Injection d'ozone, analyse génétique, tests microbiotiques... Le secteur du luxe surfe sur la quête de la vie éternelle des grands fortunes

Oubliez le champagne au petit-déjeuner et les buffets à volonté. Dans les nouveaux palaces médicaux, on vous sert de la soupe miso citronné, du guacamole allégé et une injection en intraveineuse d’ozone. Bienvenue dans l’ère du luxe cellulaire, où les ultra-riches dépensent des fortunes pour repousser l’horloge biologique. Décryptage d'une tendance qui n'en est qu'à ses balbutiements.
Hôtels-cliniques: les nouveaux temples du luxe
Pendant longtemps, le luxe s’est défini par la rareté et l’ostentation: sacs à main, montres, voitures... mais aujourd’hui, le bien suprême est le temps. Le wellness est devenu un nouveau marqueur social, une valeur refuge pour les élites.
Selon le Global Wellness Institute, le marché mondial du bien-être pèse déjà 4.000 milliards de dollars, et le tourisme lié au bien-être atteindra 1.351 milliards de dollars en 2028, affichant ainsi une croissance annuelle de 10,2 %. Une récente étude de Klarna confirme cette appétence: plus de 71 % des Français seraient prêts à réserver un séjour axé sur le bien-être, un chiffre qui grimpe à près de 80 % chez les 35-44 ans. Au sommet de cette pyramide du désir, une nouvelle niche attire les fortunes mondiales: les séjours médicaux de luxe, conçus pour ralentir le vieillissement.
À Alicante, le SHA Wellness est devenu le symbole de cette mutation. Ni simple hôtel, ni clinique classique, le SHA est ce que son cofondateur et vice président, Alejandro Bataller, appel une adresse hybride:
"Nous combinons la sophistication d’un resort cinq étoiles, la précision d’une clinique médicale et l’approche holistique d’un centre de bien-être. Nous ne sommes pas seulement un lieu où séjourner, mais une destination transformative où chaque invité embarque dans un voyage hyper-personnalisé."

Le parcours débute par une série de diagnostics poussés: analyse génétique, tests microbiotiques, biomarqueurs, composition corporelle. Les programmes portent des noms évocateurs — Advanced Longevity, Rebalance & Reenergize, Detox & Optimal Weight. Rien n’est laissé au hasard et le quotidien est orchestré avec rigueur: petit-déjeuner à base de soupe miso citronnée, guacamole allégé et jus de betterave, suivi de consultations médicales, de séances de Watsu (du Shiatsu dans l'eau), de thérapies régénératives et de repas anti-inflammatoires.
"Nos menus sont conçus pour être à la fois thérapeutiques et gourmets. La discipline ici se vit comme une forme d’empowerment, pas de privation", insiste Alejandro Bataller.
Le SHA a identifié un segment en pleine explosion: les programmes de longévité. "La demande est énorme. Nos clients veulent optimiser leur health span, c’est-à-dire vivre non seulement plus longtemps, mais en bonne santé, avec vitalité, clarté mentale et résilience. Les traitements de longévité sont aujourd’hui parmi les plus populaires", souligne Alejandro Bataller.

Parmi les outils mobilisés, on découvre des diagnostics génétiques, de la nutrition sur-mesure, des thérapies cellulaires, de la méditation guidée, des exercices en réalité virtuelle, des soins esthétiques... La technologie est omniprésente. Le SHA attire des HNWIs (High Net Worth Individuals) du monde entier: entrepreneurs, dirigeants, créatifs, sportifs, âgés de 35 à 65 ans.
"Ils viennent investir dans leur santé comme ils le feraient dans un actif précieux", ajoute Alejandro Bataller.
Le must? Opter pour une injection d'ozone (en intraveineuse) promettant notamment une action analgésique et anti-inflammatoire. Un acte interdit en France et souvent controversé mais qui connait un grand succès à l'international. L'actrice Gwyneth Paltrow, fondatrice de la marque Goop, a d'ailleurs confié avoir eu recours à "l’ozonothérapie rectale" dans un podcast consacré au bien-être...
Le ticket d’entrée au Sha Wellness à Alicante? Environ 8.000 euros la semaine, avec des séjours allant de 4 à 21 jours. Beaucoup reviennent plusieurs fois par an, et la fidélité est telle que le SHA a construit une véritable communauté mondiale. Fort de son succès, le groupe a ouvert en 2024 une nouvelle adresse au Mexique (Yucatán), et prépare l’ouverture du SHA Emirates à Al Jurf (Émirats arabes unis) en 2027.
"Nous construisons un réseau mondial, mais chaque destination doit s’harmoniser avec son environnement. L’authenticité passe avant l’expansion rapide", précise Alejandro Bataller.
L’ambition? Devenir la référence mondiale du medical luxury wellness.

