycéen à Lyon le 22 septembre 2022, mais aussi d’avoir participé à l’attaque d’un local associatif dans le Vieux-Lyon, où se tenait une conférence sur Gaza, le 11 novembre 2023.

Armés de barres de fer et de mortiers d’artifice, une cinquantaine d’ultras encagoulés avaient tenté de forcer l’entrée de la Maison des Passages. Bilan: sept blessés. Bertin et huit autres militants d’ultradroite ont été mis en examen pour "association de malfaiteurs". Il a été brièvement placé en détention provisoire.

Les immigrés présentés comme des "assassins"

Autre motif avancé pour justifier la dissolution: Lyon Populaire provoque à la haine contre les immigrés et les homosexuels. "Votre groupement les présente [les immigrés] comme responsable de la délinquance et procède à un amalgame entre, d’une part, immigration et d’autre part, insécurité, alimentant ainsi la haine à l’égard des étrangers", écrit le ministère.

Lyon Populaire désigne ainsi régulièrement les immigrés comme des "envahisseurs" ou des "assassins", assénant des slogans sans ambiguïté: "L’immigration tue", "Immigration meurtrière... Ils avaient aussi déployé place Bellecour à Lyon le 12 juin 2021 une banderole: "Lobby LGBT, arme du capital".

Pour les services de l'État, Lyon Populaire "exalte la collaboration avec l’ennemi", en proposant à la vente des ouvrages d’auteurs collaborationnistes, comme Robert Brasillach, Charles Maurras ou Jacques Doriot. Le groupuscule utilise en outre des symboles SS utilisés et exécute des gestes prônant le suprémacisme blanc, selon Beauvau.

"Nous assumons d'apprendre à nos militants à se défendre"

Le responsable de Lyon Populaire avait jusqu’au 9 mai pour réagir. "Nous assumons d’apprendre à nos militants à se défendre" proclame-t-il dans son courrier de réponse, affirmant qu’ils sont eux-mêmes la cible d’antifascistes et de personnes issues de l’immigration.

Selon lui, Lyon Populaire n’encourage pas à la violence, mais au contraire "canalise le ressentiment présent chez de nombreux Français, notamment envers l’immigration extra-européenne, pour l’orienter vers une action constructive et la plus légale possible".

Sur les ouvrages collaborationnistes qu’ils proposent à la vente, le militant ne répond pas sur le fond mais apostrophe le ministre: "Retailleau pense-t-il interdire les maisons d’édition publiant des auteurs comme Brasillach, Drieu La Rochelle ou Maurras?" Concernant les violences qui leur sont reprochées, le militant nationaliste affirme n’avoir, à titre personnel, jamais été condamné à ce stade, et être donc présumé innocent.

Quant aux "amalgames" entre insécurité et immigration, le chef du groupuscule persiste: "Si l’immigration n’est pas stoppée", assène-t-il, celle-ci amènerait "au mieux une guerre civile, au pire, le génocide des populations autochtones européenne". Cette théorie du "génocide blanc" a été développée en 1995 par le néonazi américain David Lane. Contacté par BFMTV, Eliot Bertin affirme qu’il ne contestera pas devant le Conseil d’État la dissolution administrative de son organisation.

Paul Conge avec Emilie Roussey