Comment la ville de New York mise sur le tourisme de luxe pour soutenir sa croissance

Des chambres du Waldorf Astoria aux rooftops feutrés de Tribeca, des dîners signés Daniel Boulud aux expériences en yacht privatisé, la ville soigne sa clientèle la plus exigeante. Une montée en gamme millimétrée qui sert pleinement son attractivité globale.
"Un impact économique trois fois supérieur à la moyenne"
Avec ses 64,5 millions de visiteurs, New York signe, en 2024, son deuxième meilleur score historique en matière de fréquentation. Mais au-delà du volume, c’est une transformation qualitative qui s’opère : celle d’un positionnement affirmé sur le segment du tourisme premium.

La ville qui ne dort jamais continue de s’appuyer sur un imaginaire mondialement partagé, façonné, entre autres, par la série Sex and the City. Le public international y découvre une métropole chic, où le brunch est stratégique et où les talons Manolo Blahnik claquent sur la Fifth Avenue. Avec 10,7 millions de voyageurs à haut revenu en 2024 (+23 % par rapport à 2019), New York attire donc une clientèle qui consomme vite, beaucoup, et surtout dans le haut de gamme: hébergements 5 étoiles, shopping de luxe, gastronomie étoilée, expériences sur-mesure...tout est fait pour séduire les portefeuilles les plus garnis.
"Les voyageurs haut-de-gamme ont un impact économique trois fois supérieur à la moyenne : leur fidélisation est donc stratégique pour l’économie de la ville, qui se construit autour d’une offre à la fois inclusive, durable et hautement qualitative" précise Julie Coker, Présidente & CEO de New York City Tourism + Conventions.
Le résultat ? 79 milliards de retombées économiques, dont plus de 51 milliards de dépenses directes injectées dans l’économie locale. A noter que la France est désormais le troisième marché source pour la ville de New York. En 2024, elle a accueilli 788.000 visiteurs français qui ont généré 1,6 milliard de dollars de dépenses.
"Les voyageurs français fortunés sont particulièrement sophistiqués et recherchent la personnalisation, la gastronomie, l'immersion culturelle et l'élégance. À New York, cela peut se traduire par une avant-première privée au Met, un voyage gastronomique dans Harlem ou un essayage de vêtements couture à SoHo. Ces moments trouvent un véritable écho auprès de ce public." ajoute Julie Coker.
Hôtellerie et gastronomie: une course au prestige
Pour séduire cette clientèle exigeante, la ville de New York met les petits plats dans les grands et investit massivement dans l’hôtellerie premium. En 2025, plusieurs ouvertures très attendues marqueront un tournant. Parmi elles, le Faena New York, au cœur du quartier de la High Line : une adresse arty de 120 chambres, dotée d’un spa Tierra Santa et de lieux de vie immersifs. À l’automne, c’est le mythique Waldorf Astoria New York qui rouvrira ses portes, après une restauration monumentale. Il proposera notamment un spa Guerlain de 2.800 m² ainsi qu'une table gastronomique signée du célèbre chef américain Michael Anthony.

La ville séduit aussi par ses établissements plus intimistes, comme The Surrey, réinventé par Corinthia sur l’Upper East Side, ou encore le Warren Street Hotel à Tribeca, parfait exemple de chic new-yorkais décontracté, entre orangerie, salons feutrés et design soigné.
Dans cette stratégie, la scène gastronomique joue également un rôle-clé, véritable marqueur de prestige. Si la France reste la destination phare lorqu'il est question de haute gastronomie, New York est la ville américaine qui compte le plus de restaurants étoilés Michelin, dont plusieurs établissements trois étoiles emblématiques tels que Eleven Madison Park (végétalien), Jungsik New York (coréen) ou Le Bernardin (spécialités de la mer).

Mais ce sont aussi les nouvelles tables qui attisent la curiosité des fins gourmets comme Maison Passerelle, la dernière adresse du chef Gregory Gourdet au sein du Printemps New York, ou encore Locanda Verde, récemment installée à Hudson Yards, où l’on savoure une cuisine italienne authentique dans un cadre ultra-design.
Stratégie structurée et prix forts
Cette montée en gamme ne repose pas uniquement sur une multiplication d’hôtels et de restaurants luxueux, elle repose aussi sur une stratégie B2B rigoureuse : lancement du "NYC Luxury Guide" dédié aux professionnels avec des itinéraires sur mesure, des contenus exclusifs, mais aussi la formation des agents de voyages avec un nouveau module dédié au tourisme de luxe ou encore la présence dans les salons internationaux haut de gamme (ILTM, Virtuoso)... autant d'outils pensés pour structurer l’offre, mieux la vendre et fidéliser une clientèle ultra-courtisée.

À noter cependant que cette premiumisation dévoile également certaines tensions. Les prix pratiqués à New York – en particulier dans l’hôtellerie et la restauration – atteignent des sommets rarement égalés. Selon la plateforme d’analyse immobilière CoStar, le tarif moyen par nuit dans un hôtel à New York a atteint 301 dollars en 2023, soit une hausse de 4,2 % par rapport à 2022.
Des tarifs qui s'envolent et qui s'explique notamment par la lourde réglementation des Airbnb, par l'occupation depuis 2022 de nombreux hôtels par des migrants et, plus globalement, par une inflation liée la politique protectionniste de Donald Trump, d’où la nécessité, pour les acteurs du tourisme de luxe new-yorkais, de proposer des expériences à la hauteur de cette inflation perçue. Hyper-personnalisation, expériences inédites, accès exclusifs, plus que jamais, chaque détail compte pour justifier l’investissement financier.

New York reste une vitrine mondiale, mais c’est une vitrine au prix fort. Pour la ville, le défi sera de concilier excellence et accessibilité relative, afin de ne pas transformer l’ultra-luxe en barrière d’entrée… surtout à l’heure où d’autres destinations, à la fois plus compétitives et plus souples, cherchent à capter cette clientèle mobile et courtisée.