La technologie au service de la jeunesse
Dans ce nouveau luxe médicalisé, certains traitements esthétiques empruntent au vocabulaire de la science-fiction. À mi-chemin entre la science et le soin esthétique, Thermage FLX (radiofréquence monopolaire sans microneedling) s’impose comme l’un des traitements stars. Inventée dans les années 1990 aux États-Unis et aujourd’hui portée par Solta Medical (groupe Bausch Health), cette technologie utilise la radiofréquence pour chauffer les couches profondes de la peau et stimuler la production de collagène. Le résultat? Un visage raffermi, un contour redessiné, sans chirurgie ni éviction sociale. Bluffant.
À Paris, le Dr Thierry Lafitte fait partie des praticiens à proposer ce soin: "Nous sommes dans une logique de médecine préventive", explique-t-il. "Le Thermage permet de maintenir un capital jeunesse et de retarder les interventions invasives comme le lifting. C’est exactement ce que recherchent mes patients: des résultats subtils, naturels, sans transformation radicale."
La séance, facturée autour de 3.000 euros, doit être renouvelée tous les un à deux ans. Un investissement conséquent, mais qui ne cesse de séduire.
"La France est encore en retard par rapport aux États-Unis, au Brésil et même à l'Espagne ou à l’Italie, où ces pratiques sont totalement assumées", observe le Docteur Lafitte. "Mais les mentalités évoluent, et la demande est en forte croissance." Ici, la jeunesse éternelle se construit donc sans bistouri, mais au rythme discret des ondes électromagnétiques.
Dans le 8ème arrondissement de Paris, l’Institut Combray, fondé par Ava Cohen, illustre également ce mariage entre esthétique et innovation. Si on est ici séduit par le décor luxueux, c'est aussi et surtout via ses protocoles que cette adresse se distingue. Parmi les machines proposées, l'EM Sculpt s’impose comme un incontournable. Le principe?
La technologie HIFEM (High-Intensity Focused Electromagnetic) provoque des contractions musculaires intenses et profondes, dépassant ainsi tous les autres dispositifs destinés à réduire les graisses puisqu’elle ne se contente pas de les éliminer, elle agit directement sur le muscle. Chaque séance (facturée 400 euros) agit comme des milliers de crunchs ou de squats virtuels. Et le jeu en vaut la chandelle avec une silhouette redessinée et des muscles nettement plus visibles. Une approche qui séduit autant les cadres pressés que les amateurs de fitness haut de gamme.
Entre prix Nobel de chimie et matcha au collagène
Avec une croissance annuelle de 3.01 % dans le secteur des soins personnels et la beauté, les grandes marques de skincare surfent, elles aussi, sur la vague. Illustration avec la griffe haut de gamme Noble Panacea, fondée sur les travaux du Prix Nobel de chimie 2016 Sir Fraser Stoddart, qui dévoile sa dernière innovation, un sérum Nuit Peptides à 492 euros les 30 doses. Sa promesse? Cibler la sénescence cellulaire – ces fameuses "cellules zombies" responsables du vieillissement. Ici, la science se fait luxe, et le packaging rivalise avec celui des maisons de joaillerie.
Dans la même logique de bien-être intégré au quotidien, c'est la start-up française Harmony Nutri qui réinvente la supplémentation beauté et dévoile son innovation brevetée: les premières capsules de collagène marin compatibles Nespresso. Jusqu’ici, le collagène, star des compléments alimentaires, n’était disponible qu’en poudre ou en gélules, souvent jugées peu pratiques. Désormais, il s’invite directement dans le rituel du café et même du matcha. Chaque matin, il devient possible de savourer une tasse de thé à la menthe, de café ou de matcha enrichi en collagène, pour hydrater la peau, renforcer les cheveux et protéger les ongles. Basée dans le sud de la France, la société Harmony Nutri a fait valider son efficacité à travers une étude clinique menée à l’Hôpital Saint-Roch de Nice. Les résultats sur la fermeté de la peau et l’éclat du teint seraient visibles dès 8 semaines.
Partout, le constat est le même: le temps est devenu l’objet de désir suprême. Après les îles privées et les jets, la nouvelle richesse consiste à repousser la date de sa propre obsolescence biologique. Figure de proue de cette quête de la longévité, l'entrepreneur américain Bryan Johnson dépense plus de 2 millions de dollars par an pour son protocole anti-âge. Un exemple extrême qui illustre le fantasme d’une élite: acheter littéralement des années de vie. Ce dernier est d'ailleurs le sujet d'un documentaire Netflix, sobrement intitulé "Don't die. The man who want's to live forever". La messe est dite.

La longévité n’est donc plus une utopie, c’est une industrie mondiale, déjà en pleine expansion.